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Carnet noir pour Pierre Soulages


Le peintre français était connu pour ses tableaux aux nuances infinies de noir. (Photo : AFP)

Décédé mercredi à l’âge de 102 ans, le peintre Pierre Soulages n’a cessé d’explorer les mystères du noir et de peindre.

Le peintre français Pierre Soulages, connu pour ses tableaux aux nuances infinies de noir, est décédé à l’âge de 102 ans, a-t-on appris mercredi auprès d’Alfred Pacquement, ami de longue date du peintre et président du musée qui porte son nom à Rodez, dans le sud de la France. « C’est une triste nouvelle, je viens de raccrocher avec sa veuve, Colette Soulages », a déclaré Alfred Pacquement.

« J’aime l’autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité (…) Le noir a des possibilités insoupçonnées », expliquait en décembre 2019 l’artiste, un des rares à avoir eu les honneurs du Louvre de son vivant. « C’est une couleur très active. On met du noir à côté d’une couleur sombre et elle s’éclaire », confiait-il lors d’un entretien.

Grand, toujours vêtu de noir, Soulages n’a jamais coupé le lien avec son terroir natal, l’Aveyron, tout en peignant ailleurs. C’était un homme de fidélités, à lui-même, aux paysages de son enfance, aux grands plateaux, à sa quête artistique de lumière.

Pendant plus de 75 ans, il a tracé inlassablement son sillon, s’attirant la reconnaissance des institutions culturelles et du marché de l’art qui en a fait un des artistes français en activité les plus cotés.

Une de ses toiles de 1961, correspondant à sa période rouge, a été vendue à 20,2 millions de dollars à New York en novembre 2021, dépassant de loin un précédent record.

Un musée dédié à son œuvre à Rodez

En mai 2014 – il a alors 94 ans -, il a le rare privilège d’assister à l’inauguration à Rodez, sa ville natale, d’un musée entièrement dédié à son œuvre.

Soulages est né le 24 décembre 1919 dans une maison modeste du début du XIXe siècle. Son père, artisan carrossier, meurt alors qu’il n’a que cinq ans. Il est élevé par sa mère qui tient un magasin d’articles de pêche et de chasse.

Très tôt, Soulages dédaigne « les jolies couleurs d’aquarelle » et peint à l’encre des arbres en hiver, des branches dénudées, des effets de neige.

Lors d’une visite scolaire à l’abbatiale Sainte-Foy de Conques, toute proche, l’adolescent a une révélation devant la beauté de cette église romane : il sera peintre.

Remarqué dès l’après-guerre

Pierre Soulages est admis aux Beaux-Arts à Paris à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Mais il sèche les cours, préférant se former à Montpellier.

Il y rencontre en 1941 Colette Llaurens qu’il épouse un an plus tard, muni de faux papiers pour échapper au Service du travail obligatoire (STO), qui obligeait de jeunes Français à travailler pour l’Allemagne. Pierre et Colette sont inséparables.

Dès 1947, le jeune peintre s’installe à Paris où il est remarqué par Francis Picabia qui l’encourage, ainsi que Fernand Léger. La peinture abstraite a alors la cote. Mais elle est rouge, jaune, bleue. Soulages, lui, choisit de travailler avec de l’humble brou de noix, utilisé pour teinter le bois, et des brosses de peintre en bâtiment.

Dans les années 1950, ses toiles entrent dans les plus prestigieux musées du monde comme le Guggenheim de New York ou la Tate Gallery de Londres. Il rencontre les principaux représentants de l’École de New York, dont Mark Rothko qui devient son ami.

Cent vitraux à Conques

Les grandes toiles des années 1950 à 1970 témoignent du travail du peintre sur le clair-obscur. Le noir s’affirme dans un rapport à d’autres couleurs comme le rouge ou le bleu, notamment grâce à la technique du raclage.

En 1959, Soulages se fait construire une maison-atelier sur les hauteurs de Sète, face à la Méditerranée, où il vivait toujours ces dernières années. Il avait également deux ateliers à Paris.

L’artiste, qui préfère travailler à plat, bascule dans « l’outrenoir » en 1979 : alors qu’il peine sur une œuvre entièrement recouverte d’un noir épais, Soulages réalise qu’il vient de franchir un cap en la striant.

« J’étais au-delà du noir, dans un autre champ mental », a-t-il raconté. « Le pot avec lequel je peins est noir. Mais c’est la lumière, diffusée par reflets, qui importe ».

En 1986, l’État lui passe commande de plus de 100 vitraux pour l’abbatiale de Conques. Ils sont inaugurés en 1994.

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