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Luxembourg : la Villa Vauban prend un coup de jeune !


isa Kohl, l’une des photographes des plus prometteuses du Luxembourg, évoque dans ses clichés poétiques la crise migratoire. (Photo : lisa kohl)

En mettant en lumière ses acquisitions récentes dans le domaine de l’art contemporain, le musée sort de ses habitudes et montre que la collection de la Ville de Luxembourg est bien «vivante».

Il est rare, inédit même, que la Villa Vauban expose en grand l’art contemporain. Non, le musée à d’autres préférences qu’il montre sans retenue et à rythme régulier, comme la peinture néerlandaise de l’âge d’or (XVIIe siècle), celle française du XIXet d’autres courants européens, parmi lesquels les artistes nationaux plus «classiques» figurent en bonne place. Pourtant, sa mission de développer une collection (par le biais d’achats, de donations ou encore du mécénat) ne s’embarrasse pas de contraintes temporelles. La preuve en est avec ce second volet de «Bienvenue à la Villa!», qui fait dans le moderne assumé.

L’année dernière, à la même période, la Villa Vauban dévoilait déjà ses acquisitions récentes, avec un focus sur les maîtres anciens et ce, juste à côté de l’exposition permanente («Une promenade à travers l’art») qui, depuis 2021, propose un «best of» d’une centaine d’œuvres issues de la collection de la Ville de Luxembourg. Rappelons que celle-ci a comme socle trois grands legs historiques (de Jean- Pierre Pescatore, Leo Lippmann et Eugénie Dutreux-Pescatore). Depuis, hors les murs, les achats se poursuivent inlassablement. Ainsi, de 2018 à 2022, on apprend que le fonds s’est enrichi de 105 œuvres. Cette année, on en compte 27 de plus.

Les conseils de Lydie Polfer

C’est que la «collecte et la conservation du patrimoine matériel et immatériel» reste un sacerdoce, précise Guy Thewes, directeur des 2 Musées de la Ville de Luxembourg. Au départ, avant chaque acquisition, toujours la même question : «Est-ce que l’œuvre a un intérêt pour le public et a-t-elle une histoire intéressante à raconter?». Ensuite, concrètement, la Villa Vauban (associée dans son ADN au Lëtzebuerg City Museum) dispose d’une enveloppe annuelle comprise entre 150 000 et 200 000 euros pour faire son marché au CAL (Cercle artistique de Luxembourg), à l’ArtWeek, dans les galeries, les salons, les expositions «de Dudelange à Diekirch» ou auprès de collectifs d’artistes. Sans oublier le vivier que constituent les biennales et triennales. À l’occasion du prix Robert-Schuman 2023, le musée a ainsi mis la main sur le tapis mural de Tessy Bauer (Si si les femmes existent), sa dernière emplette en date.

Ça fait du bien, ça rajeunit, ça vivifie!

«Au pays, c’est finalement assez facile de suivre la création artistique car il y a beaucoup de choses qui s’y passent!», soutient Guy Thewes. Ce qui n’empêche pas d’être réfléchi et méthodologique. À la base, en interne, des «historiens et conservateurs» de profession qui suivent «l’actualité» dans la Grande Région, ainsi que des réunions de coordination chaque mois, «collégiales et démocratiques», avec parfois des conseils venant directement de la bourgmestre Lydie Polfer. La cible? Les artistes aux liens plus ou moins forts avec le pays, donnant à la collection «un caractère à la fois typiquement luxembourgeois et très international», selon ce qu’elle dit dans le catalogue d’exposition.

Un «mobilier communal décoratif»

Plusieurs choses sont encore à préciser. D’abord, en vue de créer des «archives patrimoniales», la collection s’intéresse à toutes les «phases de création des artistes» (comprendre du début à la fin de carrière). Ensuite, que sa constitution se fait de manière «complémentaire» et «transparente» par rapport à d’autres grandes collections publiques (MNAHA, ministère de la Culture, Mudam). Enfin, et c’est moins connu, elle n’est pas destinée en premier lieu à être exposée dans un musée, mais bien à naviguer, après inventaire, entre différents espaces de la ville, voire au-delà : le Cercle Cité, le Conservatoire, le stade de Luxembourg, le Bierger-Center, les écoles et même la piscine du Cents, où une œuvre a justement été accrochée cette semaine. En somme, une sorte de «mobilier communal» aux vertus purement «décoratives».

Guy Thewes sourit : «C’est sûr, il y a certaines œuvres que l’on n’achèterait jamais en tant que musée…». Ce n’est pas le cas de celles réunies depuis la semaine dernière à la Villa Vauban, d’une belle qualité bien que témoignant de la tradition du musée à exposer principalement de la peinture, de la sculpture et du dessin. Ici, en effet, en dehors des photographies qui s’ajoutent à l’ensemble, pas de vidéos, ni d’installation, pratique pourtant courante de la scène locale. Il y a également ces portraits, ces paysages et ces scènes de vie quotidienne, aux airs de déjà-vu… «Oui, la collection historique influence certainement nos choix, reconnaît le directeur des 2 Musées de la Ville de Luxembourg. On ne se refait pas!» (il rit).

Vicky Krieps prend la pause

Histoire de ne pas trop déstabiliser le public avec cette modernité revendiquée, la Villa Vauban commence son exposition avec la même œuvre que l’année dernière : la fresque murale Sea of Green de Tina Gillen, dernière représentante du Luxembourg à la biennale de Venise. La suite s’inscrit pleinement dans les préoccupations actuelles, que l’on parle des thématiques abordées (l’identité, la nature, l’«empowerment») comme de répartition (des 41 artistes exposés, plus de la moitié sont des femmes). Parmi la soixantaine d’œuvres réunies (la plupart acquises ces «cinq-six dernières années»), certaines sont clairement à la pointe, comme cette sculpture de Pit Molling (Elephant in the Room), réalisée grâce à une imprimante 3D – elle a obtenu le prix Schlassgoart 2022.

Plus loin, l’avant-gardisme féminin s’affiche dans le plus simple appareil (ORLAN, Elina Brotherus), les portraits s’affranchissent des coutumes (comme ceux, rêveurs, de Stéphanie Uhres) et des sexes (Nathalie Reuter). Afin d’y voir plus clair dans ces changements sociétaux, la sculpture en bois de Laurent Turping invite alors à «prendre de la hauteur». Miikka Heinonen, lui, s’amuse de «l’ego trip» des selfies, tandis qu’Anna Krieps fait poser sa sœur, l’actrice Vicky, encore inconnue, dans d’étranges postures. Lisa Kohl, l’une des photographes des plus prometteuses du Luxembourg, évoque dans ses clichés poétiques la crise migratoire, tandis qu’Arny Schmit s’intéresse à celle écologique, en laissant apparaître sur ses paysages naturels fantasmés d’imposantes cicatrices. «Ça fait du bien, ça rajeunit, ça vivifie!», réagit Guy Thewes au terme de la visite. Un peu de fraîcheur en effet «bienvenue».

«Bienvenue à la Villa! (2)» Jusqu’au 20 mai 2024. Villa Vauban – Luxembourg.

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