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[Le portrait] Lieners, le combat continue


On peut voir dans ses yeux toute l’envie et la détermination qui animent chaque jour Yannick Lieners. (Photo : mélanie maps)

Yannick Lieners est atteint d’une leucémie depuis 2014. Cela n’a pas empêché l’athlète de continuer à courir. Et même de remporter des titres.

Le samedi 23 mars 2019 restera à jamais spécial pour Yannick Lieners, éternel second, qui décroche son premier titre national en cross : «J’avais décidé de partir très vite. J’ai tout de suite pris beaucoup d’avance et heureusement car les derniers kilomètres ont été compliqués. Et si le cross avait fait 200 m de plus, c’est Christophe Kass qui aurait gagné!»

Au-delà de la performance sportive, c’était surtout une formidable victoire sur la maladie. Car Yannick Lieners n’est pas un sportif comme les autres. C’est presque un survivant. Même s’il refuse le terme : «Je le serai quand j’aurai vaincu la maladie!»

Une maladie au nom terrible : la leucémie (la leucémie chronique myéloïde pour être précis). Qui est venue pourrir – il n’y a pas d’autre mot – sa vie en février 2014, après un Eurocross à Diekirch où il avait dû abandonner : «Pendant la course, je me sentais mal. Sans force.» Pensant à une carence en fer ou en vitamine D, il fait une prise de sang. Les résultats ne sont pas bons. On lui demande d’en refaire une. L’idée ne l’enchante guère.

Ça a été un choc! En 24 h, tu passes de sportif en super forme à patient

Mais heureusement, sa mère décide d’envoyer le résultat à l’hôpital. Qui rappelle immédiatement le jeune homme. Pas du tout conscient de ce qui se passait : «Je me suis retrouvé en oncologie en me demandant ce que je foutais là alors que j’étais un sportif et que j’allais remporter le championnat de cross! Après une prise de sang, on m’a annoncé que j’avais 2 chances sur 3 d’avoir une leucémie. Et que je devais attendre 24 h. Ce furent les pires 24 h de ma vie!»

Le lendemain, le verdict tombe : «Ça a été un choc! En 24 h, tu passes de sportif en super forme à patient.» Et il se pose une question bien légitime : «Je me suis demandé si j’allais mourir.»

Seulement Yannick Lieners, qui n’a que 25 ans, est bien décidé à remporter son combat contre la maladie : «J’ai commencé par un mois de chimio. Et tous les jours, je faisais un entraînement. Et j’en ai même fait deux le dernier jour pour lui montrer que ce n’était pas elle qui allait gagner.» Débute ensuite un véritable marathon médical fait de prises de sang et de ponctions de moelle osseuse. Et de prise de médicaments : «Toutes les 12 h, sans rien manger deux heures avant et une heure après.»

Un traitement qui doit durer quatre ou cinq ans : «Dans ma tête, je fais ça pendant quatre ans et après terminé!» Mais non. Il arrête en 2018, fait une rechute, repart pour quatre ans, arrête en 2022. Mais la maladie revient encore : «La première fois, c’était très dur à vivre. La deuxième, je n’avais pas trop d’espoir.» Et il sait qu’en 2026, quand il s’arrêtera à nouveau, la chance sera faible de ne pas rechuter. «J’espère surtout que les chercheurs vont trouver un autre médicament. Dans les années 80, ma forme de leucémie – il y en a une soixantaine de différentes – était l’une des plus virulentes avec deux ans d’espérance de vie. J’ai déjà eu de la chance car le médicament que je prends n’est sur le marché que depuis 2011.»

En bref

Né le 3 mars 1988, Yannick Lieners prend sa première licence en athlétisme à 10 ans. Il se passionne ensuite pour le triathlon et fait partie des tout premiers licenciés de la FLTri. Il participe à plusieurs grands championnats, surtout chez les jeunes, et se classe 5e des championnats d’Europe juniors de duathlon. Figure incontournable de l’athlétisme au Luxembourg depuis une vingtaine d’années, il décroche 13 titres de champion national, tant en duathlon qu’en triathlon, en aquathlon, en cross ou en semi-marathon. Atteint de leucémie depuis février 2014, il se bat tous les jours contre la maladie. Et a décidé de médiatiser son mal en créant le «Plooschter Projet».

Yannick Lieners a décidé de rendre publique sa maladie : «Je savais que ça ferait beaucoup parler. J’ai décidé d’utiliser cette audience pour sensibiliser les gens.» C’est ainsi que naît le «Plooschter Projet», littéralement le projet pansement, pour encourager les gens à donner leur sang et à s’enregistrer comme donneurs de cellules souches : «C’était l’époque des challenges sur internet comme l’ice bucket challenge. J’ai créé une page Facebook. Je demande aux gens de se prendre en photo avec leur pansement après avoir donné leur sang, puis de poster la photo sur les réseaux pour encourager leurs amis à faire de même.» L’initiative, qui va donc fêter ses 10 ans l’année prochaine, compte une soixantaine de bénévoles. Et peut également être soutenue financièrement.

Yannick Lieners est devenu un véritable exemple pour celles et ceux qui se retrouvent face à une maladie injuste, qui peut frapper n’importe qui : «Chacun naît avec un risque de l’avoir. Et j’ai été tiré à la loterie de la malchance…» Et il a prouvé qu’on pouvait encore être sportif de haut niveau tout en étant malade en remportant, moins de trois mois après le diagnostic, le titre de champion national de duathlon, chez lui, à la maison! «Je crois que j’ai presque gagné plus de titres avec la leucémie qu’avant la leucémie.»

Je veux continuer à être compétitif avec les meilleurs au Luxembourg

Des titres à la pelle. En athlétisme, mais surtout en triathlon et duathlon qu’il a découverts à partir de 10 ans, grâce à son père René, lui-même triathlète.

Mais à désormais 35 ans, Yannick Lieners a décidé de revenir à ses premières amours. Et de se concentrer sur la course à pied : «Lors de la Route du Vin, j’ai amélioré mon chrono de 1’35 ». Ça a été un déclic pour moi. Je me suis dit que j’avais encore du potentiel et qu’après vingt ans de triathlon à bon niveau, je pouvais encore aller chercher quelques records en course à pied.» Il s’est donc fixé deux objectifs : d’abord le 10 km de Nice, le 7 janvier, où il sera en compagnie de sa sœur Sandra et du coach du CAB Rachid Habbaz, et évidemment les championnats nationaux de cross à Ettelbruck en mars : «Je pense être le seul athlète qui est régulièrement sur les podiums des championnats nationaux depuis vingt ans. Je veux continuer à être compétitif avec les meilleurs au Luxembourg.»

Le tout, malgré des conditions d’entraînement très compliquées : «On est le seul club à ne pas avoir de piste de 400 m. Du coup, on doit aller à Dudelange et compter sur la gentillesse des rugbymen ou des joueurs de foot américain pour nous ouvrir les vestiaires et allumer les lumières, car on n’a pas de badge…»

www.plooschterprojet.com

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