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Les bodycams deviennent réalité


Les caméras piétons seront déclenchées par le policier quand il le jugera utile. Leur utilisation est encadrée, limitée à l’espace public, à de rares exceptions près. (photo d'illustration AFP)

Il est prévu d’équiper 1 682 policiers de caméras piétons pour un coût estimé à près de six millions d’euros sur cinq ans. La loi sera votée mardi, mais ne fera pas l’unanimité.

Après des critiques émises de toutes parts, et en particulier en provenance du Conseil d’État et de la Commission consultative des droits de l’homme, le projet de loi sur les caméras piétons sera finalement adopté cette semaine. Amendé, le texte répond aux préoccupations qu’il soulevait quant à la possibilité pour les policiers de déclencher la caméra en tous lieux.

La police pouvait en effet initialement enregistrer des personnes dans des lieux privés sans leur consentement, ce que les Sages et la CCDH jugeaient inadmissible car constituant une intrusion grave dans la vie privée. «L’utilisation des caméras piétons sera donc restreinte aux lieux publics accessibles et aux missions de police spécifiques, en veillant à ce que les enregistrements dans des lieux privés ne soient autorisés qu’en cas de nécessité absolue et de manière strictement encadrée, conformément aux principes de nécessité et de proportionnalité», précisait le Conseil d’État, suivi par le gouvernement.

L’opposition chrétienne-sociale ne l’entend pas de cette oreille. Se positionnant clairement en soutien du syndicat national de la police grand-ducale, le CSV ne votera pas le texte si cette distinction est maintenue. Cela serait «difficile à faire pour le policier en situation de stress», estime le groupe d’opposition, reprenant les mots du président du syndicat, Pascal Ricquier. Mais ses critiques n’ont pas porté à conséquence, ce que regrette le CSV qui s’abstiendra de voter le texte.

Problème du signal sonore

Concrètement, il est prévu d’équiper 1 682 policiers de caméras piétons, principalement ceux en uniforme des unités opérationnelles, pour un coût estimé à près de six millions d’euros sur cinq ans. Elles seront portées de façon apparente par la police, qui doit avertir les personnes de son déclenchement. La Commission consultative des droits de l’homme aurait souhaité une information orale obligatoirement, mais le déclenchement de l’enregistrement fera l’objet d’un signal sonore, tandis qu’un autre signal, visuel celui-là, indiquera si la caméra enregistre, sachant que tout déclenchement implique l’enregistrement des trente secondes précédentes.

En commission, cette question a fait débat et c’est précisément le signal sonore qui pose problème car il pourrait être très gênant, par exemple, lors d’une intervention pour cambriolage. Le texte ne veut tolérer aucune exception sauf pour «des raisons purement matérielles et indépendantes des motifs de l’intervention».

Une question revient souvent : les citoyens peuvent-ils également demander le déclenchement de la caméra ? Non, finalement, le déclenchement de la caméra ne pourra pas être demandé par le citoyen car cela n’existe nulle part ailleurs. «Une telle possibilité risquant de créer des situations conflictuelles compliquées», écrit la rapportrice Stéphanie Empain qui présentera le projet de loi demain à la Chambre.

Le tribunal de grande instance de Luxembourg s’interrogeait sur les sanctions pour les policiers qui n’activent pas la caméra lors de situations conflictuelles ou qui le font tardivement. Il questionnait aussi sur les moyens dont dispose un citoyen pour prouver qu’un policier aurait dû activer la caméra. «Le projet de loi ne précise pas non plus les conditions dans lesquelles les citoyens peuvent accéder aux enregistrements qui les concernent, bien qu’ils puissent être utilisés comme preuves», regrettait le tribunal dans son avis.

À charge et à décharge

Quand se servir de la caméra piéton ? Au policier d’en décider en cas d’incident ou de risque d’incident. Avant de l’activer, il devra tenir compte des circonstances de l’intervention et du comportement des personnes impliquées. «Les enregistrements serviront à prévenir et à désamorcer les situations de violence, ainsi qu’à constater les infractions et poursuivre les auteurs», précise le rapport de la commission.

Concernant la protection des données, sujet qui a fait l’objet de nombreuses discussions en commission, le texte assure que les enregistrements sont transférés sur un support informatique sécurisé qui garantit l’intégrité des enregistrements et la traçabilité des consultations comme des motifs de consultation.

Ce nouvel équipement servira «à assurer la sécurité des agents lors des missions, à veiller à ce que les agents de police exercent leurs fonctions de manière appropriée et proportionnelle à la situation à laquelle ils sont confrontés et à ce que les droits des personnes civiles avec lesquelles les agents interagissent soient respectés», précise le projet de loi.

Le fait d’être filmé peut aussi inciter les individus à se calmer et, inversement, encourager les citoyens à exercer leur droit légitime de critiquer ou de contester les actions de la police s’ils estiment avoir été maltraités. «Les caméras piétons fonctionnent donc à charge et à décharge et fonctionnent dans les deux sens, étant à la fois un outil au service de la police et de la population», conclut le rapport écrit de la commission.

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