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Klima-Biergerrot : pour l’organisation, c’était «ambitieux mais réalisable»


Face aux critiques, l'organisation rappelle que le Klima-Biergerrot reste souverain, les décisions étant soumises au vote. (photo Adobe Stock)

Alors que l’organisation du Klima-Biergerrot est pointée du doigt, les deux agences mandatées par le ministère d’État pour encadrer cette assemblée citoyenne livrent les défis auxquels elles ont été confrontées.

L’annonce surprise d’un «Bureau du citoyen pour le climat» par le Premier ministre, en octobre 2021 lors du discours sur l’état de la Nation, a pris tout le monde de court.

Dans la foulée, un cahier des charges est établi par le ministère d’État, avec un calendrier ultra précis : tout le processus doit être bouclé en six mois, pour un débat à la Chambre des députés en juillet 2022. Un objectif peu réaliste de l’avis de ceux qui connaissent bien ces assemblées citoyennes (lire ci-dessous). Résultat : seuls deux prestataires répondent à l’appel d’offres, selon nos informations.

«Le calendrier nous a été imposé»

C’est ainsi qu’en décembre, Oxygen, une agence luxembourgeoise spécialisée en relations publiques, décroche le marché, avec la lourde tâche de lancer le Klima-Biergerrot un mois plus tard. «On a vite compris que l’envergure du projet demandait un partenariat», confie Philippe Beck, administrateur et consultant d’Oxygen, qui choisit de s’associer à Pétillances, une agence ayant déjà mené ce type de consultation en entreprise. «Le calendrier nous a été imposé. C’était ambitieux mais réalisable», juge-t-il.

Dans leur mission, les organisateurs sont appuyés par un «comité d’accompagnement» composé d’une dizaine d’experts reconnus. Or, ce groupe, constitué par Raphaël Kies de l’université du Luxembourg, n’a été mis sur pied qu’une fois le KBR sur les rails : une erreur stratégique pour certains observateurs. «On n’aurait pas pu faire autrement», justifie le chercheur. «Entre le discours du Premier ministre et le développement du processus, il n’y avait absolument pas le temps de mettre en place un comité scientifique», raconte-t-il.

Peu de communication par manque de temps

Face aux critiques, l’universitaire tempère : «Nous sommes là pour accompagner un processus existant et l’évaluer afin de le rendre le plus efficace possible». Conscient que le Luxembourg a pris un chemin différent de ce qui se fait ailleurs, il souligne aussi qu’il n’y a «pas de bonne solution» en matière de participation citoyenne et que le cas luxembourgeois est «peut-être même plus intéressant».

Parmi les recommandations du comité aux organisateurs figure l’amélioration de la communication à destination du grand public. Un conseil qui n’a pas été suivi, surtout par manque de temps, reconnaît Philippe Beck : «On aurait pu partager sur les réseaux sociaux les visites ou les débats avec les experts, mais on était fortement occupés avec l’organisation, l’encadrement et la méthodologie», explique-t-il. «La priorité a été donnée au travail en interne.»

Tom Girardin, à la tête de Pétillances, ajoute que «certains participants auraient souhaité davantage d’ouverture au public», mais que «ça n’a pas trouvé l’approbation d’une majorité de membres».

Le comité dément toute intervention politique

Autre critique récurrente, l’intervention de nombreux experts issus de ministères, suscitant des interrogations chez certains participants. Mais le comité d’accompagnement dément tout conflit d’intérêt : «Notre rôle est de nous assurer que la politique n’intervient pas. Si tel avait été le cas, on aurait sorti notre carton rouge», assure Raphaël Kies.

La visite du chef de cabinet du Premier ministre au KBR était, quant à elle, «importante pour expliquer aux citoyens que les travaux pouvaient être prolongés», selon Tom Girardin, et pour leur «présenter les options sous différentes facettes», l’échéancier politique en faisant partie. Quant à la relecture des propositions finales par une personne du ministère de l’Environnement, l’organisation insiste sur le fait que ce point a été voté par le KBR.

Le défi de la cohésion

Si le peu de temps imparti pèse sur le Klima-Biergerrot, les organisateurs ont aussi été confrontés au défi de la cohésion : «Accommoder une pluralité d’opinions autour d’un même sujet n’est pas simple», relève Philippe Beck, ajoutant que les échanges ont été «qualitatifs» et que «chacun a appris beaucoup au fil des cycles thématiques».

Le KBR rendra son rapport final cet automne, tandis que le débat prévu à la Chambre est reporté de juillet à octobre.

«Une conception trop précipitée», d’après un expert

Un expert international en participation citoyenne a accepté de livrer son analyse du Klima-Biergerrot, sous couvert d’anonymat car il fait partie du comité d’accompagnement. Sa première certitude est que le timing prévu au cahier des charges était bien trop serré : «Le processus luxembourgeois a souffert d’une commande et d’une conception trop précipitées. Le temps a manqué pour tirer parti d’autres expériences», souligne-t-il.

Par ailleurs, «le comité d’accompagnement a été mis en place tardivement, alors que ces structures de gouvernance fonctionnent normalement dès le début».

Un temps limité pour les thèmes

Autre point problématique selon lui, le peu de temps accordé à chaque sujet : «Un seul week-end par thème, c’est trop limité pour apprendre, délibérer et formuler des recommandations». Ce que les organisateurs ont reconnu, en proposant de prolonger les travaux de quelques mois.

L’expert cite enfin le manque d’informations publiées sur le site, insistant sur l’importance de fournir des détails sur l’activité du KBR : «C’est vraiment important pour la transparence et la légitimité, et cela suscite aussi l’intérêt du grand public. D’autant que les participants sont très motivés», constate-t-il.

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