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[Gardiens de la nature] «Si on doit acheter des appareils, autant en choisir des bons»


Grâce à Thierry Lagoda et Camille Muller, le site Oekotopten.lu n’est pas qu’un guide d’achat, il donne également une foule de conseils.

Économiser les énergies est aujourd’hui une priorité, tant pour l’environnement que pour le portefeuille. Grâce au site Oekotopten.lu, créé par l’Oekozenter Pafendall et le Mouvement Écologique, on peut choisir en toute connaissance de cause.

Même armé de sa meilleure bonne volonté, il est loin d’être évident de se repérer dans la jungle des appareils ménagers, des télés, des smartphones ou des vélos à assistance électrique. Choisir les appareils les plus vertueux n’est pas une sinécure. Les étiquettes sont rarement faciles à lire, emploient des termes et des unités de mesure souvent inconnus, tant et si bien que, parfois, on en viendrait presque à se demander si les industriels ne le feraient pas exprès…

Pour nous aider, le site Oekotopten.lu fait office de boussole. «À l’origine, il s’agit d’un projet européen créé en 2000 en Suisse qui avait pour objectif de mettre en avant les appareils économes en énergie, et particulièrement ceux pour l’électroménager», explique Thierry Lagoda, le responsable du projet à l’Oekozenter Pafendall. Au Luxembourg, la première version du site a été présentée lors de l’Oekofoire de 2007. Et depuis, elle a parcouru beaucoup de chemin. «Nous avons progressivement élargi nos centres d’intérêt, souligne Camille Muller, gestionnaire du projet. En plus de l’électroménager, nous nous intéressons désormais aussi à l’électromobilité par exemple, en donnant des éclairages sur les voitures électriques et les pédélecs.» Le catalogue est franchement vaste, puisque grâce au site, on peut connaître l’efficacité des pellets, des pompes de chauffage, des ampoules, des téléviseurs, des machines à cafés ou des ventilateurs. Et nous sommes loin d’avoir fait le tour de la liste!

Ce travail est particulièrement fastidieux puisqu’il implique d’éplucher toute la documentation technique de chaque objet. «Il faut être attentif, car selon les pays d’où ils sont importés, des appareils, pourtant d’allure très semblable, n’ont pas les mêmes caractéristiques, ce qui induit des consommations d’énergie différentes, explique Camille Muller. Ce phénomène existe aussi pour les voitures électriques.»

Pour les consommateurs, l’efficacité énergétique est devenue un argument important lors de l’achat et les fabricants (parfois poussés par l’Union européenne) font enfin des efforts pour l’améliorer. Les critères européens (de A à G), dont la dernière mouture date de 2021, sont ainsi régulièrement modifiés pour tenir compte de cette évolution. Les réfrigérateurs font un bon exemple. «Ce sont les appareils qui ont le plus progressé, mais on arrive à un palier, avance Thierry Lagoda. Désormais, la seule solution pour qu’ils soient plus économes serait de mieux les isoler, mais cela demanderait des parois plus épaisses, ce qui ne sera sûrement pas une option retenue.»

Attention à l’effet rebond

Autre exemple vertueux : les ampoules électriques. «Autrefois, l’éclairage consommait environ 20 % de l’énergie d’une maison, relève Camille Muller. Aujourd’hui, grâce aux ampoules LED, le pourcentage peut tomber à 5 % si toutes les lampes en sont équipées.» Et le progrès est toujours en route puisque les nouvelles générations de LED sont encore plus économes.

Mais parfois, les améliorations peuvent engendrer des comportements pervers. C’est ce que l’on appelle l’effet rebond et les téléviseurs en sont une parfaite illustration. «Les télés consomment de moins en moins d’énergie, mais ce bénéfice est complètement annulé par la taille des écrans, qui ne cesse d’augmenter. Il faut se rendre compte qu’une petite télé de classe G peut consommer moins qu’une grande de classe B. En plus, puisqu’elles sont plus économes, les gens les laissent allumées plus longtemps. Au final, on dépense donc aujourd’hui plus d’énergie avec les télés qu’auparavant…»

Le site va d’ailleurs au-delà de la catégorisation des appareils, puisqu’il répertorie aussi tous les subsides offerts par les communes du pays lorsque ses habitants s’équipent en recherchant l’efficacité énergétique. «Ces pages sont même devenues parmi les plus visitées du site», se félicite Camille Muller.

Le site Oekotopten.lu s’oriente d’ailleurs de plus en plus vers le conseil. Aux citoyens, mais aussi vers les marchands et les institutions. «Sur demande, nous formons notamment les vendeurs en téléphonie sur le thème de la réparabilité, souligne Thierry Lagoda. Ce n’est pas encore une vraie interrogation de la part des clients, mais c’est justement aux magasins de les sensibiliser sur cette question.» Les employés de Hifi, Cactus ou Auchan ont, par exemple, déjà profité de l’expertise d’Oekotopten.lu.

Autres illustrations, la Ville de Luxembourg (comme plusieurs autres communes) reprend ses critères pour définir la liste des appareils qui donneront droit à une subvention. Le ministère de l’Environnement, lui, a utilisé les critères d’Oekotopten.lu pour définir les conditions d’obtention de la prime d’achat de voitures électriques.

Mais, en conseillant ainsi les consommateurs, est-ce que le site ne pousserait-il pas aussi à l’achat de matériel neuf, pas toujours indispensable? «Non, affirme Thierry Lagoda. Notre objectif n’est absolument pas de promouvoir l’acquisition de nouveaux appareils! C’est d’ailleurs pour cela que nous développons l’axe autour de la réparabilité. Mais si on doit en acheter, autant en choisir des bons. Notre credo est de donner des conseils pour économiser l’énergie, pas pour pousser à la consommation!»

Une petite télé de classe G peut consommer moins qu’une grande de classe B

Le pays est-il bon élève?

Plutôt, oui. Et pour une bonne raison, le niveau de vie moyen étant élevé, les habitants ont la possibilité d’acheter des appareils plus économes, même s’ils sont plus chers. «Les catégories d’efficience énergétique des objets achetés en Europe de l’Est, par exemple, sont très différentes, simplement parce que les critères d’achat sont différents, relève Thierry Lagoda. Là-bas, le prix compte en premier.»

Mais cette aisance qui permet un comportement d’achat vertueux induit aussi une nuance, déjà évoquée par ailleurs. L’effet rebond est ici très réel : les téléviseurs sont plus grands et les voitures aussi, y compris les électriques. Donc, ils consomment plus…

Carte d’identité

NOM : Thierry Lagoda

ÂGE : 40 ans

FONCTION : responsable du projet Oekotopten.lu

PROFIL : Après un master en chimie obtenu à Bruxelles, il rejoint l’Oekozenter en 2007 avec le projet Oekotopten.lu. Il est également conseiller environnemental pour trois communes dans le cadre du Pacte Climat.

NOM : Camille Muller

ÂGE : 54 ans

FONCTION : gérant du projet Oekotopten.lu

PROFIL : Menuisier de formation, passé ensuite par les Beaux-Arts, il a été architecte d’intérieur avant de se reconvertir à l’Oekozenter Pafendall où il s’occupe de nombreux projets depuis 12 ans.