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Le registre des bénéficiaires effectifs bafoue les droits fondamentaux


Pour la Cour de justice, cette ingérence n’est ni limitée au strict nécessaire, ni proportionnée à l’objectif poursuivi de lutte anti-blanchiment. (Photo : archives Editpress/Fabrizio Pizzolante)

Le registre des bénéficiaires effectifs ne doit pas être accessible au grand public juge la Cour de justice de l’UE qui invalide cette disposition de la directive antiblanchiment.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient d’invalider la disposition du registre des bénéficiaires effectifs (RBE) qui rend les informations accessibles au public. Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisi de deux recours, avait posé une série de questions préjudicielles à la Cour de justice, estimant que la divulgation de telles informations était susceptible d’entraîner un risque disproportionné d’atteinte aux droits fondamentaux des bénéficiaires effectifs concernés. Certaines dispositions de la directive antiblanchiment sont ainsi contraires à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

«L’ingérence dans les droits garantis par la Charte que comporte cette mesure n’est ni limitée au strict nécessaire ni proportionnée à l’objectif poursuivi», estiment la Cour. Les sociétés et bénéficiaires effectifs qui avaient introduit un recours auprès du tribunal à Luxembourg avaient demandé, sans succès, à Luxembourg Business Registers, le gestionnaire de RBE, de limiter l’accès du grand public aux informations les concernant. Pourtant, la loi votée en 2019 et instaurant ce registre, prévoit cette possibilité.

« Une ingérence grave dans les droits fondamentaux »

Dans son arrêt rendu mardi, la Cour juge que l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs constitue «une ingérence grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel». Pour les personnes concernées, il existe la crainte d’une utilisation abusive de leurs données à caractère personnel, qui sont librement consultées par le grand public, mais encore stockées et diffusées.

La Cour relève que le législateur de l’Union, qui visait à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, a finalement créé un environnement trop transparent qui attisera davantage la curiosité, loin de l’objectif initial de la directive.  La Cour considère ainsi que «le législateur poursuit ainsi un objectif d’intérêt général susceptible de justifier des ingérences, mêmes graves, dans les droits fondamentaux (…) et que l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs est apte à contribuer à la réalisation de cet objectif».

Une ingérence qui n’est ni limitée au strict nécessaire ni proportionnée à l’objectif poursuivi. Pour la Cour, le régime introduit par la directive antiblanchiment «représente une atteinte considérablement plus grave aux droits fondamentaux que le régime antérieur». Ce dernier prévoyait l’accès des autorités compétentes, de certaines entités, et de toute personne ou organisation capable de démontrer un intérêt légitime. Or, la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne sort pas renforcée par cette nouvelle directive.

Il y a toutefois une tolérance

En revanche, la Cour précise que la presse, aussi bien que les organisations de la société civile présentant un lien avec la prévention et la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ont un intérêt légitime à accéder aux informations concernées. Il en va de même des personnes souhaitant connaître l’identité des bénéficiaires effectifs d’une société ou d’une autre entité juridique du fait qu’elles sont susceptibles de conclure des transactions avec celles-ci, ou encore des institutions financières et des autorités impliquées dans la lutte contre des infractions en matière de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

Il y a donc une tolérance. L’objectif poursuivi par la directive est susceptible de justifier des ingérences, mêmes graves, dans les droits fondamentaux. Les informations sur les bénéficiaires effectifs doivent être accessibles, dans tous les cas, aux autorités compétentes et aux cellules de renseignement financier, sans aucune restriction.

Un commentaire

  1. Patrick Hurst

    …surtout, cette loi constitue une charge non négligeable de travail pour les assocs (aussi petites soient elles et leur budget).

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