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Emploi : le paradoxe bancaire luxembourgeois


À l'approche d'un nouveau plan social chez RBC, les regards se tournent vers le secteur bancaire : avec les plans sociaux successifs, comment se porte-t-il ? (photo : Fabrizio Pizzolante)

En deux ans, le secteur bancaire luxembourgeois a connu sept plans sociaux. Mais malgré cette sinistre succession de plans, les effectifs de ce secteur sont en hausse depuis 2015. Paradoxe ou chiffres trompeurs?

À l’approche d’un nouveau plan social chez RBC pouvant mettre sur le carreau près de 226 personnes, les regards se tournent vers le secteur bancaire luxembourgeois, poumon économique du pays.

Lors de ces deux dernières années, le secteur a vu passer sept plans sociaux. Pourtant, à en croire les données de la Banque centrale du Luxembourg et du régulateur luxembourgeois, la CSSF, les effectifs du secteur, avec 26 638 personnes, sont en hausse de 0,6 % et même de 2,9 % depuis 2015.

Le secteur bancaire recrute… mais différemment

Dès lors, malgré les plans sociaux successifs, le secteur bancaire se porte-t-il bien ? «Dans le secteur bancaire, les métiers changent. Les banques externalisent de plus en plus vers les pays de l’Est ou encore la Malaisie pour les tâches les plus basiques. Par contre, on engage de plus en plus pour les tâches plus techniques et les tâches de mise en conformité, tout comme les banques ont de plus en plus recours à des consultants externes coûtant plus cher qu’un salarié en CDI», explique Patrick Michelet, secrétaire syndical du secteur financier du LCGB.

Même chose du côté de l’ALEBA où Laurent Mertz, secrétaire général, tonne : «Le secteur bancaire recrute. Il y a de la demande au niveau du commercial, du conseil et de la compliance (NDLR : la mise en conformité en anglais). D’ailleurs, il suffit de constater qu’il y a moins de banque, alors que d’un autre côté la CSSF a besoin d’un nouveau bâtiment pour accueillir ses effectifs. C’est en quelques sorte le reflet de ce qui se passe dans le secteur.»

Pour faire face aux changements, les syndicats et les banques ont d’ailleurs mis l’accent, lors de la négociation de la dernière convention collective du secteur, sur la formation. «Dans les années 1990 et 2000, les banques ont beaucoup recruté, des personnes n’étant pas spécialement issues du secteur bancaire pour les former sur le tas. Aujourd’hui, ces personnes sont dans une catégorie à risque et c’est pour cela que nous accordons beaucoup d’importance à la formation. Mais il faut encore que les banques s’en donnent les moyens», souligne Patrick Michelet.

Les actionnaires doivent faire des efforts

De son côté, Laurent Mertz nuance en admettant «que les banques ont nettement attaché de l’importance à la formation, mais celle-ci a des limites. Toutes les personnes ne peuvent être reconverties en profils recherchés».

Pour le secrétaire général de l’ALEBA, le problème se trouve aussi dans le manque d’effort des banques. «La plupart des banques au Luxembourg sont des banques étrangères avec des actionnaires qui se trouvent à l’étranger. Il est indéniable que les banques ont plus de pression qu’auparavant, tant sur les marges qu’au niveau réglementaire. Mais d’un autre côté, les actionnaires n’ont pas baissé leurs rémunérations. Et quand il faut faire des économies de coûts, cela se traduit par une pression sur les effectifs. Les actionnaires doivent aussi faire des efforts au lieu de seulement se gaver.»

Pas d’effet Brexit sur l’emploi pour le moment

Toujours du côté de l’ALEBA, on refuse de prendre la transformation digitale comme bouc émissaire. «Il y a des changements technologiques, des algorithmes et des robots, mais c’est à la marge. Ce n’est pas cela qui coûte des emplois», assure Laurent Mertz qui attend toujours de voir un «effet Brexit» sur le secteur : «Les politiques ont souvent assuré qu’avec le Brexit, des banques et autres allaient s’installer au Luxembourg et créer de l’emploi. J’avoue n’avoir encore rien vu venir.»

En résumé, les chiffres de l’emploi du secteur bancaire ne reflètent pas vraiment la réalité d’un secteur qui connaît encore trop souvent des plans sociaux impactant plusieurs centaines d’employés par an.

Jeremy Zabatta

Selon les données de la Banque centrale du Luxembourg (BCL), 26 638 personnes travaillaient dans le secteur bancaire luxembourgeois au 31 juin 2019. Un nombre en augmentation de 0,6 % sur un an, soit 146 personnes. Une tendance à la hausse présente dans le secteur depuis décembre 2015. À l’époque, le secteur dénombrait 25 897 personnes. Seuls les 3e et 4e trimestres en 2017 ont connu une baisse d’effectif.

Donc cela fait quatre ans que l’emploi connaît une croissance dans ce secteur d’activité.

Si la courbe est à la hausse, avec une augmentation moyenne de 197 personnes par an, elle est toute même très loin des niveaux d’avant crise, mais également beaucoup plus haut que pendant la crise financière.

Petit retour en arrière. Entre 1992 et 2002, l’emploi dans les banques est passé de 16 143 personnes à 23 300 personnes, soit plus de 7 000 personnes en dix ans.

Plus de 1 000 embauches par an

Le secteur bancaire a connu un pic en 2008 avec 27 269 personnes. Il faut dire que, selon les chiffres de la BCL, le secteur embauchait à tour de bras avec une variation annuelle moyenne de 1 348 personnes. «Il faut se rappeler qu’à l’époque les affaires étaient extrêmement prospères», souligne Laurent Mertz, secrétaire général de l’ALEBA.

Puis la crise est arrivée et les banques ont dégraissé. Dès 2009, le secteur a perdu 780 personnes. Année après année, les effectifs se réduisent pour atteindre en août 2015 son plus bas niveau avec 25 657 personnes. Loin des niveaux d’avant crise.

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