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Fraude bancaire : «C’est du bricolage !»


Plusieurs établissements bancaires luxembourgeois ont fait les frais des arnaques dont Naeem est accusé. (Photo : afp)

Prête-noms, comptes en banque bidons, faux documents, Naeem aurait tout préparé pour obtenir des prêts à la consommation sans débourser un centime. Il accuse un apporteur d’affaires de l’entourloupe.

Yasmina et Hamed sont au chevet de leur mère mourante. Ils n’ont pu se présenter au tribunal lundi. Leur avocat a demandé la disjonction de leur affaire de celle de leurs trois coprévenus. Le procureur et le tribunal ont accepté pour éviter une troisième remise. «De toute manière, j’ai Naeem dans le collimateur», avoue le représentant du parquet. Un cinquième prévenu a disparu dans la nature. Il sera jugé par défaut par la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

L’affaire est complexe. Elle remonte à 2015. L’enquêteur de la section enquête spéciale de la police judiciaire distribue un diagramme explicatif aux juges et aux avocats présents. «Naeem utilisait des personnes de son entourage comme prête-noms afin d’obtenir de petits prêts bancaires à la consommation pour avoir de l’argent» et des faux documents, résume l’enquêteur. Dont les trois autres prévenus, également suspectés de faux et usage de faux, d’abus de confiance, d’escroquerie et de blanchiment d’argent.

Des comptes bancaires sont ouverts et des prêts hypothécaires ou des prêts pour des voitures qui n’existent pas sont souscrits dans différents établissements bancaires luxembourgeois. Toujours avec des documents – des contrats de travail, des décomptes de salaires et des extraits de comptes – contrefaits. Des employés de banque consciencieux repèrent le stratagème et le dénoncent. «Pour moi, il s’agit de documents altérés», note le policier. «Je n’ai jamais trouvé d’originaux. Pour certains, c’est du bricolage. (…) Il y a des erreurs de calcul, des fautes d’orthographe…»

Si l’idée était la même pour tous les faits reprochés aux prévenus, elle n’a pas fonctionné à chaque fois et Naeem n’a pas toujours empoché de l’argent. Décrit par les témoins comme «dépensier», l’idée viendrait de lui, selon les personnes qui auraient participé aux faits dans le but d’obtenir une commission.

«Plus je cherchais, plus je trouvais»

Le prévenu a été mis en contact avec les différentes banques par un apporteur d’affaires qui, à un moment, était suspecté de complicité par les enquêteurs de la police avant d’obtenir un non-lieu. «Quelqu’un comme ce monsieur, qui connaît aussi bien le secteur bancaire, n’aurait pas fait de faux d’aussi mauvaise qualité», estime le policier. «Je me demande comment il ne s’est pas rendu compte que c’étaient des noix pourries», interroge le président de la chambre correctionnelle. «Au risque de mettre sa réputation en danger.»

«On m’a présenté Naeem comme un comptable, je n’ai jamais vu les documents en question. J’ai uniquement servi d’intermédiaire pour un prêt immobilier», explique l’apporteur d’affaires, ancien agent immobilier. «Naeem est un menteur!» «Vous ne vous êtes jamais posé de questions avant de l’envoyer à votre contact?», lance le président qui a du mal à croire en la bonne foi du témoin. «Pourquoi le conseiller sans rien en échange? C’est votre passe-temps?» «Ça me prenait deux ou trois minutes au téléphone», répond le témoin. «C’était aux banques de vérifier.» Pourquoi passer par l’apporteur d’affaires au lieu d’aller directement à la banque?

Un banquier appelé à témoigner n’a pas de réponse à cette question. Il est l’un des premiers à avoir remarqué l’escroquerie. «Plus je cherchais, plus je trouvais d’irrégularités et plus je découvrais de liens entre les différents prévenus et des transactions d’argent», témoigne celui qui s’est livré à une véritable enquête avant de dénoncer les faits au service juridique et à la direction de sa banque.

Naeem, 53 ans et d’origine pakistanaise, prétend aux enquêteurs ne savoir ni lire ni écrire. Et donc ne pas être en mesure de faire des faux. Son ancienne épouse allait retirer l’argent directement à la banque, sauf quand l’argent transitait sur les différents comptes bancaires de la famille avant d’atterrir sur son propre compte. «Je ne sais pas ce que l’argent est devenu et s’il a payé des commissions», poursuit le policier. L’enquête ne le démontre pas. «Pourquoi prendre le risque d’ouvrir un compte si on n’en retire rien ?», interroge le président. «Ils ont tous réussi à se déplacer au Luxembourg à ce moment-là. Pour comparaître en justice, c’est une autre histoire.»

Tous les faisceaux d’indices pointeraient en direction de Naeem comme principal auteur des faits. Même dans le cas d’Emina, sa femme de ménage, qui a fait une demande de prêt en présentant des contrats de travail d’entreprises fictives. À la barre, elle soutient la version de son ancien patron. L’apporteur d’affaires aurait ficelé son dossier et elle n’aurait pas touché de commission de Naeem. «Si vous continuez, vous allez finir sur le banc des prévenus», s’emporte le président. «Vous avez fait usage de faux documents. Il y a dix ans de réclusion criminelle à la clé. Vous savez que vous n’avez pas travaillé pour les entreprises figurant sur les contrats. Vous travailliez au noir !»

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