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Luxembourg : les petits commerces restent dans l’attente


«Je nettoierai les cintres plus souvent et on portera tous un masque», explique une commerçante dans l'Est du pays (Photo : Didier Sylvestre).

Martine est commerçante indépendante. Comme tous les autres, elle a dû fermer sa boutique de prêt-à-porter féminin avec toute une collection dans la réserve. Et s’interroge sur la réouverture des «gros magasins» qui ne vendent pas que des produits de première nécessité.

La pièce qui sert de réserve est pleine à craquer. Martine venait de rentrer l’une de ses dernières livraisons de prêt-à-porter féminin de la saison printemps-été 2020 qu’elle n’oubliera pas de sitôt. «Le livreur est venu de Belgique le vendredi 13 mars et m’a dit que ce serait la dernière livraison avant longtemps», se souvient cette commerçante quinquagénaire installée dans l’est du pays. Quand elle a dû fermer les portes de sa boutique, la collection était presque entièrement rentrée.

Confinée depuis le 16 mars comme tout le monde, Martine commence à trouver le temps long. «Je pense que je pourrais très bien gérer l’ouverture de mon magasin ne serait-ce que sur rendez-vous», juge-t-elle. Dans son local, elle pourrait accueillir deux personnes et les servir en respectant les gestes barrières, port du masque inclus.
Martine travaille essentiellement seule dans son magasin et se fait aider par une employée sous contrat sept heures par semaine. Elle n’a plus de factures à régler, car elle s’en débarrasse toujours le plus vite possible. «Je sais d’après mes e-mails que certains fournisseurs ont accordé un délai supplémentaire de deux mois», précise-t-elle. Elle avait suffisamment de liquidités pour s’acquitter de toutes ses dettes, mais il ne faudrait pas que la situation dure trop longtemps. «Ça va devenir compliqué sinon», avoue la commerçante qui dit être d’un naturel optimiste.

«Les répercussions, on les sentira l’année prochaine», ajoute-t-elle cependant. «La collection d’automne est déjà devant la porte, mais je pense qu’il y aura des retards, voire des annulations», prédit Martine. La production de la collection automne-hiver était déjà bien lancée avant la crise, mais tout risque d’être décalé.
Comme les soldes par exemple. «On les reporte ? On les annule ? On ne sait rien», soupire Martine. En attendant, il lui est arrivé de dépanner une cliente en assurant une livraison à domicile. «C’est comme les sacs des supermarchés posés devant la porte, mais je ne le fais que pour des clientes que je connais bien et qui m’ont contactée. C’est plus pour rendre service, parce qu’avec des vêtements, c’est difficile, je trouve, de faire de la vente à distance. C’est plus facile pour des bouteilles de vin!», explique-t-elle.

Pour le coup, elle ne s’est pas inscrite sur le site letzshop.lu, mais elle hésite encore. «J’ai le formulaire, il faut que je le renvoie», avoue-t-elle un peu honteuse. Mais elle se demande comment parvenir à gérer seule la vente en magasin et sur internet. «Je me demande aussi si je ne serai pas plus embêtée avec les retours ou des vêtements abîmés. Et là je regrette de ne pas avoir plus de contacts avec d’autres commerçants pour avoir leur avis sur la question.» Martine a clairement peur de perdre du temps et de l’argent en frais supplémentaires.
«Je pense que cela marche bien, mais il faut avoir du personnel pour gérer la vente par internet. C’est comme avoir une deuxième boutique, et je ne prends déjà pas beaucoup de congés avec un seul magasin…», poursuit-elle en pensant à internet qui ne connaît pas de repos, jamais. «C’est possible que dans le futur, si on veut continuer dans le vêtement, il faudra se lancer dans la vente en ligne.»

Ouvrir avec de nouvelles habitudes

Pour l’instant, elle pense aux nouvelles habitudes qu’il faudra adopter si elle veut revoir des clients dans sa boutique. «Je mettrai du gel à leur disposition, je nettoierai les cintres plus souvent et on portera tous un masque», imagine-t-elle. Elle souhaiterait vivement que le gouvernement permette aux commerçants de fonctionner sur ce modèle de gestes barrières.
Bien sûr, elle salue ce que l’exécutif a décidé pour les commerçants indépendants comme elle en termes d’aides financières. Elle sera dédommagée à hauteur de 5 000 euros. Cette somme, qui devait être à la base versée en prime unique, sera renouvelée. «Cette aide permet de souffler et nous avons reçu un nouveau formulaire pour en bénéficier encore une fois», explique Martine. Jusqu’à quand? «La prolongation des mesures d’aide nous indique que les fermetures vont aussi être prolongées», se désole-t-elle.
En attendant, sa réserve est pleine, elle n’a pas la place pour ranger la nouvelle collection qui sera prête dès le mois de juin. Mais il n’y a pas de livraisons pour le moment. Elle ne sait même pas si elle aura l’occasion de vendre ses robes d’été avant la fin de la saison. Elle sait en revanche qu’elle a raté les meilleurs mois, mars, avril et mai, pour l’écouler.
Comme d’autres, elle peste sur les commerces autorisés à ouvrir leurs portes pour des produits de première nécessité et qui vendent des articles comme des habits ou des chaussures ou encore des meubles de jardin. «Ce n’est pas équitable», juge-t-elle.
Aujourd’hui, elle dit avoir retrouvé un peu le moral. «Ce n’était pas le cas la semaine dernière quand Xavier Bettel a annoncé les premières phases du déconfinement sans donner de date pour les petits commerçants. Ne pas savoir, c’est terrible pour nous», conclut Martine.

Geneviève Montaigu

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