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[Cinéma] The Wall : Vicky Krieps se heurte à un mur


Vicky Krieps en flic de choc à la frontière des États-Unis et du Mexique : il faut le voir pour le croire… (Photo : les films fauves)

Vicky Krieps en garde-frontière de l’Arizona ? C’est l’un des étranges paris de The Wall, de Philippe Van Leeuw, qui explore la nature profondément mauvaise de son personnage… au risque de tourner à vide.

Jessica Comley (Vicky Krieps) est un agent de la Border Patrol, la police des frontières. Fière d’être patriote, cette fille de gardes-frontières de l’Arizona protège «son» pays de celles et ceux qui tentent d’entrer illégalement aux États-Unis : des trafiquants de drogue, oui, mais aussi des familles de migrants démunies, qui tentent de rejoindre le «pays des libertés» à leurs risques et périls.

Pour arrêter l’hémorragie clandestine, Jessica est déterminée à utiliser tous les moyens. Lors d’une intervention qui tourne mal, la policière fait une victime, sous les yeux de José (Mike Wilson), un Amérindien qui, lui aussi, longe la frontière – à l’inverse de Jessica, c’est pour venir en aide aux migrants que l’homme parcourt le désert. Face à ce meurtre de sang-froid, les autorités devront trancher : c’est la parole de Jessica, représentante de la loi, contre celle de José, l’activiste «natif». Et Jessica, cow-boy moderne, ne compte pas se laisser faire par un Indien…

L’ Amérique bigote, fondamentaliste et réactionnaire

«J’avais envie de faire un western contemporain avec un shérif, avec des Indiens. Alors j’ai commencé par chercher les Indiens. Et je suis tombé sur cette nation amérindienne dont le territoire est à cheval sur la frontière entre le Mexique et les États-Unis», a raconté le réalisateur belge Philippe Van Leeuw au site spécialisé Cineuropa. Le titre du film (coproduit au Luxembourg par Les Films Fauves) renvoie bien entendu au mur promis par Donald Trump dès sa première candidature à la présidence des États-Unis, censé protéger le pays des flux migratoires clandestins en provenance du Mexique. Et la protagoniste a tout de la «Trumpiste» dévouée…

Pour le réalisateur, c’est un virage à 180 degrés, après deux longs métrages prenant un conflit pour contexte, sa caméra braquée du côté des victimes : Le jour où Dieu est parti en voyage (2009), sur le génocide rwandais, et Insyriated (2017), sur la guerre civile en Syrie. Le bourreau, qui tient le haut de l’affiche dans The Wall, est «l’autre face de la médaille», dans le combat sans fin entre le bien et le mal qui hante les films de Philippe Van Leeuw. «Dès (que Donald Trump) est arrivé au pouvoir, j’ai voulu explorer cette Amérique bigote, fondamentaliste et réactionnaire, intolérante et raciste, développe-t-il. Le personnage de Jessica Comley est de ceux-là.»

J’ai voulu explorer cette Amérique bigote, fondamentaliste et réactionnaire, intolérante et raciste

Inspiré par le western, Philippe Van Leeuw met en scène des personnages évoluant sur une terre aride, où les règles sont arbitraires. Derrière la violence, The Wall, c’est aussi l’histoire de ces Amérindiens qui vivent sur leurs terres historiques comme des étrangers; le cinéaste rappelle que la nation Tohono O’odham occupe un «territoire millénaire», «coupé en deux par la frontière établie en 1857 par les Américains et militarisé depuis la fin de la présidence Clinton».

Le militant Mike Wilson, issu de la nation Tohono, trouve face à Vicky Krieps son premier rôle d’acteur en jouant une version de lui-même devant la caméra de Philippe Van Leeuw. Une volonté, pour le cinéaste, de coller au plus près de la réalité qu’il raconte : «Mike a été très généreux et très précieux tout au long du tournage, (…) en restant continuellement un lien et une caution auprès des gens de son peuple. Les Amérindiens ont été lésés, abusés, dépossédés, assassinés depuis l’arrivée des Blancs, et ils n’oublient rien, surtout pas de garder leurs distances et de se protéger contre l’imagerie américaine que les médias et le cinéma ont créée pour les représenter.»

Vicky Krieps, elle, est l’incarnation de cette Amérique au racisme décomplexé. Philippe Van Leeuw conçoit d’ailleurs le personnage comme «une sorte de Jeanne d’Arc», prête au sacrifice pour protéger une idée ultraconservatrice de ce que devrait être, selon elle et son président, l’Amérique. On a l’habitude de voir l’actrice luxembourgeoise dans des rôles qui lui demandent d’être monolithique; on a pourtant du mal à la prendre au sérieux dans son costume de flic de choc. En essayant d’exploiter les failles de son personnage (en particulier dans les confrontations entre collègues, dont elle est la seule femme), The Wall se heurte – justement – à un mur : la nature profondément mauvaise du personnage, déjà difficile à digérer, a du mal à susciter la moindre once de sympathie de la part du spectateur.

The Wall, de Philippe Van Leeuw.

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