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Laurent Jans, centenaire à Tbilissi : «Avec cette adrénaline, tu deviens « addict »»


Laurent Jans a fêté sa centième cape en Géorgie. Et s’apprête à égaler Mario Mutsch ce soir, avec 101 sélections. Paroles de recordman.

En vrai, Laurent Jans en est déjà à 101 sélections après avoir fait 90 minutes lors du match annulé par les instances internationales contre la Belgique (5-1), en mai 2014.

Il est donc pour l’heure encore un «simple» centenaire à deux matches de détenir le record absolu de sélections avec les Roud Léiwen, record qui ne va désormais plus tarder à être sa chose. Quelques questions à un «vieux»…

Des gens ont-ils réussi à vous féliciter pour votre 100e match international, malgré l’immense déception née de l’élimination en Géorgie?

Laurent Jans : Bien sûr. Mais ma famille, mes amis, mes coéquipiers savaient que cela ne servait à rien de venir le faire le premier jour. Je ne voulais parler à personne. Ralph (Schon) a été le premier à le faire dans la chambre. Lui n’a pas attendu. Mais avec lui, c’est spécial.

C’est joli de voir à quel point il est content pour moi. Cette élimination, je ne dis pas que ça me gâche le plaisir, mais disons que je serai sûrement plus fier dans quelques mois.

La grande première, en Israël, au stade Ramat Gan, en octobre 2012, vous en gardez quel souvenir?

Oh, j’en garde un souvenir très précis. C’était dans la causerie d’avant-match. À l’époque, la première chose que je regardais, ce n’était pas le onze de base mais la colonne de droite, celle des remplaçants. Pour savoir si j’y étais ou si j’allais m’asseoir en tribunes.

Et comme je ne voyais pas mon nom, j’étais déçu. Puis, j’ai entendu le coach dire mon nom parmi les titulaires. Je suis passé de pas content à choqué.

Quel est votre souvenir le plus émouvant?

Le nul contre la France (NDLR : 0-0 en 2017). J’aime y repenser et je sais que c’est le cas de beaucoup de joueurs. C’est un des plus beaux moments que j’aie jamais vécu, un sentiment comme je n’en ai jamais eu. Je me rappelle encore l’émotion que j’ai ressentie quand l’arbitre a donné le coup de sifflet final, parce que tenir cette équipe-là, dans son stade…

La fête à l’hôtel avec les supporters était incroyable. Mais je pourrais aussi citer la défaite 4-3 en Bulgarie alors qu’on était revenu à 3-3 à la dernière minute (NDLR : en septembre 2016). Ce match nous avait mis par terre, mais je sais qu’il nous avait fait grandir. Sinon, je pourrais aussi citer la défaite 3-2 en Macédoine ou la victoire 0-1 en Irlande.

C’est contre moi que Mbappé a commencé

C’est votre plus belle victoire?

Là, je citerais plutôt le succès 3-2 contre l’Irlande du Nord, qui tombe à un moment où l’on ne gagnait pas autant. Marquer dans les dernières minutes (NDLR : à la 87e minute, par Jänisch), c’était une folie.

Mais la référence, c’est peut-être le succès en Bosnie (0-2), en 2023. Un succès avec la manière, un match d’hommes, avec en face un Dzeko qui venait de faire une finale de Ligue des champions avec l’Inter Milan.

Quel est votre plus beau match personnel?

Il n’y a pas particulièrement un match où je me suis trouvé très bon. Mais je me rappelle avoir été là pour le tout premier match en équipe de France de Mbappé. C’est contre moi qu’il a commencé. Il entre au Barthel alors qu’on est menés 1-3 par les Bleus (NDLR : le 25 mars 2017).

J’avais déjà des crampes et le gars va à 2000 à l’heure, mais ça a été. Et à Toulouse, c’est Coman que Deschamps avait fait rentrer face à moi alors que je venais de jouer toute la rencontre face à Lemar…

Et donc, en cent sélections… un seul but, contre Madagascar (3-3)?

C’est horrible que je n’en aie qu’un. Je ne pourrais pas en avoir beaucoup plus. J’aurais pu le faire contre la Turquie, mais un défenseur sauve sur la ligne. Je fais aussi une tête contre Malte, mais le gardien fait un très gros arrêt.

Bon, ce n’est clairement pas ma spécialité. Je n’en ai qu’un mais c’est une égalisation en toute fin de match sur un long ballon et une volée. Au moins, il est beau.

Si l’on devait parler du moment le plus triste?

Forcément, la Géorgie, jeudi dernier. Oui. Largement. Il n’y a pas une déception qui s’approche même de près de celle-là. Dans le vestiaire, il ne s’est rien passé. Rien. Un silence complet. Pas un mot. De personne.

Vous vous souvenez de votre premier capitanat?

C’était l’Albanie, qu’on a gagné d’ailleurs. Mais pour ce premier match, j’étais très nerveux parce que je me posais la question du protocole, de ce que je devais faire. Genre qui devait aller serrer la main à qui. Si tu n’es pas bête, en fait, tu dois t’en foutre mais moi, ça me travaillait.

C’est comme ça que je me suis retrouvé à serrer la main de Cristiano Ronaldo, l’un des tout meilleurs joueurs au monde et tu sens qu’il le sait. Quelle aura il a. Lors du premier match chez nous, dans le nouveau stade, je me rappelle lui avoir fait une blague.

Il s’était plaint de la qualité du terrain la dernière fois qu’il était venu au Barthel, qui était un champ de patates, alors je lui ai demandé si ce terrain-là lui allait. Il a rigolé, vite fait.

L’hymne italien, quel enthousiasme

Quel est l’hymne qui vous a le plus ému?

L’hymne en Ukraine était très impressionnant, mais je dirais plus l’Italie à Pérouse. Les Italiens, ils sont toujours à fond. L’enthousiasme en tribunes, tu le sens. C’est flagrant. Tu es content d’être là. Mais quand on a joué contre l’Irlande dans notre nouveau stade, j’ai vraiment eu des frissons.

Le Heemecht, ce n’est pas ce qu’on appelle un hymne « agressif » comme peuvent l’être ceux de la France, du Portugal ou de l’Italie. Mais ce jour-là, je l’ai entendu comme je ne l’avais jamais entendu. Et on s’est rendu compte qu’avec 9 000 places, on avait une ambiance digne de très gros stades.

Y a-t-il un joueur que vous avez vu passer lors de ces douze années et avec lequel vous apprécieriez de rejouer?

Je repense surtout à nos offensifs. Et je me dis, par exemple, qu’un Aurélien Joachim aurait marqué beaucoup plus de buts s’il avait évolué dans le style de jeu qu’on a maintenant. Oui, il aurait encore plus brillé.

Vous imaginez-vous vivre sans tout ça? Pensez-vous au moment où ça s’arrêtera?

Avec cette adrénaline, tu deviens « addict ». Certains n’aiment pas cette pression. Moi je l’adore. Je sais que ça finira un jour et beaucoup de gens m’ont dit que ça me manquerait. Je les crois. Parce que je sais que ça ne reviendra pas…

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