La Confédération luxembourgeoise du commerce et plusieurs experts ont livré leurs analyses sur la nature des échanges marchands de demain.
À quoi ressembleront nos commerces d’ici une décennie ? La question, légitime au regard des bouleversements sociaux et environnementaux que traverse notre société, a fait l’objet de nombreux débats dans le cadre de la journée «Le futur du commerce», organisée hier à Esch-sur-Alzette.
À l’initiative de la Confédération luxembourgeoise du commerce (clc) et en collaboration avec la direction des Classes moyennes du ministère de l’Économie, l’évènement a investi les anciens locaux H&M de la rue de l’Alzette pour y tenir une série de prises de parole et de tables rondes.
La localisation n’a rien d’un hasard, puisque de nombreux commerces y sont installés, mais se trouvent constamment menacés par l’étalement urbain et le développement croissant des boutiques en périphérie. Un phénomène commun à de nombreuses villes, qui appelle à une réflexion quant à l’avenir du commerce de détail, sa préservation dans le temps et les technologies qui vont certainement influencer le domaine.
Petit tour d’horizon des points abordés lors de cette journée, qui nous éclaire sur la nature des échanges de demain et l’environnement dans lequel ils prendront place.
L’IA, vecteur d’e-commerce
L’intelligence artificielle et ses applications constituent de précieux alliés dans cette quête d’innovation des pratiques commerciales. Ces systèmes opératoires, propulsés par un processus d’imitation de l’intelligence humaine, avaient fait une entrée fracassante dans le marché avec des outils tels qu’Alexa ou Siri.
Néanmoins, l’IA semble, pour bon nombre d’entre nous, difficile à saisir et éloignée de nos pratiques quotidiennes : «Il est important d’avoir cette ouverture et d’investir vers de nouvelles technologies, sinon on aura des difficultés à s’adapter par la suite», déclare Lex Delles, ministre des Classes moyennes et du tourisme.
En ce sens, l’IA permettrait d’assurer de plus en plus de services, d’abord en offrant au client un processus d’achat personnalisé et adapté à ses besoins : «Avec l’hyperpersonnalisation, nous ne sommes pas traités comme n’importe quel client. L’IA, grâce à la reconnaissance faciale, peut afficher nos préférences ou nos humeurs tout en protégeant nos données», argumente Nils Müller, futurologue et spécialiste du commerce urbain.
Il reste à voir quelle forme matérielle pourrait prendre ces innovations, quand bien même des exemples existent d’ores et déjà, notamment au Japon : «Il y a déjà des robots dans des restaurants qui proposent de servir les menus ou encore d’aider à débarrasser la table. Ils peuvent soulager le personnel, même si le savoir-faire humain reste important», ajoute le spécialiste.
L’avènement des systèmes autonomes
Si la livraison est déjà en place et ne cesse de croître, celle-ci pourraient revêtir de nouvelles formes dans le futur. Il suffit, une nouvelle fois, de jeter un coup d’œil aux technologies développées au Japon pour en cerner les contours : «Avec ces systèmes autonomes, on configure des véhicules pour qu’ils apportent les commerces directement chez les gens, le tout sans chauffeurs, à l’image des e-Palette de Toyota», détaille Nils Müller.
En 2018, le géant de l’automobile a présenté ce concept destiné à transporter des personnes ou des marchandises. Si le projet n’a pas totalement explosé, les ambitions sont là. Le véhicule pourra être programmé pour effectuer différentes tâches avec une gestion opérationnelle, qui passe par des data centers de l’entreprise, lui permettant également de suivre et de gérer sa flotte à distance.
«C’est un système qui pourra également se pencher sur les services de santé, en entretenant une connexion avec les médecins et en reconnaissant les besoins de chacun grâce à des capteurs», complète Nils Müller.
Repenser la ville par le prisme de l’innovation
Pour permettre la démocratisation de ces technologies, l’espace urbain doit être amplement redéfini. Le chantier est vaste et nécessite d’investir massivement pour développer, dans un premier temps, une logistique de la circulation : «Il faut commencer à penser à des réseaux souterrains ainsi qu’à la création d’un système écologique et économique permettant sa mise en œuvre», insiste Nils Müller.
Le projet semble pharaonique, mais il avait déjà séduit certains pontes de la high-tech, à l’instar d’Elon Musk. Ce dernier s’était lancé dans la construction de tunnels souterrains tous azimuts, dont les premières expérimentations n’avaient pas foncièrement convaincu. L’objectif étant de lutter contre la congestion du trafic routier, qui reste, à ce jour, une fatalité urbaine.
Dans cette logique de concevoir autrement la ville, on retrouve également l’idée des vertical farming, soit des fermes disposées dans des gratte-ciel permettant de cultiver de grandes quantités de produits alimentaires. En plus d’avoir une faible emprise au sol, le concept, déjà développé en Asie, répond aussi à des besoins de proximité. Un atout possible pour les commerces alimentaires et l’accroissement des circuits courts.
Le grand boom de la réalité virtuelle
Les promesses d’un metaverse capable de repousser les limites du monde physique ne sont pas totalement respectées, mais les formes commencent peu à peu à s’imposer. Ces innovations technologiques, en constante expansion, permettent d’offrir une expérience immersive avec un rendu en 3D, souvent à l’aide de lunettes virtuelles.
Le metaverse se veut une amélioration des pratiques actuelles en proposant, par exemple, aux acheteurs d’essayer des vêtements virtuellement. Le concept a donc le potentiel de combler le fossé entre le commerce électronique et les expériences d’achat en magasin. Amazon, encore une fois, a commencé à intégrer les premières technologies du metaverse sur sa plateforme, ouvrant ainsi la possibilité d’utiliser un téléphone pour voir à quoi ressembleront les meubles ou des objets de décoration dans un espace défini.
«On voit des plateformes où plusieurs millions de personnes se sont réunies pour regarder des concerts, comme dans le jeu Fortnite. Ce sont les bases de cette révolution imminente», termine Nils Müller.
Oui, la VR et les drones livreurs, c’est bien beau: mais il faut aussi se donner un concept pour allier cette technologie avec le monde réel… Ou voulons-nous vraiment d’une rue de l’Alzette désertée?