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Juste répartition de l’impôt : «Nous étudions les zones à forte pression d’emploi frontalier»


Karl-Heinz Lambertz est Belge, il parle couramment allemand, et il est chargé d'un rapport sur une «juste répartition de la fiscalité en zone frontalière» pour le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe (Photo : DR).

Karl-Heinz Lambertz, vice-président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, est chargé du rapport sur «une juste répartition de l’impôt en région frontalière». Un dossier qui concerne évidemment le Grand-Duché. Il explique les objectifs.

À propos de la vie dans les zones frontalières, vous avez déclaré que « nos citoyens doivent avoir accès aux services publics sans payer deux fois ». Quel est le sens de cette phrase ?
Karl-Heinz Lambertz : J’ai fait cette déclaration dans le cadre d’un séminaire à Genève, fin octobre. La Fondation pour l’économie et le développement durable des régions d’Europe (Fedre) étudie les distorsions de la répartition de l’impôt sur le travail dans les zones frontalières. Claude Haegi, le président, m’a confié la direction d’un rapport sur une juste répartition. Je travaille avec différents spécialistes tels que l’ITEM de l’université de Maastricht (NDLR : Institut pour la coopération et la mobilité transfrontalières, transnationales et eurégionales). Le rapport sur le sujet sera rendu en mars 2019.
Mais quel est le « sujet » au fond ?
Toutes les zones frontalières ne sont pas visées. Nous étudions les zones à forte pression d’emploi frontalier, puisque les impacts financiers sont démultipliés. Je citerais surtout la Suisse, le Luxembourg et le Liechtenstein. Et dans une moindre mesure, l’Allemagne et la France, la Belgique et l’Allemagne, l’Autriche et l’Allemagne…
Dans ces zones, les collectivités locales hébergent des gens qui travaillent ailleurs : cela correspond à un tas de frais en termes de services publics, mais cela ne correspond pas toujours à un retour en matière fiscale (NDLR : de l’impôt sur le revenu payé par les frontaliers). Cela peut conduire à des revendications comme celles que l’on entend entre la France et le Luxembourg, ou à une compensation comme il en existe déjà avec la Suisse. Pour autant, le système mondial sur le prélèvement de l’impôt reste la règle de l’OCDE : le travailleur est prélevé sur son lieu de travail.

Dans ces zones, les collectivités locales hébergent des gens qui travaillent ailleurs : cela correspond à un tas de frais

Cette règle de l’OCDE, précisément, connaît des exceptions dans toutes les zones frontalières à forte pression. Il n’y a qu’entre l’Allemagne et le Luxembourg et entre la France et le Luxembourg que l’on observe un vide juridique.
Je ne peux pas vous le dire comme ça, nous n’en sommes qu’au début du travail. Comme vous le soulignez, les aménagements sont nombreux. Je sais que le Liechtenstein impose les Autrichiens sur son territoire, mais laisse la Suisse imposer les frontaliers helvètes, avec des mécanismes de rééquilibrage. En Suisse, je sais que le canton du Jura laisse la France imposer les frontaliers sur le lieu de domicile, en reversant un pourcentage. Alors que dans le canton de Genève, le frontalier est imposé sur le lieu de travail, avec une compensation pour la France…
Ce que je peux dire, c’est que la règle de l’OCDE a du sens si l’employé part travailler dans un autre pays lointain, où il s’installe. Puisqu’il paye ses impôts sur le revenu ailleurs, mais qu’il utilise les services publics du pays, pour lui ou pour ses enfants. Et ce phénomène-là n’est pas à confondre avec le phénomène frontalier, où le travailleur rentre chez lui le soir.

Le but n’est pas de transposer un système frontalier à un autre

On ne peut pas dire pour le moment de quoi sera fait ce rapport…
Sur la finalité, si. Le but n’est pas de transposer un système frontalier à un autre. Comparaison n’est pas raison… Le but est d’apprendre les uns des autres en regardant ce qui se fait ailleurs. Il faut étudier aussi les rapports économiques de part et d’autre des frontières, et les spécificités de chacun. Le but est d’atteindre la plus juste répartition possible, sachant que l’on trouvera toujours des arguments pour dire que les situations sont injustes.
Concrètement, le rapport pourra-t-il être source de droit ?
Oui, c’est l’objectif. On ne fait pas des rapports pour faire des rapports. Le Conseil des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, que je représente ici (NDLR : Karl-Heinz Lambertz a plusieurs casquettes), transmettra le rapport au Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Nous sommes un organe intergouvernemental qui n’est pas lié à l’UE (lire ci-dessous). Mais nos recommandations influent sur l’exécution du droit international, ou sur la création de nouvelles normes. Dans nos missions, le but est de créer des instruments de droit internationaux à partir de cet organe qu’est le Conseil de l’Europe.

Propos recueillis par Hubert Gamelon

Repères

Le Congrès des pouvoirs locaux est l’un des trois piliers du Conseil de l’Europe, une assemblée intergouvernementale qui agit comme un phare des droits de l’Homme en Europe. Cette dernière ne doit pas être confondue avec le Conseil européen, qui est l’organe exécutif de l’Union européenne. Mais notons par ailleurs que Karl-Heinz Lambertz est le président du Comité européen des régions qui, lui, est bien une institution de l’UE. «Des synergies existent avec le Congrès des pouvoirs locaux, c’est certain.»

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