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Inflation : quand les paquets maigrissent


Ouvrez bien l’œil quand vous faites vos courses… Certaines de vos marques préférées vous réservent des mauvaises surprises sur le poids de leurs paquets ou les recettes de leurs produits.  (Photo : archives lq)

Avec la hausse des coûts de fabrication, certains industriels de l’agroalimentaire n’hésitent pas à réduire la quantité dans leur paquet pour ne pas trop augmenter les prix.

Moins de chocolats dans la boîte ou de lait dans la crème glacée : pour ne pas trop augmenter les prix en rayons et risquer de faire fuir des clients inquiets pour leur portefeuille, certains industriels réduisent discrètement la quantité, voire la qualité de leurs produits, dénonce une association. La «shrinkflation» (du verbe anglais shrink, rétrécir), qui consiste à masquer les hausses de prix des produits en réduisant leur poids, est dans le viseur de Foodwatch, qui «milite pour la transparence dans le secteur agroalimentaire».

Dans l’émission Complément d’enquête diffusée hier soir sur France 2, Foodwatch épingle six marques «qui ont modifié la taille de leurs produits phares ces dernières années». Ainsi les boîtes de chocolat Pyrénéens au lait de Lindt ont été amputées de six bouchées, passant de 30 à 24 et réduisant le poids global de 20 %.

« Format généreux » disparaît de l’étiquette

Alors que le prix au kilo, relevé chez le distributeur Carrefour, a bondi de 30 % depuis 2020, la hausse du prix de la boîte a été limitée à 4 %… Salvetat, propriété de Danone, a réduit la taille de ses bouteilles d’eau de 1,25 litre à 1,15 litre en 2020. Au final, le prix de la bouteille augmente peu (+5 %), tandis que le prix au litre a grimpé de 15 % chez Intermarché. Et Foodwatch souligne que la mention «Format généreux comme les gens du Sud» a disparu de l’étiquette.

Pour se justifier, Lindt France explique que «le prix au kilogramme a augmenté, reflétant la volatilité et la hausse des coûts de (ses) opérations», selon un courrier adressé à Foodwatch. Les coûts de production des industriels ont flambé ces derniers mois (énergie, transport, emballage), comme ceux des matières premières agricoles, par exemple le cacao. Concernant les prix, certains se défaussent sur les grandes surfaces : «Nous ne pouvons que conseiller un prix de vente que le distributeur est libre d’appliquer ou non», écrit le service consommateurs de Danone France. Les informations sur l’emballage sont toutefois de leur fait.

Nouvelles recettes et marketing

En cette période de forte inflation, les clients des supermarchés sont très sensibles aux prix affichés et il peut s’avérer périlleux de trop les augmenter, au risque que le client se tourne vers la concurrence. Réduire les quantités permet de rester «compétitif» tout en préservant les marges, commentait récemment l’analyste financier John Plassard, du gestionnaire de fonds Mirabaud.

Selon lui, environ 2 % des produits alimentaires vendus en grande surface pourraient être concernés par la «shrinkflation», céréales et tablettes de chocolat en tête. «C’est une pratique tout à fait légale, à condition d’indiquer le poids du produit de manière claire sur l’emballage pour ne pas tromper le consommateur», explique Guillaume Forbin, avocat spécialisé en droit de la consommation chez Kramer Levin.

Un procédé opaque

Foodwatch regrette «l’opacité» du procédé et réclame une meilleure transparence dans l’information aux consommateurs, via une pétition. La «shrinkflation» ne se cantonne pas à la France. De nombreux usagers du réseau social TikTok aux États-Unis ont épinglé une tendance à emballer plus de vide dans le même contenant. Dans son étude, John Plassard met également le doigt sur un autre phénomène, la «cheapflation» (de l’anglais cheap, bon marché). Il consiste à «remplacer certains produits ou aliments par des substituts (alimentaires ou non) moins chers».

Il donne l’exemple, aux États-Unis, d’une crème glacée devenue «dessert glacé», car «on lui a retiré tellement de produits laitiers (…) qu’elle ne peut plus être légalement appelée crème glacée». Si cela peut «poser un problème d’image», dans le cas où «la liste d’ingrédients sur l’emballage a bien été changée», rien d’illégal là non plus, commente Guillaume Forbin. Celui qui ne respecte pas le droit «très strict» de la consommation s’expose à «des amendes très élevées».

Autre procédé : le spécialiste de la consommation Olivier Dauvers pointe sur son blog l’exemple d’une boîte de nourriture pour bébé du géant Nestlé, dont la taille a… augmenté, de 400 à 415 grammes. Elle est vendue bien plus cher que le modèle précédent (+23 % du prix au kilo). Mais la pilule passe grâce au nouvel emballage vantant un mélange contenant désormais «5 céréales», un produit supposé de meilleure qualité.

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