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Justice au Luxembourg : un barreau multilingue


Pour Rosario Grasso, "les avocats n'ont pas à répondre à l'administration des Contributions". (Photo : Jean-Claude Ernst)

Le bâtonnier de Luxembourg, Maître Rosario Grasso, revient sur les dossiers qui ont jalonné la fin de son mandat.

Le bâtonnier vient d’écrire au directeur de l’administration des Contributions pour lui signifier que ses confrères cités dans les Panama Papers étaient soumis au secret professionnel. Et donc, ils n’ont pas à répondre au questionnaire qui leur avait été adressé par le fisc.

Sous votre bâtonnat, certains avocats du barreau ont été bousculés par les affaires LuxLeaks et surtout par les Panama Papers. Le barreau a mollement réagi…

Rosario Grasso : Les Panama Papers ne constituent pas une révélation de malversations ou fraudes commises par des avocats ou avec leur assistance. Ma position est claire et je l’ai publiquement exprimée à plusieurs reprises : un avocat est là pour conseiller son client. Si la loi prévoit certaines marges de manœuvre qu’utilise l’avocat, alors il fait son travail. Aussi longtemps qu’il n’est pas interdit d’avoir des sociétés offshore, il n’y a pas de problème, tant que la loi est respectée. Il n’y a pas eu d’enquête lancée par le Conseil de l’ordre parce que ce que nous avons lu dans les médias n’était pas de nature à susciter l’ouverture d’une enquête ou une convocation des avocats cités. Je profite ici pour souligner que ces informations sont basées sur le produit d’infractions et leur utilisation et/ou possession donnent lieu à du blanchiment.

L’administration des Contributions était plus curieuse et a envoyé un questionnaire aux avocats qui étaient cités par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) dans le cadre des Panama Papers. Ont-ils répondu?

J’ai rappelé à mes confrères qu’ils étaient tenus au secret professionnel. Je viens juste de prendre position dans cette affaire en écrivant au directeur de cette administration que premièrement, ces données informatiques ont une origine délictuelle, voire criminelle, car elles ont été volées et que toutes les personnes qui en font usage risquent de se rendre coupables de blanchiment, sinon de recel. Deuxièmement, quelle autorité a vérifié l’authenticité des données que le consortium a reçues entre les mains? Troisièmement, ce consortium n’est et n’a aucune autorité. Finalement, l’avocat est tenu au secret professionnel qui ne peut pas être violé : il est là pour protéger le client. La jurisprudence depuis 100 ans dit que la personne soumise au secret professionnel ne peut être contrainte de témoigner. Aussi, j’estime que les avocats n’ont pas à répondre à ces questions de l’administration des Contributions, sauf si elle vise l’avocat dans sa qualité de contribuable, de sujet fiscal luxembourgeois, alors il devra répondre.

Quelles sont les questions qui leur étaient posées?

L’administration voulait savoir si l’avocat avait bien constitué des sociétés offshore pendant une période donnée, qui en sont les bénéficiaires économiques, quelles sont les transactions que l’avocat avait faites, etc. Bref, il est impossible pour l’avocat de répondre à ces questions, sous peine d’engager sa responsabilité pénale et disciplinaire. Bien sûr, il y a des enquêtes pour fraudes fiscales avec des perquisitions dans les cabinets d’avocat, mais elles se font dans le cadre et le respect de nos lois. Mais pour les Panama Papers, l’administration des Contributions s’est référée à des articles de presse qui ne contenaient aucune information susceptible d’entraîner l’ouverture d’une enquête pénale ou fiscale auprès de l’avocat. Nous sommes en présence d’une « fishing expedition » qui n’a pas sa place dans un État de droit.

Entretien réalisé par Geneviève Montaigu

Retrouvez l’intégralité de l’interview du lundi dans Le Quotidien papier.

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