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Catherine Kontz de l’autre côté des rainy days


La nouvelle directrice artistique des rainy days espère que sa programmation réussira à «piquer la curiosité» du public.

La compositrice Catherine Kontz est, pour deux ans, directrice artistique du festival d’automne de la Philharmonie. Cette briseuse de murs veut perpétuer l’héritage de ses prédécesseurs, mais aussi concocter un festival qui lui ressemble.

C’est une longue histoire qui unit Catherine Kontz et le festival rainy days, dont la nouvelle édition a été lancée hier, à la Philharmonie. Cette année, elle l’a abordé dans une forme de consécration, en assurant pour deux années la direction artistique de l’évènement, après dix ans d’une collaboration fructueuse. «Aux rainy days, j’ai toujours été de l’autre côté, dans la lumière, rit-elle. Maintenant, je découvre un autre aspect du festival!» Et si Catherine Kontz assure qu’elle a à cœur de «faire honneur» à l’engagement de sa prédécesseure, Lydia Rilling, et de «poursuivre sa mission», elle prévient d’emblée : «Prendre cette responsabilité, c’est surtout un plaisir pour moi, car je reste avant tout une compositrice. Les rainy days, c’est un « petit » truc en plus !»

La longue liste des collaborations, de près ou de loin, entre les rainy days et Catherine Kontz pourrait se réduire à un seul projet d’envergure, la pièce Driwwer Drënner Drop, conçue pour l’édition 2021, une promenade musicale le long de l’Alzette qui employait 140 musiciens. Une entreprise qui lui a apporté beaucoup de stress, lié en particulier à la météo, «qui avait annoncé une tempête le jour du concert. Par chance, on est passé entre les gouttes, et la tempête est arrivée 20 minutes après la fin de notre représentation!»

La nouvelle directrice du festival a choisi de rester en «backstage» cette année, mais a tout de même tenu à concocter une autre balade, «bien au chaud à l’intérieur de la Philharmonie», cette fois, avec un jeu musical lié autour de la mémoire, thème de cette édition : «J’ai eu accès auprès du CNA à tous les enregistrements du Grand orchestre symphonique de RTL (NDLR : ancien nom de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg, entre 1933, date de sa création, et 1996) et ai puisé dans les archives afin de mettre en place un parcours dédié aux compositeurs luxembourgeois.»

Stimuler la mémoire… et le public

En tant que compositrice, Catherine Kontz a souvent abordé la question de la mémoire du point de vue historique, avec des pièces ancrées localement, à l’instar de Rêves de la Moselle (2015) ou, plus récemment, Voix des Terres Rouges, créée dans le cadre d’Esch 2022. Si la dimension historique de la notion de mémoire est aussi mise en avant, avec des pièces comme Work Songs ou Hand to Earth, ce rainy days était l’occasion de «jouer sur les différents sens du terme». Ainsi, Triadic Memories, une pièce sur «la désorientation de la mémoire à court terme», dédiée par le compositeur Morton Feldman à la pianiste Aki Takahashi, est jouée par celle-ci, plus de 40 ans après sa première.

Je garde un peu plus de ma musique pour l’année prochaine. Ça tombe bien, j’ai une pièce de douze heures dans mon répertoire!

La compositrice de 47 ans vit et travaille de l’autre côté de la Manche, où elle enseigne la composition au Royal College of London, mais voit la musique comme «un moyen de réunir les gens, artistes et public, et de penser ensemble». Des ponts entre le Luxembourg et l’ailleurs, elle en a toujours fait : cette année, elle amène à la Philharmonie (via la Fondation EME et l’Association Luxembourg Alzheimer) le projet «Turtle Song», initié à Londres en 2008, «qui propose à des personnes atteintes de démence de créer de la musique à l’aide d’un compositeur». C’est elle aussi qui a «branché» l’Ensemble Lucilin avec le trompettiste américain Jalalu-Kalvert Nelson – ensemble, ils présentent la pièce engagée Jim Is Still Crowing. Et Catherine Kontz se souvient aussi avoir été éblouie, dans la capitale anglaise, par le show Let X = X, de la musicienne expérimentale américaine Laurie Anderson, qui viendra clore dimanche le festival.

Dans l’offre fournie du rainy days, on s’étonne de ne pas voir une création de la nouvelle directrice. «La première chose que j’ai demandé, c’était si j’avais le droit de me programmer moi-même… et on m’a répondu oui! Mais pour cette première, je ne souhaitais pas me mettre en avant.» Catherine Kontz, extrêmement occupée par les projets qu’elle a accompagnés et supervisés, a néanmoins trouvé le moyen d’apparaître parmi les artistes de cette édition «avec une toute petite pièce» composée en 2016, Sardines, présentée dans le cadre du concert participatif «How Good Is Your Memory ?», destiné au jeune public. «Je garde un peu plus de ma musique pour l’année prochaine. Ça tombe bien, j’ai une pièce de douze heures dans mon répertoire!», plaisante-t-elle.

«Pain surprise»

Le rainy days version Catherine Kontz, briseuse de murs très active dans le mélange des arts et des moyens d’expression (elle met sur le même pied d’égalité son travail de compositrice de musique contemporaine et ses nombreuses autres aventures musicales, au théâtre, à l’opéra ou auprès de groupes pop) reflète aussi la diversité des musiques contemporaines et des messages transmis par les artistes, qu’elle lie autour du même thème. «J’ai pris un plaisir immense à former ce programme, qui était pour moi comme un jeu de piste, ou comme une seule et grande pièce… dont je n’ai pas composé la musique», analyse-t-elle dans un grand éclat de rire.

«La grande difficulté, avoue-t-elle, c’est de parler à tout le monde. Je me suis mise à la place du public au moment de faire la programmation, et j’espère à la fois réussir à rendre sa participation active et à piquer sa curiosité.» Car après tout, conclut-elle, «la musique, c’est comme la cuisine : on se dirige plus facilement vers les plats que l’on connaît déjà et que l’on aime inconditionnellement, mais on ne peut être surpris que si on va goûter d’autres choses. Oui, il y a un côté « pain surprise » à ce festival. On ne sait jamais trop ce que l’on aura à l’avance, mais avec un peu de chance, on tombera sur un truc que l’on n’oubliera jamais!»

Les coups de cœur
de la directrice artistique

Lorsqu’on lui demande de choisir ses coups de cœur, Catherine Kontz s’efforce de ne pas partir dans tous les sens. «Bien sûr, il y a le spectacle de Laurie Anderson, que l’on imagine très bien à la Rockhal, mais qui a tout autant sa place à la Philharmonie. S’il y a un vrai « show » à ne pas louper, c’est celui-là !» Après réflexion, la nouvelle directrice artistique des rainy days s’arrête sur trois concerts qui sont, selon elle, des «curiosités», souvent «riches en émotions», et en mettant l’accent sur les talents du cru.

Hand to Earth – Daniel Wilfred et Sunny Kim

«Ces musiciens australiens présentent un cycle de chansons qui nous font découvrir une tradition orale vieille de 40 000 ans. Pour un concert de musique contemporaine, c’est vrai qu’on est allé chercher le truc le plus ancien jamais entendu (elle rit) ! Il faut entendre la beauté de ces chants, et voir ce que la chanteuse, Sunny Kim, d’origine coréenne, réussit à produire avec sa bouche. C’est spectaculaire!»

To Hold a Memory – ARS Nova Lux et Carla Lucarelli

«J’ai demandé à cinq jeunes compositeurs luxembourgeois – ou résidents – de composer une pièce d’après une photo de leur enfance. Leurs partitions seront interprétées par l’ensemble ARS Nova Lux, entrecoupées d’une lecture par Carla Lucarelli d’extraits de son très beau livre autobiographique, Enfance, instantanés.» Les compositeurs sélectionnés sont Sophie Balbeur, Nik Bohnenberger, Camille Kerger, Albena Petrovic et Roby Steinmetzer.

A Mother’s Voice – Musici Ireland

«Un concert pluridisciplinaire magnifique et engagé par cet ensemble irlandais, qui raconte le traumatisme des foyers mère-enfant, soit des centres tenus par des religieuses où les femmes célibataires, tombées enceintes hors mariage, devaient abandonner leurs bébés. Les derniers foyers ont fermé dans les années 1980, c’est un chapitre de l’histoire récente encore très vif pour les Irlandais, qui ont une importante communauté au Luxembourg.»

www.rainydays.lu

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