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Cannabis : de la culture à domicile à la vente par l’État


Pour la ministre de la Justice, Sam Tanson, cette «décorrectionnalisation» du cannabis n’est qu’une première étape avant la légalisation et la mise en place d’une chaîne de production et de vente.  (photo Julien Garroy)

La ministre de la Justice, Sam Tanson, a présenté les premières mesures devant amener à la légalisation du cannabis. Si, pour le moment, seule la culture à domicile va être autorisée, le Luxembourg souhaite aller plus loin.

Annoncée en grande pompe en 2018, la légalisation du cannabis pourrait bien finir par arriver au Grand-Duché, mais pas sans prendre quelques chemins de traverse. Mise entre parenthèses ces dernières années, la question est revenue récemment dans le débat. La ministre de la Justice, Sam Tanson, a donc précisé hier les modalités de cette première étape ouvrant la porte à la consommation de cannabis récréatif.

La future modification de la loi de 1973 sur la vente de substances médicamenteuses apporte deux grandes nouveautés. Il sera tout d’abord possible de cultiver chez soi son propre cannabis. Toute personne majeure pourra ainsi avoir jusqu’à quatre plants par foyer et à condition de n’utiliser que des semences. Pour vivre heureux, fumons cachés, ces plantations ne devront pas non plus être visibles depuis l’espace public et la consommation sera réservée à la sphère personnelle. Impossible donc de rouler son joint dans la rue. En cas de non-respect de ces restrictions, des sanctions pénales seront appliquées. «La police ne va pas débarquer chez vous pour vérifier, rassure Sam Tanson. Comme c’est le cas aujourd’hui, des contrôles pourront avoir lieu sur la base d’éléments probants.»

L’autre volet prévoit de «décorrectionnaliser» la possession de cannabis. Arrêté par la police avec 3 grammes en sa possession, un individu ne risquera plus qu’un avertissement assorti d’une amende de 145 euros. La drogue sera également saisie et détruite. Au-delà de cette limite, une procédure pénale sera engagée avec procès-verbal et comparution devant un juge d’instruction.

Lutter contre les trafiquants

Il est pour le moment difficile pour la ministre de la Justice d’annoncer une date d’entrée en application de la loi. «Il y a encore plusieurs étapes, comme l’avis du Conseil d’État.» Mais cela n’empêche pas le ministère de travailler sur la suite du projet. «Ce n’est qu’un premier volet qui permettra de s’engager dans une seconde étape.» La ministre souhaite dépénaliser, voire légaliser sous des conditions qu’il reste à définir, la production sur le territoire national. «Nous souhaitons instaurer sous le contrôle de l’État une chaîne de production avec la mise en place de points de vente.» Selon le rapport Relis (Réseau luxembourgeois d’information sur les stupéfiants et les toxicomanies) paru récemment, le cannabis reste la drogue la plus consommée au Grand-Duché. Tout comme l’autoculture, ce système permettrait alors de garantir la qualité du produit et de lutter contre les réseaux de trafiquants. En proposant un meilleur encadrement que l’offre illégale, il réduirait également les dangers psychiques et physiques liés à la consommation.

Promise initialement avant la fin de la législature actuelle, en octobre 2023, la mise en place de la loi risque de prendre un peu plus de temps. «Nous continuons nos travaux en intégrant de nouvelles données et espérons les présenter rapidement. Mais il faut être réaliste, la loi pourrait être prête pour 2023, mais le système ne sera pas en place.» Un retard que Sam Tanson explique par la pandémie de Covid-19. Rien à voir donc avec la volonté de ménager certains pays voisins, comme la France, peu favorables à voir apparaître un tel marché à leurs frontières. «Mais nous avons compris qu’il fallait davantage prendre en compte leur sensibilité», admet la ministre. Les textes internationaux, comme la Convention unique de l’ONU sur le contrôle des stupéfiants qui interdit le cannabis récréatif, ne l’inquiètent pas non plus. Pour elle, cette loi reste la meilleure solution pour réguler la consommation de cannabis. 

Un statut à part depuis 2001

Cette nouvelle étape résulte d’un long processus débuté en 2001. Cette année-là, une différenciation est introduite pour la première fois dans les peines selon la substance. Le cannabis obtient alors un statut juridique à part. Dans le cas d’un usage personnel, la consommation simple et la détention n’entraînaient plus de peine d’emprisonnement. En revanche, la vente, l’importation, la culture ainsi qu’une consommation associée à des circonstances aggravantes restaient passibles de sanctions pénales.

En 2018, c’est le cannabis médicinal qui a fait l’objet d’une autorisation. Sa consommation reste tout de même exceptionnelle et limitée à certains cas : la sclérose en plaques, le cancer ou certaines maladies graves à un stade avancé.

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