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Le «bon de commande» des entreprises pour 2023


La Chambre de commerce avait réuni, hier, 11 intervenants issus du monde économique et politique, pour lancer le débat en vue des élections législatives de 2023.  (Photo : hervé montaigu)

Les membres de la Chambre de commerce réclament que la flexibilisation du marché de l’emploi, notamment grâce au télétravail, devienne une priorité de la législature 2023-2028. Le coût de la main-d’œuvre inquiète aussi.

Il est peut-être encore un peu tôt, mais nous voulons prendre dès à présent le pouls en prévision de l’année électorale 2023», lance d’emblée Carlo Thelen, le directeur général de la Chambre de commerce. Hier matin a été présenté un premier aperçu des «grands sujets que les entreprises souhaitent voir traités pendant l’année électorale 2023». Le débat engagé à 12 mois des élections législatives doit aboutir à une note complète destinée au formateur du prochain gouvernement.

À l’aide du baromètre de l’économie pour ce deuxième semestre 2022 (lire ci-contre), la Chambre de commerce a identifié les priorités avancées par un échantillon représentatif de 611 entreprises, tous secteurs confondus. Sans surprise, les coûts de l’énergie et la lutte contre l’inflation figurent tout en haut du «bon de commande». La première passe d’armes à laquelle s’est livrée, hier, une délégation patronale avec les représentants de sept partis politiques (DP, LSAP, déi gréng, CSV, ADR, Parti pirate et Fokus) a néanmoins plus largement porté sur deux autres thématiques : la flexibilisation du marché du travail et le coût, jugé trop élevé, de la main-d’œuvre (index, congés spéciaux, etc.). Sans intervention non plus dans les domaines de la mobilité, du logement et de la lourdeur administrative, l’attractivité et la compétitivité du Luxembourg en tant que site économique seraient mises en péril.

«Si nous n’arrivons plus à convaincre des investisseurs et collaborateurs à s’engager au Luxembourg, cela devient très dangereux pour l’existence même du secteur financier», met en garde Marc Lauer, le directeur général du groupe d’assurance Foyer. Si l’indexation constituerait un frein non négligeable (lire ci-dessous), le manque de flexibilité, notamment en ce qui concerne le télétravail, pèserait aussi sur l’avenir de l’économie. «Si on ne trouve pas des réponses adéquates, la perte de compétitivité va aller bien au-delà de ce que peut provoquer l’index», poursuit-il.

Plus de télétravail, moins de clients

Or le télétravail n’est pas une solution valable pour tous les secteurs. «Non seulement nos employés n’en profitent pas, mais en plus, ce sont nos commerces, qui subissent les conséquences au vu du manque de clients que provoque le télétravail», clame Carole Muller, la patronne des boulangeries Fischer et présidente de la Confédération luxembourgeoise du commerce (clc). Ici sont réclamés des modèles plus décalés, en termes d’heures et de jours de travail. «Venir travailler pendant trois ou quatre jours durant 10 ou 12 heures au lieu de cinq jours à 8 heures pourrait permettre une plus grande flexibilité dans l’Horeca», propose Stéphanie Jauquet, propriétaire de l’enseigne de restauration Cocottes.

Au moins, les entreprises espèrent qu’à l’avenir les échanges vont devenir plus fréquents avec le camp politique. «Trop souvent, ce qui est décidé en politique n’est pas transposable dans l’économie réelle. Les initiatives prises sont certainement nécessaires, mais leur coût pour les entreprises est souvent oublié», déplore Carole Muller.

L’industrie, l’Horeca et le commerce vont mal

Comment se porte l’économie luxembourgeoise, un an avant les législatives? Le baromètre de l’économie pour ce second semestre 2022 dresse des tendances «un peu désolantes» et «tracasse» le camp patronal. Ces mots sont signés Carlo Thelen, le directeur général de Chambre de commerce : «La confiance des entreprises est en berne. Au second semestre 2020, l’arrivée des vaccins anticovid offrait des perspectives. Aujourd’hui, la situation s’est inversée, car il n’existe pas de perspectives. L’imprévisibilité pèse sur la confiance.»

Ce sont l’industrie, l’Horeca et le commerce qui inquiètent le plus. La hausse des prix de l’énergie est accompagnée d’un changement de comportement des consommateurs. «Le pessimisme est particulièrement visible dans les secteurs
de l’industrie, de l’Horeca et du commerce, avec respectivement 36 %, 28 % et 26 % des entreprises qui anticipent une baisse de leur activité», note le baromètre.

Plus globalement, 35 % des entreprises sondées par la Chambre de commerce redoutent une dégradation de leur rentabilité dans les six mois à venir, contre 18 % qui misent sur une amélioration de leur rentabilité. Néanmoins, deux tiers des entreprises prévoient de maintenir leurs effectifs au cours des six prochains mois.

L’index, le mal-aimé

Il n’a pas fallu attendre longtemps, hier matin, pour entendre tomber le mot qui fâche : index. L’adaptation automatique des salaires pour compenser la perte de pouvoir d’achat, provoquée par l’inflation, provoque l’ire de nombreux chefs d’entreprise. «Si j’ai beaucoup de sympathie pour les effets bénéfiques de l’index, je ne comprends pas pourquoi les gros salaires doivent en profiter au même titre que les plus petits salaires», clame Marc Lauer, le directeur général du groupe d’assurance Foyer. «Nos clients français ou allemands n’y comprennent rien», fustige de son côté Benoit Henckes, le directeur général de l’entreprise United Caps, exportant des bouchons de tout type.

En prévision des législatives de 2023, le camp patronal espère enfin obtenir des concessions de la part des responsables politiques. Le maintien de l’index devrait se faire au prix d’une plus forte sélectivité sociale, aux yeux des intervenants au débat organisé hier. «L’indexation non sélective doit être débattue. Elle fait mal aux entreprises qui sont les plus touchées par le risque d’une baisse de rentabilité, due à l’inflation», met en avant Carlo Thelen, le directeur général de la Chambre de commerce. Il reste d’ailleurs convaincu que malgré l’intervention de l’État pour freiner l’hyperinflation, un troisième index va tomber courant 2023. Même si le gouvernement a pris l’engagement d’en compenser le coût, le patronat se dit très inquiet.

Les représentants politiques sont restés plus prudents sur la thématique. «Il faut quand même rappeler que l’index nous éviter des grèves pour obtenir des revalorisations salariales de 8 ou 10 %. Et puis, si on parle de plafonnement de l’index, on nous dit jamais à quel montant l’on songe», lance le député Sven Clement (Parti pirate). Frank Engel, porte-parole du nouveau parti Fokus, plaide plus offensivement pour un index social, réservé aux plus faibles revenus et qui pourrait passer de 2,5 % à 3 %. Les salaires de plus de 200 000 euros par an seraient exclus de l’index. 

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