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[Made in Luxembourg] Pour les salades, remerciez les poissons !


Manuel Arrillaga (à g.) et Jim Harpes présentent les salades dont les racines plongent directement dans l’eau filtrée et chargée de nutriments qui sort des aquariums.

Si les salades, les fruits et les légumes poussent si bien dans la serre de la Fësch Haff (Greiveldange), c’est grâce à l’élevage de poissons contigu qui leur apporte tous les nutriments nécessaires.

Les produits

Chaque semaine, entre 300 et 400 laitues sortent de la Fësch Haff, à Greiveldange, dans la Moselle luxembourgeoise, où l’on trouve aussi des tomates, des fraises, des courgettes, des aubergines, des melons, des concombres, des poivrons, des piments (dont le Carolina reaper, l’un des plus forts du monde), des herbes aromatiques (menthe, basilic, citronnelle…) et même des fruits de la passion, un papayer, un bananier, un figuier… «Nous expérimentons pour voir ce qui marche le mieux, explique Manuel Arrillaga, fondateur de l’endroit avec son associé Daryl Fuchs. Mais pratiquement tout pousse à une vitesse incroyable!»

Ce qui est épatant, finalement, ce n’est pas toute cette verdure, mais la méthode de production, inédite au Grand-Duché. «Nous faisons de l’aquaponie, avance Manuel Arrillaga. Nous élevons des poissons – des carpes et des koïs – pour récupérer leurs déjections qui, après être passées par plusieurs filtres différents, deviennent l’ammonium et le nitrate dont ont besoin les plantes pour se développer.»

salades poissons luxembourg

Tout fonctionne en circuit fermé. Après avoir été naturellement enrichie, l’eau qui sort des aquariums est pompée pour alimenter le bassin sur lequel flottent les salades et les bacs de plantation. À la fin de son parcours, lorsque tous les nutriments ont été puisés par les fruits et légumes, elle revient dans les aquariums. L’opération ne produit pas d’autre déchet que les restes de taille ou les feuilles abîmées, qui sont compostés. Seule de l’eau de pluie alimente le système et les besoins électriques sont couverts en journée par une centrale photovoltaïque. Un branchement sur le réseau existe pour faire fonctionner les pompes la nuit.

Le tout est absolument propre : «Si nous utilisions des produits phytosanitaires pour les plantes ou des antibiotiques pour les poissons, les bactéries qui transforment les déjections en nutriments mourraient et tout le système s’effondrerait», précise-t-il. Les fruits et légumes, toutefois, ne sont pas officiellement bios, puisqu’ils ne poussent pas en pleine terre, comme l’impose la réglementation luxembourgeoise.

L’équipe de la Fësch Haff travaille avec un état d’esprit de chercheur et le résultat de ces expérimentations est bluffant. «Nous expérimentons plusieurs styles de culture hydroponique différents qui peuvent répondre à divers besoins. Pour une exploitation commerciale, la laitue peut être cultivée directement dans l’eau, cela réduit considérablement la main-d’œuvre, tout en augmentant l’efficacité de la croissance. Pour les tomates, les melons, etc., les systèmes de support constitués d’agrégats d’argile constamment humidifiés offrent des taux de croissance et d’efficacité encore meilleurs.»

Et pour répondre à une question souvent entendue : «Non, les fruits et les légumes n’ont pas un goût de poisson ! , sourit Manuel Arrillaga. On met bien du fumier ou du purin dans les champs et cela ne modifie pas le goût de ce qui y pousse!»

Les producteurs

De nationalité américaine, Manuel Arrillaga a étudié le génie biomédical dans l’Ohio, puis les biomatériaux en Allemagne. Pas vraiment épanoui dans ce secteur où il ne trouve pas le job de ses rêves, il reste ouvert à toutes les opportunités. Étudiant à Augsbourg (Allemagne), il rencontre son futur associé, Daryl Fuchs, qui partage les mêmes rêves que lui. Après avoir travaillé sur plusieurs idées, l’aquaponie les séduit. «Au début, nous avons essayé avec des homards, nos tomates et nos pak-choïs poussaient très bien! En pleine pandémie, nous avions des produits frais en continu.»

La méthode validée, ils cherchent à passer à la vitesse supérieure. Daryl Fuchs étant luxembourgeois, ils contactent les autorités locales. «Le ministère de l’Agriculture a tout de suite été intéressé et a organisé une réunion avec tous les services compétents, se souvient Manuel Arrillaga. Mais ils nous ont dit aussi qu’avoir toutes les autorisations serait un très gros challenge, parce que la loi, jusque-là, ne permettait pas l’aquaponie.» Finalement, ils convainquent même le ministère de l’Économie et Luxinnovation, qui leur ont accordé une subvention de recherche-développement et innovation. Ils peuvent donc se lancer.

Le duo trouve un terrain à Greiveldange, dans la Moselle luxembourgeoise, juste derrière la cave du vigneron Tom Beck, que connaît Daryl. Ils démarrent la construction en août 2022 et l’ensemble est opérationnel en janvier 2023. Les deux fondateurs sont désormais entourés par trois employés : Jim Harpes, Nina Ruppert et Ben Müller. Et ils ne souhaitent pas s’arrêter là, étant donné qu’un grand projet est en cours de planification : la construction d’un hectare de serres en aquaponie. «Les demandes d’autorisation sont en cours, glisse Manuel Arrillaga. La superficie de notre ferme serait multipliée par cinquante, c’est énorme!»

Où les trouver ?

La Fësch Haff est ouverte tous les lundis de 16 h à 18 h et les samedis de 9 h à 11 h. Les clients peuvent se faire expliquer le fonctionnement de la ferme et choisir les salades, les fruits et les légumes qu’ils désirent. Les tomates et les fraises sont à cueillir soi-même.

Le café Chaves (Greiveldange) se fournit à la ferme. D’autres restaurants ont également acheté ses produits, mais l’équipe a décidé de se recentrer en ce moment davantage sur la recherche que sur la production.

Le supermarché Cactus de Roodt-sur-Syre distribue également la production.

Non, les fruits et les légumes n’ont pas le goût de poisson !

À retenir

· La Fësch Haff est la première ferme en aquaponie du Luxembourg. Les salades et tous les fruits et légumes poussent grâce aux carpes et aux koïs élevées sur place dont les déjections sont naturellement transformées en nutriments pour les plantations. Le système est propre et autosuffisant.

· Manuel Arrelaga et Daryl Fuchs sont les deux associés fondateurs de la Fësch Haff. Ils se sont rencontrés lors de leurs études, en Bavière. Après avoir convaincu plusieurs ministères pour obtenir les autorisations nécessaires, ils créent l’entreprise en 2021 et font pousser leurs premiers fruits et légumes début 2022.

· On peut acheter les produits de la ferme tous les lundis de 16h à 18h et les samedis de 9h à 11h. Les salades alimentent le Café Chaves (Greiveldange), ainsi que le Cactus de Roodt-sur-Syre.

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