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L’ « américanisation rampante » du Luxembourg


Goodyear est installé depuis de longues années à Colmar-Berg.(photo archives LQ)

Alors que Donald Trump investit la Maison Blanche, Egide Thein, ancien diplomate luxembourgeois retiré en Floride et spécialiste des relations entre les deux pays, évoque une «américanisation rampante du Luxembourg».

S’il est bien connu que quelque 72 000 réfugiés économiques luxembourgeois ont fui vers les États-Unis au début du XIXe siècle, la présence américaine au Luxembourg se résume pour beaucoup à la présence de Goodyear et des banques, et inversement à celle de SES ou de Cargolux sur le sol américain, les relations sont autrement plus développées dans la réalité.

Sous le titre L’Ami américain , Egide Thein, ancien officier et diplomate luxembourgeois expatrié en Floride, racontait l’histoire des relations entre le Luxembourg et les États-Unis dans un long article paru dans le magazine Forum en 2012 et qu’il a repris sur son blog.

Egide Thein raconte ainsi que le Luxembourg s’est engagé «dans la vraie chasse à l’investisseur américain» en 1959. «Monsieur Joe E. Gurley, citoyen américain résidant à Luxembourg, adressa une lettre au gouvernement luxembourgeois dans laquelle il exhorta le ministre de l’Économie de considérer une nouvelle politique économique. Il proposa de créer un groupe d’action qu’il appelait « Board of Industrial Development » ou « BID », ayant comme but d’attirer des investissements et des activités industrielles américaines à Luxembourg», écrit-il.

Le Prince Charles devient président et Joe Gurley devient directeur du BID qui prend possession d’un bureau au Consulat général du Grand-Duché de Luxembourg à New York en avril 1959. Une campagne débute aussitôt pour faire d’abord connaître l’existence du Luxembourg et pour entrer en contact avec les entreprises potentiellement intéressées à venir s’établir à Luxembourg. La brochure Luxembourg, at the center of the Common Market, for your Industry , imprimée en 2 500 exemplaires, servait de support à cette campagne.

Si le BID n’a vécu que trois ans, il a largement préparé le terrain pour les entreprises américaines désireuses de venir s’implanter au cœur du marché commun.

Les succès étaient au rendez-vous et le Statec les avait recensés  : Eurofloor à Wiltz (1961), Bay State Abrasives à Steinsel (1961), No-Nail Boxes à Warken (1961), Du Pont de Nemours à Contern (1962), Norton à Bascharage (1963), Monsanto à Echternach (1963), pour n’en citer que quelques-uns. «En tout plusieurs milliers d’emplois en dix ans sont créés. Le budget du BID était de 45 000 dollars pour ses trois années d’opération, donc probablement moins de 15  dollars par emploi créé», souligne Egide Thein dans son historique des relations américano-luxembourgeoises.

Relations multiples mais délicates

C’est aussi à cette époque que le Luxembourg a profité de son appartenance à l’OTAN pour se voir récolter quelques investissements militaires, comme la Namsa à Capellen, la WSA dans le Sud et même le financement de travaux d’expansion de l’aéroport du Findel.

Après la crise de la sidérurgie, l’attractivité du pays s’est déplacée vers les services et la finance. «Les institutions financières américaines ont été souvent pionnières, surtout quand il s’agit d’innovations et de produits», écrit l’auteur. Mais ce sont aussi les Américains qui depuis des années font peser des menaces sur la place financière avec une législation toujours plus dure en matière fiscale et de blanchiment. «En fin de compte, le Luxembourg a vécu une américanisation rampante depuis 60 ans, qui couvre pratiquement toutes les activités  : services, industries, agriculture, culture et divertissements», avance Egide Thein.

Il estime en conclusion que les relations avec les États-Unis sont «multiples, délicates, complexes et parfois ambiguës surtout politiquement», alors que les relations économiques «sont intenses avec un pays qui n’est pas un voisin proche».

Notons encore l’existence de The American Luxembourg Society fondée le 4  juillet 1882 à l’Hôtel du Grand-Chef à Mondorf-les-Bains par un petit groupe d’émigrés luxembourgeois retournés au pays d’origine (et qui s’appelait à l’origine l’American Club). Son objet est «de cultiver les relations entre Luxembourgeois et Américains et de resserrer les liens d’amitié entre le Grand-Duché de Luxembourg et les États-Unis d’Amérique». Elle compte quelque 400 membres selon son site internet.

Geneviève Montaigu

 

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