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Braquage de stations-services : «Un et un font deux»


Les témoignages des derniers témoins de la défense ont été qualifiés de coups d’épée dans l’eau par le tribunal. (photo archives LQ/Julien Garroy)

Les prévenus ne sont pas à une contradiction près pour éviter de tomber pour organisation de malfaiteurs. Un chef d’inculpation qui rallongerait les peines s’ils sont reconnus coupables.

Noyer le poisson est tout un art glissant que certains maîtrisent mieux que d’autres. À la barre de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg jeudi, les prévenus et les témoins cités par l’avocate de l’un d’eux étaient gênés aux entournures et ont tenté de se dérober alors qu’ils étaient mis face à leurs contradictions par le président. À moins qu’ils n’aient sincèrement cru semer la confusion dans l’esprit des juges qui connaissent pourtant le dossier sur le bout des doigts.

Six stations-services et une supérette ont été braquées entre le 30 novembre 2020 et le 13 février 2021 par ce qui semble être une bande composée d’au moins quatre jeunes assis depuis mardi sur le banc des prévenus. Trois garçons d’origine capverdienne, incarcérés, et une fille qui, à trois reprises au moins, aurait servi de chauffeur aux auteurs. Deux braquages – ceux de Pétange – ont été commis par une seule personne et le dernier à Mersch par Mark et Éric qui sont arrêtés par la police immédiatement après. Trois jeunes hommes étaient présents pour les autres braquages. Un grand menaçait avec un pistolet factice, un petit vidait les caisses et un troisième faisait le guet.

Mark assume la commission de cinq faits. Ceux qu’il ne peut pas nier étant donné que les vêtements que portait un des auteurs des braquages ont été retrouvés à son domicile lors de perquisitions. Son ancienne petite amie, Anjaly, dit avoir «agi par amour» et ne pas avoir su pourquoi les trois jeunes revenaient en courant, masqués et gantés, vers sa voiture après les braquages. Ni même à quoi pouvait bien servir l’arme à feu factice retrouvée dans sa voiture. Éric affirme avoir participé «par hasard» au braquage de la station-service de Mersch. Le seul qui puisse lui être imputé avec certitude vu qu’il a été arrêté par la police en flagrant délit. Cassi prétend mordicus ne pas avoir participé aux braquages et n’en avoir rien su.

Un ami de ce dernier cité jeudi par la défense indique que «comme on était toujours ensemble», le prévenu devait forcément se trouver avec lui les soirs du 30 novembre et du 21 décembre 2020 ainsi que du 23 janvier 2021. L’épouse du prévenu prétend la même chose. Le 21 décembre, ils fêtaient l’anniversaire de sa maman. Elle s’en souvient très bien. «Vers quelle heure est-on venu chercher votre mari ce soir-là?», demande le président. «Il a été filmé à 21 h 30 avec les trois autres devant le garage d’un voisin de la station-service juste avant qu’elle ne soit braquée.» «Je ne sais pas où il est allé», répond la jeune femme après avoir longuement et maladroitement tâché de le disculper. «Je ne peux pas vous en dire plus.»

«J’étais à Pétange, mais pas à la station»

Mark a également parlé pour ne pas dire grand-chose. Il explique avoir été organisateur de soirées avant que la pandémie ne mette son activité sur pause et n’entraîne des problèmes d’argent. «Mon permis de séjour avait expiré et j’attendais la nationalité luxembourgeoise. Je ne pouvais pas travailler», précise-t-il. «Des connaissances du monde de la nuit m’ont proposé des braquages. Ce ne sont pas des gens bien. Je ne peux pas vous dire leurs noms.» «Tout cela pour nous dire que les deux autres ne sont pas vos complices», en conclut le président. «Pourquoi avoir changé de partenaire pour commettre le dernier fait?»

Le prévenu prend tout sur lui. Mais le président ne lâche rien. «Anjaly a avoué que vous étiez allés chercher Cassi avant le braquage de la station-service de Rumelange. Éric était probablement le troisième braqueur, le grand. Votre histoire des deux inconnus du monde de la nuit ne tient pas la route. Protéger vos coprévenus ne joue pas en votre faveur», insiste le juge. «Après le braquage, vous reconduisez Cassi chez lui et vous êtes en aveux sur cinq braquages (NDLR : dont celui de Rumelange). Un et un font deux. Un et un ne font pas trois.» Et de poursuivre sur un ton ferme : «Éric a commis les deux braquages de Pétange et vous avez admis être sur place.» «J’étais à Pétange, mais pas à la station-service», répond Mark qui, mis face à ses contradictions, rend les armes et se dirige vers le banc des prévenus. «J’ai fini, Monsieur.»

Les prévenus risquent des peines allant de 15 à 25 ans de prison si le tribunal décide de conclure à l’organisation de malfaiteurs. Au total, ils ont volé 5 700 euros, quelques cartouches de cigarettes et quelques bouteilles d’alcool.

Un témoin de la défense devrait être entendu ce matin. Les débats reprendront ensuite mardi avec le réquisitoire du parquet et les premières plaidoiries des quatre avocats des prévenus.

 

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