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[Cinéma] Neneh superstar, diversité et ballet sur grand écran


Le film s'inspire largement de propos réels de danseurs mais aussi, pour le côté technique, de professeurs tirés presque tout droit du documentaire Graines d'étoiles. (Photo : mika cotellon/gaumont)

Sans prendre de gants, le film Neneh superstar, de Ramzi Ben Sliman, raconte le combat d’une fillette face aux discriminations à son entrée à l’école de danse de l’Opéra de Paris.

Une danseuse noire parmi quarante cygnes, c’est une distraction» : dans Neneh superstar, deuxième long-métrage signé Ramzi Ben Sliman, en salles mercredi, Oumy Bruni Garrel – fille adoptive de Louis Garrel et de Valeria Bruni-Tedeschi – incarne, pour son premier grand rôle au cinéma, Neneh, jeune danseuse admise comme petit rat malgré l’opposition de la directrice de l’école de danse de l’Opéra de Paris, Marianne Belage (Maïwenn). «Je ne crois pas qu’elle soit faite pour cette école, il s’agit de créer une uniformité esthétique pour le corps de ballet», proteste cette dernière, face à des professeurs plus bienveillants et un directeur de l’Opéra au rôle prééminent un peu exagéré.

Le film parle de «carnation de peau», de «morphologie noire» et de «protection de nos valeurs», un clin d’œil à des propos de Benjamin Millepied, ex-directeur de la danse à l’Opéra de Paris (2014-2016), le premier à avoir critiqué ouvertement le manque de diversité au sein de l’institution. «J’ai entendu très clairement en arrivant qu’on ne met pas une personne de couleur dans un corps de ballet parce que c’est une distraction», avait-il dit. Il y a deux ans, l’Opéra, sous la houlette de son directeur, Alexander Neef, a fait publier un rapport sur la diversité et vient de lancer le projet de coopération culturelle territoriale «L’Opéra en Guyane».

«Allégorie de la France»

Ramzi Ben Sliman précise qu’il avait conçu le film avant ces développements. Mais pourquoi nommer précisément l’école de danse? En France, «il n’y a qu’à l’Opéra qu’il y a ces traditions tricentenaires, ces règles ultrastrictes», affirme le réalisateur, qui avait monté en 2019 un court-métrage pour «La 3e scène», la scène digitale de l’Opéra de Paris.

Conscient qu’il s’agit d’un sujet «sulfureux», il précise que l’institution n’a pas été mise dans la boucle, malgré une brève apparition de la danseuse étoile Léonore Baulac. Mais il assure qu’il ne s’agit nullement d’une attaque contre l’institution. «On ne dénonce pas, on montre au contraire que la danse n’est pas figée (…) Ce film, c’est une allégorie parfaite de la France d’aujourd’hui et la question est : « Que fait-on quand on est différent, alors que tout le monde est pareil? »», dit-il. Un secret va venir expliquer la crispation de la directrice à l’égard de Neneh. «Dans la génération de Marianne Belage, il fallait faire profil bas, alors que, dans celle de Neneh, on affirme sa singularité. Le monde a changé», ajoute le cinéaste.

Pression et jalousie

Le film montre également les réticences du milieu de Neneh : son père (Steve Tientcheu) la soutient mais sa mère (Aïssa Maïga) n’est pas convaincue («À son âge, je faisais du judo comme tout le monde», lance-t-elle). Ses copines du quartier non plus («C’est une école de princesses»; «ta tête ne va pas à l’Opéra»…). Face à la pression de la directrice et à la jalousie des autres filles qui vont jusqu’à souiller ses pointes, elle se rebiffe et craque parfois. Jusqu’à se demander : «Pourquoi ne suis-je pas blanche comme tout le monde?»

Le film s’inspire largement de propos réels de danseurs mais aussi, pour le côté technique, de professeurs tirés presque tout droit du documentaire Graines d’étoiles, produit et diffusé par ARTE. Ramzi Ben Sliman a sélectionné des petites danseuses qui passent toutes de vrais concours et auditions, et affirme que ce sont elles qui l’ont aiguillé vers Oumy Bruni Garrel, car il n’arrivait pas à trouver une fillette noire de 12 ans ayant à la fois un bon niveau de danse et un jeu convaincant.

Actuellement dans une école sport-études à Paris, l’actrice de 14 ans a «tout de suite adoré l’histoire» de Neneh. «Ça m’a fait penser à mon histoire à moi. On a subi toutes les deux des choses», confie-t-elle. L’adolescente, qui veut devenir avocate, espère que le film agira comme un déclic et que la situation pour les danseurs noirs «puisse changer, car on en a besoin».

Neneh superstar, de Ramzi Ben Sliman. Sortie mercredi 25 janvier.

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