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«Elle n’avait pas le droit de le tuer»


Quand Tatiana D. a porté les trois coups de couteau, était-elle en état de légitime défense? (illustration archives editpress)

Il y a quatre ans, Tatiana D. avait poignardé à mort son conjoint chez elle à Mertert. Vendredi, le parquet a requis 15 ans de réclusion à son encontre.

«Si j’avais eu une poêle à portée de main, j’aurais pris une poêle.» Tatiana D. (44 ans) n’en aura pas démordu vendredi matin à la barre de la 9e chambre criminelle. Le 17 février 2015, au petit matin, lorsqu’elle a poignardé son (ex-) conjoint de trois coups de couteau à Mertert, c’était un acte de légitime défense. «J’ai lutté pour ma vie. Je ne voulais pas être étranglée», a-t-elle répété à plusieurs reprises comme elle l’avait d’ailleurs déjà fait lors de son audition la semaine passée.

Une audition qu’elle avait souhaité interrompre lorsque la présidente l’avait rendu attentive au fait que sa version ne collait pas avec celle de la témoin qui dormait sur le canapé chez elle la nuit du drame. «Votre version ne fonctionne pas. La témoin a déclaré l’avoir mis devant la porte. Là, il était encore en vie», l’a-t-elle relancée vendredi.

La question qui se pose : comment a-t-il fait pour se retrouver dans la maison? Car c’est là que la prévenue prétend l’avoir poignardé. À part un «je ne peux pas vous l’expliquer. Tout s’est passé si vite» et un «ce soir-là j’étais ivre», la 9e chambre criminelle n’a pas obtenu plus de détails.

Ce qui s’est passé lors des trois coups de couteau reste flou

Le calvaire qu’elle a vécu durant de longs mois avec l’homme qu’elle avait rencontré en 2010 et duquel elle avait décidé de se séparer au printemps 2014, elle l’a rabâché en long et en large à l’audience. «Quand il avait bu, c’était un monstre qu’il valait mieux éviter!» Mais ce qui s’est passé lors des trois coups de couteau reste flou. Et pourtant, la présidente n’a pas lâché prise : «Vous avez raconté tout en détail. Mais ensuite, vous avez des trous de mémoire. Je n’y crois pas à vos trous de mémoire!»

Le nombre impressionnant de 2 843 contacts téléphoniques échangés entre les deux protagonistes les six derniers mois précédant le drame, l’absence de traces de sang dans la cuisine où elle dit l’avoir poignardé, l’expertise des blessures… tous les indices figurant au dossier ont de nouveau été passés en revue. «On essaie de comprendre ce qui s’est passé cette nuit-là», a tenté de relancer la présidente la prévenue la fixant du regard.

Le parquet a également abordé la profondeur des trois coups de couteau (entre 10 et 12 cm). «Ce qui présuppose que vous y avez mis une certaine force. Je ne comprends pas que vous ne vous rappeliez rien!» Mais la prévenue a invoqué de nouveau la légitime défense : «C’était une lutte mortelle!»

«Il était une arme strangulatrice»

«Il ne faut pas être couverte d’hématomes pour qu’on puisse parler de légitime défense», a renchéri Me Roby Schons. L’avocat de la prévenue n’aura pas mâché ses mots dans sa plaidoirie : «Il était une arme strangulatrice. Elle a pris l’arme quand lui a pris ses mains.»

La police n’avait pas relevé de traces d’effraction sur la porte d’entrée. Mais selon la défense, il est fort possible qu’il ait réussi à entrer à nouveau par ruse dans la maison. Bref, sa cliente aurait riposté à l’attaque pour sauver sa vie. «La balance est en équilibre. J’espère qu’elle le restera», a enchaîné Me Schons. Ce qu’il demande, c’est l’acquittement de sa cliente.

Une position que le parquet ne partage toutefois pas : «On a une victime peu sympathique qui a certes mérité une peine pour ce qu’elle a fait aux femmes, mais cela ne lui donne pas le droit de la poignarder.» Au fil de son réquisitoire, son représentant a battu en brèche l’argument de la légitime défense et de l’attaque proportionnée.

Pour lui, il y a bien eu meurtre. Une grande partie des déclarations de la prévenue est tout simplement fauss  : «Elle décrit une scène de combat à travers toute la maison. Mais à l’arrivée de la police, aucun meuble n’était de travers.» Et les blessures relevées par le médecin légiste ne correspondraient pas aux violences décrites. «À part une bosse à l’arrière de la tête et une côte cassée, le médecin n’a pas décelé de traces de strangulation.»

«Pour pouvoir parler de légitime défense, il faut que la version soit vraisemblable.» Et d’ajouter : «Dès que cela devient pénible, elle ne se souvient de rien.»

Sortie de détention préventive en juin 2015

L’expert psychiatre avait conclu qu’elle avait agi sous le coup de l’émotion et l’influence de l’alcool. «Même si elle était en colère, elle n’avait pas le droit de tuer!», a précisé le parquetier.

Tenant compte des conclusions de l’expert, selon lesquelles elle présentait des signes typiques de codépendance, le «syndrome du sauveur», et du fait qu’elle a deux jeunes enfants, il a au final requis 15 ans de réclusion. Comme son casier judiciaire renseigne déjà une condamnation de six mois, un sursis intégral n’est plus possible. Il propose néanmoins d’assortir éventuellement une partie de la peine d’un sursis probatoire. La quadragénaire était sortie de détention préventive en juin 2015.

Prononcé le 4 avril.

Fabienne Armborst

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