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Sponsored Content / «L’Arrivée de la Jeunesse» : le Luxembourg raconté à l’italienne


Fabio Bottani : «J’aimerais surtout que ce film soit vu par les plus jeunes, qu’il sonne comme un devoir de mémoire.» (Photo : Fabio Bottani)

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Un siècle d’immigration italienne au Luxembourg est raconté sur grand écran par Fabio Bottani, jeune réalisateur qui signe là un premier film ambitieux et hybride, coincé entre documentaire et fiction. Entretien.

Né à Milan, passé ensuite par Lisbonne, Fabio Bottani est arrivé au Luxembourg à l’âge de cinq ans. Depuis, il en sait un peu plus sur ce pays d’accueil, notamment son riche passé industriel, porté en début de siècle dernier par une main-d’œuvre venue par milliers du sud de l’Europe.

Une histoire qui a certes laissé des traces dans le paysage, mais peut-être moins dans les mémoires. C’est ce que veut corriger le jeune réalisateur, 26 ans, avec L’Arrivée de la Jeunesse, moyen métrage d’une cinquantaine de minutes diffusé ce soir dans le cadre de la Nuit de la Culture.

Porté par l’association PassaParola, financé à moitié par Esch 2022 et tourné à différents endroits du pays, le film emprunte une forme hybride pour raconter l’histoire, de 1908 à nos jours, d’une famille italienne qui s’est installée au Luxembourg.

Un saut entre plusieurs époques et générations qui mélange fiction et archives (dont une contribution importante du CNA de Dudelange) afin de retracer l’évolution de l’identité luxembourgeoise à travers l’apport des différentes communautés d’immigrés. Une première expérience complexe et formatrice que raconte Fabio Bottani.

Vous êtes arrivé au Luxembourg fin 2000, à l’âge de cinq ans. En quoi retracer l’évolution de l’identité luxembourgeoise par rapport à l’immigration italienne était un geste nécessaire? 

Fabio Bottani : C’est à la fois un sujet personnel, bien sûr, mais aussi universel. Pourtant, c’est une histoire qui reste parfois méconnue, en Italie mais aussi au Luxembourg. Moi-même, je n’avais que de vagues notions sur cette terre et son passé minier, industriel. Et quand on regarde le Grand-Duché aujourd’hui, on voit facilement que toute cette ancienne richesse a été basculée vers la finance. Dès lors, la nouvelle génération ne voit que des banques, comme en Suisse!

Ce film, c’est une façon de rendre hommage à celles et ceux qui sont venus avant nous, qui ont tout quitté pour offrir à leurs enfants et petits-enfants une vie meilleure.

Comment aborde-t-on un tel challenge, à savoir raconter l’histoire d’une famille durant un siècle?

Oui, c’est un thème si vaste qu’on peut vite s’y perdre! Mais apporter une vision réduite n’aurait pas fait honneur à ce passé. Au départ, c’est le livre de Remo Ceccarelli (Tanti Italiani fa… in Lussemburgo) qui m’a servi de référence, mais c’est une collection d’histoires et d’articles qui courent sur cent ans, entre le Luxembourg et la Grande Région. Je me suis dit : « Mais comment on va faire? ».

C’est là qu’est venue l’idée de parler d’une même famille à travers les générations, une sorte de fil rouge plus facile à manier. Et question narration, c’est plus intéressant! Ça permet aussi de s’attacher plus facilement aux personnages. D’ailleurs, parmi les membres de l’équipe du film, on entendait régulièrement : « Mais c’est l’histoire de mon oncle! Ou celle de mon grand-père! » Ce film, c’est une histoire commune. Car on n’oublie jamais ses racines.

Votre film débute en 1908. Pourquoi cette date en particulier? 

Il n’y a pas de vraie raison. Mais je voulais commencer l’histoire au début du siècle et avoir un homme de vingt-trente ans qui arrive au Luxembourg pour que tout s’enchaîne correctement. C’est un truc technique, même si c’est au début du siècle dernier que l’on a assisté aux plus grosses vagues d’immigration.

Après, dans la culture populaire, on est plus familier avec l’histoire des Italiens qui partent aux États-Unis. D’ailleurs, je voulais commencer le film en Italie, avec cette famille sur le départ. « Alors, on part pour l’Amérique, comme notre oncle? Non, on va au Luxembourg! Mais c’est quoi ça? » (Il rit).

Raconter un siècle d’Histoire, c’est plutôt rare!

Il parle en tout cas d’intégration difficile…

Il est toujours compliqué de quitter son pays pour arriver dans un autre. Sans oublier le racisme propre à cette immigration. À son arrivée au Luxembourg, l’Italien a été mal traité, puis ce fut au tour des Portugais, puis d’autres, et ainsi de suite. Aujourd’hui, le pays compte plus de 100 nationalités, mais la discrimination perdure. Elle est désormais, selon moi, tournée vers la langue. C’est soit on parle le luxembourgeois, soit non! C’est le nouvel obstacle à franchir dans ce pays.

Le sujet a déjà été amplement traité au pays et dans la région. On pense notamment à Donato Rotunno (Io sto bene, Terra mia…). En quoi votre film se démarque-t-il alors? 

Sa vraie particularité tient à ce côté hybride, à travers un mélange d’images d’archives et de fiction. Et puis, raconter un siècle d’Histoire, c’est plutôt rare! C’est ce qui rend ce film spécial, du moins, selon les premiers retours que j’ai eus.

On lit dans le trailer que votre projet, au départ, était la réalisation d’une série en huit épisodes. Que s’est-il passé?

Ça, c’est la magie du cinéma (il rit). En réalité, j’aime à dire qu’un film s’écrit trois fois : lors du scénario, lors du tournage et ensuite au cours du montage. Pendant deux ans, on a toujours planifié et tourné en imaginant faire une série en huit chapitres. Mais vers la fin du montage, on a fait un test où l’on a mis tous les épisodes ensemble, les uns derrière les autres. Une fois que l’on a enlevé les crédits de fin, on s’est tous dit : « Mais ça marche mieux comme ça! ». Tout ce temps, on avait réalisé un film sans s’en rendre compte. Bon, il a fallu couper, mais c’est plus efficace!

Pour ce film, quelle a été la plus grande problématique?

Comme toujours au cinéma : le temps et le budget! Pour faire ce film, on a eu 130 000 euros. Déjà, pour un tel projet, vu le temps imparti, on aurait eu besoin de 3 ou 4 fois plus. Bon, c’est comme ça… Mais surtout, on a reçu l’argent au fur et à mesure, vu que le projet était considéré comme culturel. D’abord 40 %, puis 20 %… le tout sur deux ans! D’habitude, un film se tourne d’un coup, mais là, il a fallu prévoir deux tournages et attendre qu’arrive la totalité du financement. C’était l’horreur!

On a créé quelque chose de plus grand que nous

Pour un premier film, ça a dû être stressant, non?

C’est peu de le dire! Dès le départ, on a appris avec huit mois de retard, en raison de la crise sanitaire, qu’Esch 2022 acceptait de financer le projet. J’étais paniqué face à l’ampleur de la tâche et au temps qu’il restait pour y arriver. D’ailleurs, certaines parties du scénario ont été écrites alors que l’on tournait… Puis est arrivé ce financement progressif, qui a posé un tas de problèmes : vis-à-vis de la disponibilité des acteurs, des lieux de tournage.

Même les images d’archives du CNA sont arrivées avec du retard, car ça faisait plus d’un an qu’on les avait réclamées. Bref, une grosse galère! On a créé quelque chose de plus grand que nous, et on s’en est rendu compte trop tard. Mais on s’est accrochés, et je souffle seulement depuis juin. C’était le mois le plus beau de ma vie (il rit).

On peut dire que deux personnes ont été incontournables pour ce film : Remo Ceccarelli et votre bras droit, Marcello Merletto.

Oui. Le premier est au cœur de ce récit. Son grand-père est arrivé au Luxembourg au début du XXe siècle. En dehors d’être un ami, il m’a surtout ouvert les yeux sur cette histoire grâce à son livre. Le second, lui, s’était déjà intéressé dans un documentaire à l’immigration – celle africaine vers l’Italie. C’est comme ça que je l’ai connu. Et après un petit court métrage ensemble, réalisé pour l’ambassade d’Italie, on voulait chacun faire quelque chose d’une plus grande ampleur, de plus ambitieux. Lui avait besoin d’un réalisateur et moi, d’un directeur de la photographie. Et voilà!

L’Arrivée de la Jeunesse est votre premier film. Quel regard portez-vous dessus? 

J’en suis fier. Honnêtement, avec tous les obstacles et imprévus rencontrés, on a réussi à faire quelque chose qui fonctionne, avec de l’émotion et un sens historique. Je suis content d’avoir fait un film qui sera encore visible dans dix, vingt, trente ans! Certes, il sera plus vieux, mais l’histoire et les valeurs qu’il défend seront les mêmes. Après, ce sera au public de décider si ça vaut le coup ou non. Il ne m’appartient déjà plus!

Qu’aimeriez-vous justement que le public retienne?

J’aimerais surtout que ce film soit vu par les plus jeunes, qu’il sonne comme un devoir de mémoire. En somme, parler du passé pour mieux expliquer le présent, et ne pas oublier pourquoi on vit si bien aujourd’hui, même si, c’est vrai, il y a encore des problèmes (il rit). Je pense que cette production peut plaire à la nouvelle génération. C’est pourquoi on a évité de partir sur un documentaire qui aurait pu être lourd, ennuyeux. Là, le style est plus dynamique, et c’est plus intéressant à regarder.

Êtes-vous content que le film soit diffusé à Villerupt?

Oui, deux fois même! C’est le festival le plus important pour ce sujet dans la région. Mieux, c’est son président, Oreste Sacchelli, qui s’est occupé des sous-titres français et italiens. Il m’a fait plein de compliments et moi, je suis content qu’il m’accueille au festival. Surtout qu’à 26 ans, on a encore beaucoup à apprendre. Ce n’est que le début de l’aventure!

L’Arrivée de la Jeunesse
de Fabio Bottani.

Où voir le film?

Projection ce jeudi soir à 18 h, place de l’Hôtel-de-ville à Esch-sur-Alzette, dans le cadre de la Nuit de la culture, avec une lecture et des concerts.

D’autres diffusions du film sont prévues : Schifflange (28 septembre); Differdange (5 octobre); Utopia (13 octobre); Cinémathèque (2 novembre); festival du Film italien de Villerupt (28 octobre-13 novembre)

Site : passaparola.info

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