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Marc Demuth livre son RESET à Neimënster


(photo Neimënster)

Toute la semaine, des pointures du jazz sont à Neimënster, réunis autour d’un projet commun. Parmi eux, Marc Demuth, le local de l’étape, qui a vu pas mal de choses, à l’affût derrière sa contrebasse. Confidences.

Dans sa chambre toute neuve, café à la main, Marc Demuth est bien, à l’aise. Il n’est pourtant pas chez lui, mais à Neimënster, hôte aux petits soins quand il s’agit de dorloter la crème du jazz qui, chaque année, ne se fait pas prier pour revenir. C’est que l’invitation du festival RESET ne se refuse pas, ne serait-ce que pour sa forme et ses intentions : réunir le temps d’une semaine, en résidence et autour d’un projet musical commun, huit étoiles montantes et valeurs sûres, principalement venues d’Europe, mais pas que (comme le prouve cette année la présence du pianiste japonais Makiko Hirabayashi). Ensemble et à travers différentes formules, sous la coupe discrète d’un curateur (le compositeur et vibraphoniste Pascal Schumacher), le collectif s’apprécie, crée et joue dans une liberté de ton. Au milieu de l’agitation, derrière sa contrebasse, Marc Demuth semble apprécier l’ambiance. Le temps d’une courte pause, il raconte.

Vous avez l’air fort occupé. Cette résidence implique-t-elle un rythme soutenu ?

Marc Demuth : Oui, car elle se déroule sur une petite semaine, durant laquelle on doit travailler deux programmes : l’un qui concerne tout le groupe, soit un octet, et une petite formule annexe en trio ou en duo. Tout ça demande du temps. On ne s’ennuie pas !

Concrètement, comment se déroule une journée standard ? 

En amont, il y a peu de consignes, mais une principale : que chacun des musiciens ramène une composition, une reprise, un morceau libre ou arrangé, voire une simple idée. Bref, que l’on n’arrive pas les mains vides ! Ce n’est pas rien de faire le tour de toutes ces écritures différentes, aux identités et cultures musicales différentes. Surtout qu’au bout, il faut les unifier et trouver un son de groupe.

Est-ce une manière de travailler compliquée ?

Pas si ça marche en étape. Il faut d’abord déchiffrer les morceaux, les jouer pour être à l’aise, et mettre sur un pied un plan de vol qui détaille tout de A à Z. Sinon, c’est la faute assurée ! Bon, on a un autre challenge, imprévu celui-ci : la batteuse prévue au départ (l’Allemande Eva Klesse) n’a pas pu venir, car elle s’est blessée à la main. Elle a été remplacée au pied levé par une autre de Cologne, arrivée mardi soir (Mareike Wiening). Elle doit alors rattraper le temps perdu, se familiariser avec la musique, le groupe…

Ça veut dire que durant deux jours, en tant que contrebassiste, vous étiez privé de votre partenaire de jeu privilégiée… 

C’est clair, la batterie manquait cruellement. Sans elle, un bassiste ou un contrebassiste se sent toujours un peu orphelin. Et on se retrouve avec plus de responsabilité : on devient le chef d’orchestre, celui qui donne le tempo, lance les changements de parties… Quand il y a six personnes qui comptent sur vous, alors que l’on joue des morceaux tout neufs, on change de statut ! Mais tant mieux, maintenant, la batteuse est là, elle a un énorme niveau et tout de suite, avec elle, l’étincelle a pris. Et moi, j’ai pu me remettre en retrait (il rigole).

Justement, la contrebasse trouve-t-elle facilement sa place parmi tous ces instruments ? 

Elle est au service des autres, rôle qui me va très bien. Ici, elle fonctionne comme une sorte de colle pour tout le groupe. Quand on joue, en dehors des contacts visuels, j’essaye que les autres m’écoutent et me suivent comme le clic d’un métronome. D’autant plus vrai que les morceaux sont structurés, que tout y est très clair, des accords aux thèmes. Il faut donc s’assurer que ça se passe bien. Au moins jusqu’aux solos ! Avec la batteuse, en tandem, on est comme la clé de voûte du bon fonctionnement de l’ensemble. Celui aussi qui insuffle l’énergie, le dynamisme.

Parmi les musiciens convoqués cette année, en connaissiez-vous déjà certains ? 

Le principe de RESET, du moins pour Pascal (Schumacher, le curateur musical de cette édition), c’est justement de réunir des musiciens qui n’ont jamais joué ensemble auparavant, ou alors il y a longtemps. Moi, je connaissais déjà le trompettiste Rémy Labbé qui, s’il est Belge, habite au Luxembourg et travaille au Conservatoire. Ça rapproche ! Parmi les autres, certains m‘étaient connus, de nom ou de réputation. D’autres pas du tout.

RESET se présente comme réunissant les «étoiles montantes et les valeurs sûres du jazz». Quel est votre regard sur vos camarades de jeu ?

Le niveau est là, c’est certain. Et ce sont des musiciens très actifs avec leurs projets et d’autres parallèles. Ils ont déjà accumulé une énorme expérience, mais restent curieux et ouverts d’esprit. Sans oublier un sens de l’investissement, plus que nécessaire ici : durant une semaine, on ferme les agendas, on coupe tout et on oublie les concerts. Pour des gens habituellement très demandés, les voir jouer à ce point le jeu, c’est beau !

On vibre tous sur la même fréquence

Et musicalement ? 

Dès les premières secondes de jeu, tout semble couler de source malgré la complexité de l’exercice. Si le courant ne passait pas, ça se verrait : on passerait notre temps à discuter, pour ajuster les avis ou les caractères. Ici, ce n’est pas le cas. C’est même l’inverse, du genre « Ne parlons pas, jouons ! » (Il rit). On sent ce groupe à l’aise et habitué à se confronter à d’autres musiciens, d’autres cultures. On vibre tous sur la même fréquence. Personne n’est perturbé!

Toujours pour RESET, vous allez également jouer en trio avec un trompettiste et une saxophoniste. C’est rare, non ?

Pour le coup, le festival porte bien son nom : moi aussi, je dois me réinitialiser ! Je n’ai jamais joué dans cette formule, en tout cas pas sans instrument harmonique et sans batterie. C’est une dynamique totalement nouvelle. À nous de nous laisser surprendre.

D’ailleurs, on dit que le jazz est le «son de la surprise». Y en a-t-il eu ces derniers jours ? 

Les surprises, c’est tous les jours, car on avance sur le vif, sans avoir le temps d’être bien préparé. D’un point de vue musical, il y a des choses que je n’ai jamais entendues jusqu’alors. Pourtant, je pense quand même avoir une culture jazz qui se tient !

Je suis comme en tournée dans mon propre pays

Vous suivez le festival depuis le début. Êtes-vous heureux d’y participer cette année ? 

Clairement. Pascal m’a annoncé la bonne nouvelle il y a un an lors de la sixième édition. Il choisit toujours le musicien du Luxembourg en premier, car étant sur place, on peut faciliter les choses en termes de logistique. Après, par contre, je fais comme tous les autres : je loge à Neimënster, alors que j’habite à quinze minutes d’ici ! Je suis comme en tournée dans mon propre pays (il rit). Il faut dire que l’on est aux petits soins pour nous : les conditions d’accueil et de jeu sont parfaites. C’est crucial pour la réussite d’un tel projet.

Encore une chose singulière : il y a autant de femmes que d’hommes à ce RESET 2024. Qu’en pensez-vous ? 

C’est une bonne chose. Le jazz, particulièrement au Luxembourg, reste un domaine masculin. Il y a peu de femmes dans les groupes, ou alors, elles sont au chant. Certes, ça bouge, mais on est encore loin de la parité. Pourtant, ça apporte une sensibilité différente. Le guitariste (le Finlandais Kalle Kalima) l’a reconnu cette semaine. Il a dit « On est très civilisés » (il rit). Avec quatre hommes et quatre femmes dans le collectif, aucun sexe ne prend le dessus. Il en ressort une saine énergie.

Vous qui êtes enseignant (NDLR : il dirige le département de jazz de l’école de musique d’Echternach), comment voyez-vous cette recherche de parité ? 

Elle est connectée aux instruments. Vous trouverez par exemple plus de filles attirées par les bois ou encore les cuivres que par la batterie ! La contrebasse commence à être populaire, mais oui, il y a des efforts à faire, c’est certain.

Finalement, qu’attendez-vous de cette participation à RESET ?

J’ai des attentes déjà comblées : rencontrer des musiciens d’un excellent niveau, très intéressants artistiquement et humainement parlant, pour que, tous ensemble, on prépare un beau programme et un concert final mémorable. D’autres arriveront sûrement : rester en contact, imaginer d’autres collaborations, envisager de jouer des concerts ailleurs, accueillir au Luxembourg des musiciens… Oui, les possibilités sont multiples.

Comme celle, par exemple, de relancer votre quartet, en pause depuis plus dix ans ?

(Il souffle) Ça fait même seize ans que l’on a sorti notre seul album (Orik, 2007). Disons que le projet, sous sa forme initiale, n’existera plus. J’ai d’ailleurs perdu toute trace du clarinettiste et du batteur… Mais qui sait, peut-être qu’un projet futur se fera avec un musicien de RESET !

À l’affiche de RESET

Ce jeudi soir à 19 h 30

Associés en duos ou en trio, à Luxembourg, les artistes donneront la mesure tout le long d’un parcours à plusieurs arrêts : d’abord à Neimënster, puis au Grand Hôtel Cravat (20 h 30) et au Scott’s Pub (21 h 30)

Vendredi à 20 h

Les huit artistes sélectionnés se présenteront tour à tour pour dévoiler leur virtuosité de soliste, et ce, au cœur de la Brasserie Abtei à Neimënster

Samedi à 20 h

Au terme d’une résidence d’une semaine, les artistes ont eu l’opportunité d’explorer les univers musicaux des un(es) et des autres tout en tissant des liens artistiques. Le résultat de cette expérience pourra être découvert lors du concert de clôture, salle Robert-Krieps, toujours à Neimënster.

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