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L’assurance dépendance 2.0 au Grand-Duché


Le gouvernement compte réaliser 40 millions d'euros d'économie «dans le domaine de l'assurance dépendance» d'ici 2018. (illustration Tania Feller)

Le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider, a présenté, la réforme de l’assurance dépendance qui introduit surtout un meilleur contrôle des prestations selon les besoins.

Dans la réforme de l’assurance dépendance, ne cherchez plus la trace des économies que le gouvernement comptait faire comme indiqué dans le paquet d’avenir sous les numéros 256 et 257. Tout à la fin de la liste des mesures, on lit pourtant que le gouvernement compte réaliser 40 millions d’euros d’économie «dans le domaine de l’assurance dépendance» d’ici 2018. C’était bien un des objectifs que visait la réforme. Actuellement, 13 500 personnes bénéficient de cette assurance dépendance et l’État s’attend à financer à hauteur de 253 millions d’euros ces prestations pour sa part qui représente 40% des dépenses totales s’élevant à quelque 580 millions en 2014.

Le bilan sur le fonctionnement et la viabilité financière de l’assurance dépendance de 2013 avait démontré que le système avait atteint ses limites. «Suite à un contexte économique positif observé depuis 2013 (augmentation importante du PIB, niveau de l’emploi élevé) qui impacte l’évolution des recettes et une progression moins élevée des dépenses (stagnation du nombre de bénéficiaires et premiers effets des mesures du budget nouvelles générations) l’équilibre budgétaire de l’assurance dépendance est assuré à court terme», lit-on dans l’exposé des motifs du projet de loi. La réforme assure l’équilibre financier jusqu’en 2030.

Forfaits et regroupements

La réforme vise surtout à mieux contrôler les dépenses à travers la mise en place de forfaits en remplacement des actes qui font l’objet de regroupements d’activités et de soins. Les actes essentiels de la vie (AEV), qui concernent l’hygiène corporelle, la nutrition et la mobilité, ont été augmentés par deux autres domaines que sont l’habillement et l’élimination. «Ce modèle de prise en charge est complètement revu», prévient le ministre Romain Schneider. De fait, la réforme prévoit que la nouvelle Autorité d’évaluation détermine les besoins de chaque bénéficiaire selon 15 niveaux de prise en charge en termes de temps disponible.

Ainsi, le niveau le plus bas propose une prise en charge hebdomadaire variant de trois heures et demie à 6 heures par semaine. Le niveau 15 plafonne avec 36 heures par semaine voire davantage encore selon les cas. Pour les tâches domestiques, les bénéficiaires peuvent profiter de 3 heures de ménage par semaine. La réforme prévoit surtout une facturation forfaitaire de 780 minutes par semaine (13 heures) pour la prise en charge globale des actes essentiels de la vie dans le cadre des soins palliatifs. Les services de l’État ont en effet remarqué que les prix des différents prestataires présentaient des grandes différences.

L’impact financier de la réforme sur les différents types de prestation est difficile à lire du fait des regroupements. Le maintien à domicile étant l’une des priorités du gouvernement, les prestations qui y sont liées augmenteront de 25 millions d’euros.

Si «l’individu est au cœur de la réforme de l’assurance dépendance», comme le souligne le ministre Romain Schneider, il le prouve en donnant les moyens à la Cellule d’évaluation et d’orientation (CEO) pour mieux répondre à ses missions, «notamment en matière de suivi et contrôle qualité», précise le ministre. La cellule devient Autorité qui participera à mieux maîtriser les dépenses de l’assurance dépendance tout en garantissant une haute qualité de prise en charge.

Geneviève Montaigu

De quoi les forfaits seront-ils faits ?

Vue dans son ensemble, la réforme de l’assurance dépendance a tout pour plaire. Ses objectifs se traduisent par une prise en charge mieux ciblée et plus flexible. Mais les prestataires se demandent surtout ce que les forfaits réservent comme surprise, puisqu’ils signent la fin de la facturation à l’acte. Il faudra attendre les règlements grand-ducaux pour connaître ce qu’ils comprendront comme prestations.

Le ministre Romain Schneider a annoncé que les textes seraient prêts pour le mois de septembre, soit trois mois avant l’entrée en vigueur de la réforme, prévue le 1er janvier 2017.

Ce qu’il fallait changer

Le modèle de prise en charge actuel d’un bénéficiaire présente «plusieurs limites et difficultés», écrivent les auteurs du projet de loi. Il était nécessaire de définir un cadre normatif pour le financement des prestations et en finir avec une certaine opacité.

Le contrôle de la délivrance des actes facturés et de leur qualité fait défaut et la facturation à l’acte offre la possibilité de facturer des prestations non effectuées, donc un modèle qui pourrait être source de fraudes.

La prise en charge des personnes dépendantes est centrée sur un minutage plutôt que sur une prise en charge globale. La facturation à l’acte pour des prestations récurrentes conduit à une surcharge administrative tant pour les prestataires que pour la Caisse nationale de santé.

L’aidant mieux encadré

Favoriser le maintien à domicile demande la présence d’un aidant, une personne de l’entourage de l’assuré. Le projet de loi prévoit des mesures spécifiques en faveur de l’aidant comme l’évaluation de ses capacités et de ses disponibilités sur base d’une fiche de renseignements. Il s’agit aussi de le soulager, donc d’augmenter les activités de garde individuelles ou en groupe, et de le conseiller en lui offrant une formation continue. L’assurance dépendance continuera à prendre en charge les cotisations à l’assurance pension de l’aidant s’il ne bénéficie pas d’une pension personnelle.

Les syndicats restent très inquiets

Malgré les assurances encore données hier par le ministre Romain Schneider que la réforme de l’assurance dépendance n’allait pas se faire au détriment de la qualité des soins, le camp syndical reste très inquiet. La forte mobilisation de ces dernières semaines ne semble cependant pas avoir eu d’influence sur le projet final du ministre. Aussi bien l’OGBL que le LCGB vont désormais analyser de près le texte complet et attendre aussi de pied ferme en septembre la publication des règlements grand-ducaux qui vont venir compléter cette réforme.

Ces dernières semaines, le camp syndical avait multiplié les interventions pour faire part de son inquiétude. L’OGBL avait ainsi exprimé le 21 juin «de sérieux doutes quant aux objectifs annoncés par le ministre. Le premier syndicat du pays doute jusqu’à présent que «la réforme sauvegardera le niveau actuel des prestations de l’assurance aussi bien en termes de qualité que de quantité».

Une réforme «hâtive»

Le 8 juin dernier, le LCGB était monté au créneau pour dénoncer une réforme trop «hâtive». Le syndicat chrétien avait affirmé douter de l’efficacité de la réforme préparée par le ministre. Le LCGB avait en outre critiqué le fait que le dialogue social en vue de la finalisation de la réforme avait fait cruellement défaut.

Les mesures d’économie comprises dans le paquet d’avenir du gouvernement ont formé le deuxième gros point d’inquiétude dans le camp du LCGB. Plutôt que de chercher à faire des économies à tout prix, le syndicat avait enjoint au gouvernement de discuter avec les partenaires sociaux des mesures à prendre pour augmenter les recettes de l’assurance dépendance. Parmi les propositions du syndicat avaient notamment figuré «une augmentation de la participation financière de l’État de 40% minimum à 45% des dépenses courantes» et également une augmentation de la participation des entreprises au financement de l’assurance dépendance.

David Marques

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