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[Le portrait] Fernand Laroche, président du Swift : la voix dans l’ascenseur


Calme et doux, l’inverse dans des proportions variables de tous les autres patrons du top 5 luxembourgeois, Fernand Laroche est en train de devenir un petit morceau de l’histoire du Swift. (Photo : mélanie maps)

Fernand Laroche deviendra cette année le président le plus longtemps en exercice d’un club plus que centenaire. Et il pourrait remporter son premier titre dans trois mois…

Peut-on j(a)uger un homme à sa voix ? Celle de Fernand Laroche, président du Swift depuis 2000, est étonnamment calme et douce pour un homme d’une telle fonction et on ne l’imagine jamais monter bien haut dans les tours. Au sommet de la DN, elle tranche. Il y a celle joyeuse et amicale de Gerry Schintgen (F91), celle prolixe et enthousiaste de Thomas Gilgemann (Progrès), celle… rare de Jean-Paul Duarte (Pétange), celle rieuse et pleine d’«entre les lignes» de Karine Reuter (RFCU).

Mais Fernand Laroche est à part. Il appartient à cette catégorie rassurante des présidents patelins, comme l’était en son temps Théo Fellerich, ancien patron de Dudelange et contre-point de Flavio Becca, un sponsor à la voix volubile et sentencieuse, avec qui il a conquis tant de titres au début du siècle.

Un petit morceau de l’histoire du Swift

Calme et doux donc, l’inverse dans des proportions variables de tous les autres patrons du top 5 luxembourgeois, Fernand Laroche est pourtant en train de devenir discrètement un petit morceau de l’histoire du Swift (il va battre les 23 années de «règne» de Robert Thill, président entre 1936 et 1959) et du patrimoine footballistique grand-ducal. Intronisé en 2000 – plus vieux président en durée d’activité –, il est désormais en position d’aller glaner son premier titre national, fin mai, après la Coupe en 1990, qui ne lui doit rien.

Merci Flavio Becca et rien que lui, diront tous les suiveurs les plus cyniques de la BGL Ligue. Pas que. Fernand Laroche s’interroge en effet depuis l’arrivée de son mécène sur la réécriture complète de son rôle et, à 67 ans, le dirait comme ça : «Soyons honnêtes : il faut un budget pour mener ce genre d’aventures! Mais pour guider un club, il faut aussi de l’expérience, résoudre des problèmes, discuter avec la commune, calmer les choses et apporter de la tranquillité quand le sponsor, lui, a le droit d’exploser si les résultats ne suivent pas à la hauteur de l’investissement».

Les haussements de ton, Laroche a l’habitude. Pendant quarante ans, salarié de Post, il est allé chez les gens assurer le service après-vente auprès de clients furieux que le matériel de télécommunication qu’on leur avait vendu ne fonctionne pas, «mais qui étaient ravis quand on repartait parce que ça fonctionnait». Ce travail de l’ombre, Théo Fellerich l’a effectué avec Dudelange et sous Becca. C’est le même que mène Fernand Laroche, avec le même mécène, à un âge tout aussi avancé et avec la force de toute une vie de football.

On nous appelait le Swift am lift

Elle a commencé route de Thionville, chez ses parents, dans une ville qu’il ne quittera jamais alors que «tous les autres sont morts ou sont partis vivre ailleurs». Et plus précisément derrière l’école, sur un terrain avec un peu d’herbe et énormément de terre et de poussière. «Un ou deux ans plus tôt, je ne sais plus», le Swift vient de créer une section U10 qui ne peut prendre ses quartiers ailleurs puisqu’il n’y a pas encore de vestiaires au Holleschbierg. «Mais il faut vous imaginer : Romain Thill, notre premier entraîneur, n’avait qu’un ballon pour une quinzaine de gamins. On se mettait en rond autour de lui, il nous le lançait à tour de rôle et on devait faire une remise ou un contrôle». Quand vos grands-parents évoquent une «autre époque», c’est de cela qu’ils veulent parler. «Aujourd’hui, c’est quatre séances par semaine plus le match et un ballon par enfant», sourit Fernand Laroche.

De telles conditions de formation, il ne peut sortir que des joueurs de village, liés plus par l’amour du maillot et du vivre ensemble que par celui de soulever des montagnes balle au pied. Laroche sera stoppeur. Celui qui met des tampons à l’avant-centre pendant qu’un libéro ramasse le fruit de son travail quelques mètres derrière, en se frisant les moustaches. «C’était du vrai foot!, se marre-t-il. Personne ne se laissait tomber. Mais en même temps, vous voulez quoi ? Si vous imaginez combien de fois j’ai touché un ballon étant gosse… Pas beaucoup…»

Cela ne l’empêchera pas de soulever des chopes au café Um Lomperang, baptisé du nom du piquet installé devant l’église il y a plus de 200 ans, sur lequel on attachait et exposait à la vindicte populaire «ceux qui avaient fait quelque chose de mal». Les stoppeurs plus que les libéros, c’est une évidence.

Ma fille accouche en août. Où devrais-je être si on a un match ?

Mais on vous l’a dit, c’était une autre époque. Tout y était possible. Laroche débute en équipe 1 à Hesperange en 1973. Il évolue alors en Division 2. En 1985… il montera en DN! Quatre échelons grimpés en douze ans. Et souvent redescendus aussi, d’ailleurs. «À une époque, on nous appelait « Swift am lift », se marre-t-il. « Le Swift dans l’ascenseur. » Trop fort pour un échelon. Trop faible pour celui du dessus. Dès que le carnaval était passé par là, on baissait de pied.» Une vraie équipe de village, quoi. Qui aujourd’hui essaye d’acquérir pour de bon sa crédibilité nationale avant de s’offrir une stature internationale. Le coup de l’ascenseur, encore, mais pour les sommets, désormais.

Elle semble loin, l’année 2013. Il y a dix ans, Fernand Laroche envisage en effet de tout lâcher. Le départ du sponsor Bâtiself laisse un trou de 50 000 euros dans la caisse et il ne «dor(t) plus». Lui qui a passé sa jeunesse dans ce club, y a refondé une vraie école de foot à la fin des années 80 sous l’égide de l’ancien international Josy Kirchens, a accepté de reprendre la présidence et de s’occuper quasiment seul du sponsoring pendant des années, ne supporte plus cette course effrénée à l’argent qu’il est en train de perdre, alors que son club replonge en PH.

Chercher un successeur

Une décennie plus tard, le budget n’est plus son affaire et on le voit bien, ça l’apaise. «J’ai l’impression que je viens de commencer mon job de président! Je ne vieillis pas!» Pour être plus précis, il ne vieillit plus. Il mûrit même encore un peu.

À l’évocation gourmande d’un parcours européen, cet été, il calme tout de suite les choses : «Ma fille, qui est architecte à Innsbruck, va accoucher en août. Je serai grand-père pour la première fois. À votre avis, si on a un match européen, où est-ce que je devrais être? Aujourd’hui, je crois que je sais.» Il a trouvé sa voix. Ne lui reste plus qu’à se chercher un successeur. «Et dans les conditions actuelles, ce sera facile.»

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