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« La cruauté humaine envers les animaux existe toujours »


"Il faut que les gens réfléchissent bien avant d'adopter. Parfois, les gens ne se rendent pas compte de ce qui les attend", regrettent les défenseurs de la cause animale. (illustration Julien Garroy)

Abandons de chiens et de chats, critères et procédure de sélection des personnes désirant adopter ou encore législation : la vice-présidente de l’asile national pour animaux et de la Ligue nationale pour la protection des animaux, Liliane Ferron, fait le point sur tous ces sujets sensibles.

Entrons de suite dans le vif du sujet, à savoir la question sensible des abandons d’animaux durant la période estivale. Comment analysez-vous cette tendance par rapport aux années précédentes ?

La tendance, cette année, est un peu similaire à celles des années antérieures. Cela étant, grâce aux puces électroniques, certaines personnes sont moins enclines à se montrer cruelles et à abandonner leur animal dans les bois ou bien à l’attacher quelque part à un arbre, car elles se disent qu’il est peut-être enregistré… Mais il y a toujours des personnes qui continuent à le faire et il est vrai que nous avons plus de chiens et de chats qui entrent à l’asile durant les mois de juillet, août et même septembre. La cruauté humaine envers les animaux existe donc toujours. Ceci dit, je précise que notre asile est toujours archi-plein durant toute l’année.

Avez-vous des chiffres pour illustrer ce phénomène ?

À titre d’exemple, nos statistiques de 2016 montrent que l’asile a accueilli, sur toute l’année, 1 016 animaux, soit 543 chiens et 473 chats. Il faut cependant préciser que parmi ces animaux, il y a eu des chiens qui ont été trouvés et puis récupérés par leurs propriétaires, mais aussi des chiens abandonnés ou encore des chiens qui ont été saisis par la police pour des raisons de maltraitance… Ces chiffres de 2016 sont fortement semblables d’année en année et ils tournent donc autour de 1 000 animaux annuels : cela fait quand même beaucoup ! C’est triste, mais c’est comme ça.

Quelles sont, de manière générale, les raisons pour lesquelles certaines personnes abandonnent leurs animaux, outre les cas de confiscation par la police ?

Concernant les chiens, il peut y avoir une multitude de raisons : il peut s’agir de couples qui se séparent ou qui divorcent, et qui travaillent du matin au soir. Ce cas de figure constitue une urgence pour nous : on les prend dans le refuge, on se renseigne sur le caractère de l’animal, car il faut aussi voir où on peut placer ces chiens. Ce point est très important, car s’ils ont par exemple été maltraités, nous récoltons des indices pour savoir comment les placer ensuite.

Outre cette raison, il y a aussi celle des allergies, qui sont plus fréquentes avec les chats – mais qui existent aussi pour les chiens – et qui peuvent se manifester tout à coup. Il arrive que des allergies invoquées soient en réalité basées sur des mensonges et nous devrions réclamer des certificats médicaux… De manière générale, et ce point est très important, il faut que les gens réfléchissent bien avant d’adopter. Parfois, les gens ne se rendent pas compte de ce qui les attend. La situation typique que nous rencontrons ici est celle où des gens voient un animal et disent : « Oh, qu’il est mignon ! » Mais dans 3, 4 semaines, il n’est plus forcément si mignon !

Avez-vous des critères concernant la sélection des personnes désirant adopter ?

Si le potentiel adoptant – ou les deux membres d’un couple – travaille 8 heures par jour et que le chien reste seul, alors il doit réaliser qu’il aura peut-être fait ses petits besoins, peut-être tout cassé à l’intérieur du domicile. Il est certain qu’on ne peut pas laisser un chien seul, 8 à 10 heures, si l’on compte le temps lié au trajet. Je vous donne l’exemple d’une personne qui vit dans un petit studio, travaille toute la journée et voudrait un berger allemand; cela ne pourra jamais fonctionner.

Cela dit, la situation est très différente concernant un chat, qui lui peut rester seul lorsque son maître est au travail. Cela étant, concernant l’adoption d’un chat, il faut savoir s’il pourra sortir dans son futur logement; si un chat a toujours vécu à l’extérieur, on ne peut pas l’enfermer et lui faire mener une vie de chat d’appartement, sinon ce sera vraiment la catastrophe !

Comment procédez-vous pour placer au mieux vos animaux ? Quelles consignes donnez-vous à un potentiel adoptant ?

Lorsque quelqu’un se présente pour adopter, surtout dans le cas d’un chien, nous faisons une enquête, sur la base de laquelle nous remplissons un formulaire. Nous interrogeons la personne sur le lieu où il vit, son temps libre, mais aussi sur un point plus délicat, à savoir sa situation financière. Car s’il tombe malade, il doit pouvoir régler les honoraires d’un vétérinaire, s’il part en vacances, est-ce qu’il entend voyager avec lui, voire est-ce qu’il peut le prendre avec lui. Et si, dans le cas contraire, est-ce qu’il peut le mettre dans une pension, etc.

Quels sont les animaux les plus populaires ?

La plupart des gens veulent un jeune chien. Cela étant, il y en a d’autres qui demandent à adopter un vieux chien, afin de lui offrir de beaux derniers jours, même s’il ne s’agit que de quelques semaines, voire quelques mois. Il faut avoir le courage de le faire, mais cela procure de la satisfaction à ces personnes – et il y en a beaucoup – car ils prennent en charge un animal en fin de vie qu’ils savent très difficile à placer. Respect à eux !

Que répondez-vous aux gens qui se présenteraient à l’asile avec l’intention d’offrir un cadeau à quelqu’un ?

Un animal ne peut être considéré comme un cadeau ! Un animal est un être vivant ! De plus, je rappelle que la personne qui sera le propriétaire effectif de l’animal est celle qui doit venir à l’asile pour signer le contrat ! Mais il y toujours des personnes qui viennent ici pour offrir un petit chiot ou chaton en guise de cadeau. Parfois, les gens ne se rendent pas compte… mais ils veulent faire une surprise. Cela étant, si la personne à qui est destinée la surprise – qui n’en sera plus une – vient en personne signer le contrat, et qu’elle remplit les conditions pour adopter, nous n’avons rien contre cette manière de faire.

Comment jugez-vous la – relative – nouvelle loi sur la protection des animaux de l’ancien ministre de l’Agriculture Fernand Etgen, votée en juin 2018 et qui, notamment, renforce les sanctions pénales, en cas de maltraitance animalière ? Est-elle, à vos yeux, assez sévère ?

Le fait que la loi définit à présent les animaux comme des êtres vivants et non plus comme des objets, constitue certes un pas en avant. Cela dit, je constate qu’il y a eu, depuis cette loi, des jugements rendus par les tribunaux qui n’ont pas changé grand-chose par rapport à la législation antérieure. De manière générale, j’estime que la nouvelle loi sur la protection des animaux ne va pas assez loin, notamment concernant les sanctions pénales ! En clair, nous ne sommes pas encore satisfaits de ce texte.

Entretien avec Claude Damiani

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