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[Exposition] «Pure Europe», l’Europe face à ses contradictions


D’un couloir à l’autre de la Möllerei, les visions de l’Europe s’opposent. (Photo : Léa Cheymol)

Dernier projet d’Esch 2022 à la Möllerei, l’exposition «Pure Europe» questionne notre continent et ses particularités, en déconstruisant ses stéréotypes.

Le 9 janvier dernier, Esch-sur-Alzette a officiellement passé le flambeau de capitale européenne de la culture. Si la culture «continuera à vivre» en 2023 à Esch – comme ont cru bon de rassurer responsables et officiels –, l’un des derniers projets d’Esch 2022 a l’Europe au cœur, explorée sous toutes ses coutures et questionnée.

«Pure Europe», le titre de l’exposition qui court jusqu’au 26 février entre les murs de béton de la Möllerei, à Belval, est un brin provocateur, mais incite à se demander ce qui fait, en somme, la particularité de l’Europe, de manière à pouvoir définir ce qui serait «purement européen».

L’idée d’une «Europe pure» tourne ainsi autour de six attributs : national, vieux, chrétien, riche, blanc, cultivé. Ou, plutôt, de leur déconstruction, par le biais d’une mise en perspective dans un contexte européen.

Mais il convient, avant toute chose, de se demander de quelle Europe on parle : la zone géographique aux frontières incertaines? l’Europe continentale? l’Union européenne? L’Europe existe-t-elle d’abord comme civilisation, comme espace économique ou comme projet politique?

L’Europe sous toutes ses coutures

Autant de conceptions différentes que viennent encore bousculer des idées, organisations et institutions telles que l’espace Schengen, le Conseil de l’Europe ou… le concours de l’Eurovision. Dans un souci d’exhaustivité, et pour tenter de mieux cerner le sujet, l’exposition fait cohabiter ces différentes conceptions.

Voilà qui ne rend pas la tâche plus aisée, mais qui peut au moins ôter un doute : «Pure Europe» n’a pas vocation à répondre à ce qui serait purement européen, mais bien à présenter l’Europe sous toutes ses coutures, laissant au visiteur la discrétion de sa propre opinion.

À l’aide de textes explicatifs, de documents iconographiques, d’objets et de diverses installations, chacun des chapitres vise à questionner la notion qui lui est associée. Qui cache souvent un double sens. National ou nationaliste? Vieux Continent ou continent vieillissant? Tout, ici, repose sur des dichotomies, sinon des antagonismes.

Si l’on peut lire que «la nation domine notre conception de la carte politique», et que l’Europe souhaite sortir de ce schéma en encourageant les dynamiques transfrontalières – la Grande Région et, justement, la capitale européenne de la culture en sont deux excellents exemples –, la réalité nous rappelle que c’est la religion chrétienne qui, longtemps, a été la force dominante sur le continent, avec la persévérance de ses idées conservatrices et la représentation du territoire par l’homme blanc. Y compris quand l’Europe est devenue à la fois le plus athée des continents, et celui où les croyances sont les plus diversifiées.

Le stéréotype et l’envers du décor

L’idée de l’Europe comme territoire à la fois politique, culturel et économique, est complexe. «Pure Europe» a vocation à vulgariser le sujet sans pour autant le rendre rudimentaire. Et ce, car le visiteur progresse dans l’exposition comme dans un jeu : le premier couloir illustre la vision stéréotypée de l’Europe, mais une fois la galerie traversée, le visiteur découvre – littéralement – l’envers du décor, bien plus réaliste.

Aussi complet soit-il en termes d’informations, ce portrait de l’Europe est déroulé de façon empirique. Avec quelques idées particulièrement intéressantes, dont le questionnement des notions de «barbarie» et de «découverte», en rapport avec l’Europe de la colonisation.

Mais aussi ses fautes de goût, quand il s’agit d’exposer les dessins condescendants de Plantu ou de cacher des «images racisées» derrière les portraits des curateurs de l’exposition – qui semblent plutôt répondre à la vision blanche et stéréotypée de l’Europe.

Laboratoire interactif

C’est dans la deuxième moitié, au sous-sol de la Möllerei, que «Pure Europe» dévoile tout son potentiel. L’espace, conçu comme un «laboratoire», immerge le visiteur, qui vient d’engloutir une masse d’informations titanesque – mais essentielle –, dans l’identité de l’Europe d’aujourd’hui.

C’est une Europe à taille humaine, aux problématiques tangibles et actuelles, que l’on visite ici : flux migratoires, évolution des barrières depuis le traité de Schengen, qualité de vie, responsabilité des musées face à l’art spolié…

Au fil de la déambulation, et à l’aide d’écrans interactifs, l’exposition aide le visiteur à développer sa propre opinion quant à ce qu’est l’«Europe pure»… avant de l’inviter à coucher ses pensées sur papier. Des notes, affichées en fin d’exposition, qui pourraient faire figure de dernière œuvre : on peut y lire l’amour de certains visiteurs pour cet espace aux frontières ouvertes, d’autres dénoncer que «l’Europe vit grâce aux richesses de l’Afrique» et, souvent, les notes sont ponctuées par des remarques sur le froid qui règne à l’intérieur de la Möllerei.

Une chose est sûre : caricaturale ou réaliste, cette Europe-là échappe au réchauffement climatique.

Jusqu’au 26 février.
Möllerei – Esch-Belval.

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