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Faux et usage de faux : « Naeem est le centre de tout »


Naeem reconnaît avoir utilisé de faux documents, mais nie les avoir produits. (Photo : archives lq/fabrizio pizzolante)

Le procureur a requis des peines assorties du sursis intégral contre deux anciens époux accusés d’avoir utilisé de faux documents et des prête-noms pour obtenir des prêts.

Cinq personnes sont suspectées de faux et usage de faux, d’abus de confiance, d’escroquerie et de blanchiment d’argent. Seuls deux ex-époux qui apparaissent comme les auteurs principaux ont répondu présent à la convocation de la justice. Naeem et Samina auraient contracté des prêts à la consommation auprès de différents établissements bancaires luxembourgeois en utilisant des prête-noms et de faux documents «bricolés» (fiches de salaire, contrats de travail, extraits de comptes, entre autres).

À la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, Naeem reconnaît avoir utilisé les documents qu’il savait être faux, mais pas les avoir commis. L’apporteur d’affaires lui aurait remis les dossiers contenant les faux, ainsi qu’aux quatre autres prévenus. «Moi, je ne sais pas faire cela. Je ne sais ni lire ni écrire», avance-t-il. «L’apporteur d’affaires nous donnait des commissions. Malheureusement, personne n’est là pour le confirmer.» L’apporteur d’affaires a pourtant bénéficié d’un non-lieu, l’enquête n’étant pas parvenue à prouver son implication dans l’arnaque.

Le prévenu campe sur ses positions

«On voit difficilement l’apporteur d’affaires établir des faux sans avoir reçu d’informations de votre part», oppose le président incrédule à l’homme de 53 ans d’origine pakistanaise. Le prévenu aurait utilisé des numéros de châssis de voitures qu’il aurait vendues pour faire de faux contrats de vente sur des voitures qui n’existaient pas. «C’est vous qui semblez avoir tiré les ficelles», poursuit le juge en haussant le ton face au prévenu qui prétend n’être qu’un maillon d’une chaîne. «Ce n’est pas en niant l’évidence que vous plaidez votre cause auprès du tribunal.»

Le prévenu campe sur ses positions. Il n’a pas commis les faux et a reçu mille euros de commission à chaque fois. Naeem aurait remis les originaux à l’apporteur d’affaires en toute bonne foi, qui les aurait utilisés pour commettre les premiers faux et lui permettre ainsi d’avoir de meilleures conditions pour un prêt immobilier. «C’est comme cela qu’on est tombé dans ce piège», rapporte le prévenu. «Vous racontez toujours de nouvelles histoires», commente le président. «J’avais confiance en l’apporteur d’affaires. Il avait des copains dans les banques et on pensait qu’il n’allait rien nous arriver. On a transféré l’argent sur mon numéro de compte parce qu’on avait peur que l’apporteur d’affaires s’en aille avec l’argent», poursuit le prévenu, qui assure que cette affaire a ruiné sa vie. «J’ai appris la leçon. Plus jamais, je ne fréquenterai de gens comme cela.»

Son ancienne épouse, Samina, avait connaissance des faux documents qui ont servi à obtenir le prêt hypothécaire. Elle marche sur des œufs face au président, qui a de plus en plus de mal à garder son calme. «Je n’avais pas connaissance de ce qu’il faisait. Mon mari gérait les comptes», explique-t-elle. Le juge lui rappelle qu’elle a prélevé l’argent d’un prêt en liquide. Naeem rafraîchit la mémoire de son ancienne épouse, mais l’explication donnée ne convainc pas le tribunal. Le couple insiste. Il a été victime de l’apporteur d’affaires. Hamed, un des coprévenus, aurait eu l’idée de continuer l’arnaque en ramenant des prête-noms de Bruxelles.

«Un sacré train de vie»

Les explications ne convainquent pas non plus le représentant du parquet, qui connaît le dossier sur le bout des doigts. Et notamment le versant se situant avant la rencontre de Naeem avec l’apporteur d’affaires. Naeem avait déjà tenté de faire signer un faux contrat de travail à un serveur à Bruxelles et des comptes bancaires avaient déjà été ouverts avec de faux documents. «Sans compter les fautes d’orthographe et les erreurs de format (…) à en rire», note le procureur. «De la négligence pure. Le couple ne travaillait pas et il se payait un sacré train de vie.»

Si l’apporteur d’affaires devait être impliqué dans les faits, il serait alors passé entre les mailles de la justice, le félicite le parquetier. «Il devait être celui qui porte le chapeau. Pourtant, il n’y a rien contre lui et il n’y aura jamais rien.» Le banquier, «à moins d’être un formidable acteur», n’est pas non plus de connivence. «Naeem est le centre de tout», avance-t-il. «Il est le coauteur de toutes les escroqueries. Tout passait par lui.»

45 mois de prison avec sursis requis

Le procureur requiert une peine de 42 mois de prison assortie du sursis intégral et une amende de 15 000 euros contre Naeem et une peine de trois mois de prison également assortie du sursis intégral et une amende de 5 000 euros contre Samina, que le procureur ne juge pas avoir été impliquée dans tous les faits.

Me Margue, qui défend les ex-époux, doute de l’absence d’implication de l’apporteur d’affaires avant d’invoquer le dépassement du délai raisonnable. Les faits remontent à fin 2015 et début 2016. Elle plaide en faveur d’un sursis intégral si une peine d’emprisonnement devait être prononcée et d’une amende réduite au minimum.

La Spuerkeess et la banque BCP se sont portées parties civiles contre les prévenus. La première réclame 20 000 euros – le montant d’un des prêts – et la seconde, 39 418 euros.

Le prononcé est fixé au 19 janvier.

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