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De l’usage des sédations dans les maisons de soins


Les neuroleptiques sont-ils trop facilement prescrits dans les maisons de soins ? C’est ce que prétend une pétitionnaire qui veut interdire leur usage.   (photo archives LQ)

Une pétitionnaire dénonce l’usage de sédations légères dans les maisons de soins pour faciliter le quotidien des personnels. Elle a été entendue par les députés et les ministres. Un projet de loi doit clarifier les choses.

C’est une exception. La commission des Pétitions a décidé unanimement d’entendre deux ministres, Paulette Lenert pour la Santé et Corinne Cahen pour la Famille, afin de satisfaire aux attentes d’une pétitionnaire, Françoise Seyler, qui condamne les sédations «de confort» pratiquées dans les établissements de soins.

Il est possible d’entendre une pétitionnaire même si le nombre de signatures ouvrant le droit à un débat n’a pas été atteint. «C’est une exception, reconnaît la présidente de la commission des Pétitions, Nancy Kemp-Arendt, mais la ministre de la Famille n’a pas pris position dans les délais qui lui étaient impartis et nous donnons alors au pétitionnaire et aux députés l’occasion d’entendre sa position.»

Décédée trois semaines après son entrée en maison de retraite

Seul le ministère de la Santé a répondu, pour défendre la pratique de la sédation légère que la pétitionnaire veut voir complètement interdite. Françoise Seyler en a fait son cheval de bataille depuis le décès de sa mère trois semaines après son arrivée en maison de retraite, où un médecin lui a prescrit des neuroleptiques. «Dans plusieurs institutions, il arrive que les personnes soient « immobilisées » par des neuroleptiques afin de faciliter les tâches infirmières au personnel soignant», écrit l’auteure de la pétition, qui recueille des témoignages sur des situations similaires dans les différentes institutions. «Elle ne dit pas que c’est une généralité, elle dit que la pratique existe», commente Nancy Kemp-Arendt.

Éviter la contention physique

Pour Françoise Seyler, «les droits humains fondamentaux des résidents ne sont pas respectés et les médicaments contenant des neuroleptiques sont généralement utilisés pour des raisons non médicales, cela doit être évalué comme un préjudice physique et une privation de liberté», écrit-elle. Le sujet est suffisamment grave aux yeux des députés pour entendre les deux ministres sur cette question.

Dans sa prise de position, le ministère de la Santé a indiqué que le choix d’une sédation légère s’imposait «pour diminuer le stress du patient au moment du soin ou lors d’un évènement aigu conduisant à une agitation du patient». En tout état de cause, «l’accord pour cette sédation légère peut être donné soit par le patient lui-même lorsqu’il est en capacité de l’exprimer, soit sur décision du médecin en concertation avec l’équipe de soins et la famille (ou du représentant légal) quand le patient ne peut l’exprimer lui-même».

La contention physique est utilisée en dernier recours, mais si les patients devaient être privés de neuroleptiques, elle deviendrait courante, ce qui «dégraderait la prise en charge des patients». Pour le ministère de la Santé, «l’absence de neuroleptiques en maison de soins priverait les patients d’un accès à un traitement dont l’utilisation est indiquée, voire nécessaire, dans certaines situations».

Un texte à revoir

La véritable question que se posent les députés se concentre sur les contrôles, sur la manière de vérifier si l’usage d’un neuroleptique peut paraître abusif. «Comme tout exercice de la médecine, s’il existe des dérives avérées en maisons de soins, elles doivent être signalées, après discussion avec l’équipe soignante et le médecin prescripteur », indique le ministère.

Pas sûr que la réponse satisfasse la pétitionnaire. Ni les députés. Et encore moins le Conseil d’État qui a rendu son avis sur le projet de loi de la ministre Corinne Cahen portant sur la qualité des services pour personnes âgées. On y dénombre un paquet d’oppositions formelles qui forcent les auteurs du projet à sortir du vague pour fournir des définitions et des objectifs clairs : «La loi en projet ne prévoit ni de définition ni un encadrement des objectifs de qualité et des indicateurs d’évaluation que le projet d’établissement doit contenir.»  Il est prévu d’insérer « des concepts de prise en charge au bénéfice des résidents atteints d’une maladie démentielle, des résidents en fin de vie…», mais le Conseil d’État note «que les auteurs omettent de tracer ou d’encadrer ces concepts de prise en charge».

Résultat ? Sans critères à respecter, l’organisme gestionnaire reste donc entièrement libre de fixer ses objectifs de qualité et de choisir les indicateurs destinés à les évaluer.

Impensable pour le Conseil d’État qui alerte sur l’impossibilité, dès lors, de retirer un agrément «ni pour cause d’inadéquation éventuelle des objectifs de qualité ou des indicateurs d’évaluation à des normes qui, pour le reste, ne sont pas précisées par le dispositif législatif, ni pour cause d’un système de la gestion de qualité jugé non conforme ou insuffisant par l’autorité de surveillance», conclut la Haute Autorité.

Le ministère de la Famille va affiner son texte. Quant à Françoise Seyler, elle a transmis son dossier au ministère de la Santé et au ministère de la Famille. «Le message est bien passé, il faut approfondir le sujet et identifier ceux qui sont chargés de recevoir des plaintes», explique pour sa part Mars Di Bartolomeo (LSAP).

Si un médiateur existe déjà au ministère de la Santé, un poste similaire sera créé au ministère de la Famille, selon le projet de loi.

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