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Les dernières grappes de Laurent et Corinne Kox


Une dernière journée sous le soleil. (photo Erwan Nonet)

Les vendangeurs du domaine Laurent & Rita Kox (Remich) ont donné leurs derniers coups de sécateur, vendredi, sur les hauteurs du Kolteschberg, à Schwebsange. Les grappes de riesling étaient magnifiques.

C’est avec un grand sourire, mais aussi des cernes sous les yeux, que la famille Kox clôt la récolte 2022. «Nous terminons comme nous avons commencé : avec le soleil!», se félicitait Laurent Kox. Vendredi, il s’agissait de récolter les plus belles grappes du riesling planté sur un coteau très pentu et parfaitement exposé sur le Kolteschberg, un lieu-dit de Schwebsange, à quelques kilomètres au sud de la cave.

Au milieu de la douzaine de vendangeurs, Corinne Kox (la fille de Laurent) explique : «Ces raisins nous permettront d’élaborer un de nos vins les plus chers, la cuvée Orchard. Nous ne voulons donc que des grappes en parfait état. Hier (jeudi), nous sommes déjà passés pour enlever tous les raisins abîmés et, aujourd’hui, il n’y a plus que des raisins irréprochables.» Ce ne sont pas des paroles en l’air, il suffit de se balader dans la pente pour constater l’impeccable état sanitaire de ces belles grappes. Ces raisins, excellents à croquer, promettent énormément.

Terminer par le meilleur est la plus belle façon de boucler une récolte éreintante. Les vendanges auront rarement duré aussi longtemps. «Nous avons débuté le 24 août avec l’auxerrois qui servira de vin de base pour le crémant, se remémore Corinne. Nous n’avions jamais commencé aussi tôt. Notre précédent record, c’était le 31 août en 2018.» Et si cette année était précoce, c’est qu’il était impératif de rentrer ces raisins : «Ils étaient propres et avaient toutes les caractéristiques qu’il fallait pour le crémant, il ne fallait surtout pas attendre plus longtemps.»

Le grand nombre de cépages plantés par les vignerons luxembourgeois (et particulièrement au domaine Kox!) est une cause de l’étalement des vendanges dans le temps. «Certains mûrissent plus vite que les autres et un de nos principaux défis est justement de déterminer quand vendanger quoi, soutient Laurent. Et non seulement nous avons beaucoup de cépages, mais nous produisons aussi des types de vin différents. Par exemple, l’auxerrois vendangé pour le crémant sera ramassé plus tôt que celui qui nous permettra de faire les vins tranquilles.»

Contrairement à une année normale («mais qu’est-ce qu’une année normale aujourd’hui?», soupire Laurent), les vendangeurs ont eu le droit à quelques jours de pause au cours de cinq semaines et demie. «Il a parfois fallu patienter un jour ou deux pour que les raisins soient à leur optimum, mais, sincèrement, je ne m’en plains pas : ça a permis de dormir un peu et de recharger les batteries!» rigole Corinne.

Le choix de ne pas irriguer

Les premières impressions concernant la récolte sont très positives. Malgré la sécheresse qui laissait craindre des raisins sans beaucoup de jus, la quantité récoltée est très satisfaisante. «Bien sûr, il n’y a pas autant de jus que lors d’une année pluvieuse, mais je m’attendais à bien pire : je suis très contente!», avance Corinne. La qualité, elle aussi, est au rendez-vous. «Il n’y a pratiquement pas d’interventions œnologiques à réaliser en cave, les jus sont très beaux tels quels», ajoute-t-elle.

Quand on lui demande si un cépage s’en est mieux sorti qu’un autre au cours de cette année à la météo hors norme, elle précise que la problématique s’est posée différemment : «Plus qu’une question de cépage, c’est une question de parcelle. Les vignes plus anciennes plantées dans des sols riches s’en sont très bien sorties, quelle que soit la variété de raisin. Mais celles plus jeunes qui grandissent dans des sols plus maigres ont eu davantage de mal.»

Elle illustre son propos avec une parcelle de merlot : «C’est une vigne plantée en 2018. Elle a souffert de la sécheresse une bonne partie de sa vie et ne s’est pas encore développée comme elle aurait dû. Le sol n’est pas riche et elle a très nettement souffert. Nous avons dû couper et jeter par terre la moitié des grappes pour éviter que les ceps ne meurent d’épuisement en tentant de faire mûrir plus de raisins qu’ils ne le pouvaient.»

Pas d’irrigation, donc? «Non, je n’installerai jamais de système d’irrigation, lance Corinne. Le vin n’est pas un aliment qui nourrit la population, c’est un luxe dont on peut se passer et l’eau est une ressource à protéger. Dans des conditions de sécheresse, je trouve qu’il faut la réserver pour ce qui est vital à la population. Je suis d’avis que la plante doit s’adapter elle-même et je prends sur moi les pertes que cela induit sur ma récolte. Cet hiver, je vais d’ailleurs la tailler très court et ne lui laisser que quelques yeux. La récolte 2023 sera petite, également, mais au moins la plante pourra faire du bois et se renforcer, ce qui lui sera utile pour les prochaines années. Lorsque l’on est vigneron, il faut penser à long terme, cette vigne devra encore produire du raisin dans 50 ans!»

Le grand succès du Fiederrosé

Le Fiederwäissen, c’est le traditionnel vin du début de l’automne. Un jus en cours de fermentation tiré directement de la cuve qui se boit comme du petit lait. Mais attention, ses effets peuvent être redoutables si on n’y prend pas garde : si son taux de sucre est élevé, puisque la fermentation alcoolique n’est pas encore terminée, il titre tout de même autour de 10° d’alcool!

Le domaine Laurent & Rita Kox s’est fait une spécialité du Fiederrosé, un vin à la jolie couleur rubis composé de pinot noir et d’une pointe de rivaner. «Depuis quatre ans, Corinne fait une belle communication sur les réseaux sociaux et ça marche très bien, apprécie Laurent Kox, son père. Aujourd’hui, nous vendons 90 % de rosé pour 10 % de blanc! C’est une recette qui tombe à point pour financer les vendanges.»

Près de 90 000 hectolitres pour toute la Moselle

En marge de la présentation du prochain Expogast (26-30 novembre 2022), le contrôleur des vins de l’Institut viti-vinicole, Aender Mehlen, a annoncé que le dernier pointage de la récolte indiquait 85 000 hectolitres de vins déjà en cuve, un total qui avoisinera les 90 000 une fois que tous les raisins seront rentrés.

C’est un peu moins que la moyenne, qui est fixée à 99 000 hectolitres par an, mais il ne faut pas vraiment se fier à cette indication. D’une part, les vignerons recherchent désormais la plus grande qualité, ce qui induit des rendements à la baisse. Hormis une année exceptionnellement bonne comme 2018, une grosse récolte n’est donc pas forcément synonyme de bonne nouvelle pour la qualité du millésime.

Et puis, alors que le contexte économique est aussi difficile qu’imprévisible, les vignerons ne risquent pas de se retrouver avec de nombreuses bouteilles sur les bras, puisque 90 000 hectolitres, c’est à peu près la quantité de vins luxembourgeois vendue chaque année. Il n’y aura donc pas de risque de surproduction.

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