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Barbie : la revanche d’une blonde


Une sociologue analyse l'impacte de l'univers d Barbie sur la société. (Photo Mattel films)

Adaptée de la célèbre poupée de Mattel, le film Barbie aurait pu être une énième production ultra-lissée. Heureusement, avec son ton bourré d’humour et de références, il n’en est rien.

Inventif ou simple complice des marques, le cinéma fait parfois ses emplettes au rayon «jouets». Pour mémoire, on a déjà eu droit à une saga sur les Lego, une autre sur les robots Transformers, des soldats en pagaille (Small Soldiers, G.I. Joe) et d’autres tentatives isolées, comme celle loupée de Playmobil. Sans oublier, au-dessus de la mêlée, les quatre Toy Story et leur spin-off. Derrière ces films, une envie commune, remontant sûrement à l’âge tendre : donner vie à ces objets en plastique et, comme Pinocchio, leur faire découvrir la réalité qui se cache au-delà des chambres d’enfants, souvent sévère et complexe car sans magie ni fantaisie.

Avec la réalisatrice Greta Gerwig (l’excellent Lady Bird en 2017), c’est au tour de la plus célèbre des poupées de s’animer et de partir à l’aventure : Barbie. Avant sa naissance en 1959, comme le rappelle le film dans un emprunt à 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, les petites filles, avec leurs poupons en porcelaine, n’avaient pas d’autre choix que de jouer à la maman. Mais voilà qu’arrive une jolie blonde aux jambes démesurées, au sourire «ultra brite» et à la taille mannequin. S’en suit un raz-de-marée et, en 1997, Mattel vendra sa milliardième figurine, aux multiples emplois (hôtesse de l’air, chirurgienne, astronaute…). Un pic avant la chute, et alors que l’émancipation féminine agite la société, Barbie questionne : est-elle un symbole d’indépendance (comme le défend son fabricant) ou un diktat de beauté et de minceur pour les femmes ?

Hi, Barbie!

Un débat au cœur de ce film post #Metoo, qui réinvente la guerre des sexes à travers une palette aux couleurs kitsch et une œuvre pop plus complexe qu’il n’y paraît. On retrouve la poupée (incarnée par Margot Robbie) qui vit dans l’univers rose bonbon de Barbie Land, petite bulle de perfection dominée par un arc-en-ciel et une bonne humeur permanente. Un monde idyllique taillé sur mesure pour les femmes qui, la journée, occupent toutes les places d’importance (de la présidence aux tribunaux) et, la nuit, font la fête entre elles. À l’instar de Ken (Ryan Gosling), leurs pendants masculins ne sont que des fairevaloir qui aiment jouer aux coqs et courir futilement sur la plage.

Jusqu’au grain de sable dans la machine : Barbie commence à penser à la mort (et à la cellulite), et voilà qu’une crise existentielle pointe le bout de son nez. Pour y remédier, une seule solution : troquer ses chaussures à talons contre des sandales Birkenstock, quitter les copines et plonger dans le réel, le Vrai Monde, à la recherche de sa propriétaire, raison du dysfonctionnement. Accompagnée de son zélé amoureux, en Californie, elle va découvrir l’envers du décor : une société dominée par le patriarcat.

Dans les yeux des hommes, elle devient un objet de convoitise, et dans ceux des adolescentes, le symbole du capitalisme, de la soumission et des stéréotypes. En somme, une fasciste! Ken, lui, est ravi de découvrir un univers qui sent l’eau de Cologne, et où, avec virilité, l’on monte à cheval, porte la cravate, écoute du hard-rock FM et regarde Rocky. De là à menacer Barbie Land ?

Un divertissement déjanté et bien ficelé

Barbie aurait pu être une énième production ultra-lissée, destinée à sa seule classe d’âge. Il n’en est rien : avec malice, Greta Gerwig fait un pas de côté, la rend plus adulte et vise large avec un casting convoitant plusieurs générations de spectateurs. La doyenne Helen Mirren (la narratrice) et Will Ferrell (CEO chez Mattel) côtoient ici de jeunes pousses comme Emma McKay ou encore la chanteuse Dua Lipa, sans oublier son impayable duo, toujours prompt à dérailler. Une joyeuse troupe qui se mêle dans un divertissement déjanté et bien ficelé, qui sait également garder la mesure quand il injecte des chorégraphies et de la musique (dont l’évident tube Barbie Girl de 1997, repris par Nicki Minaj et Ice Spice).

Évidemment, le choc visuel est garanti et les paillettes ne masquent jamais l’effort de la production pour reproduire, en détail et grandeur nature, l’univers de la poupée, des décors aux costumes. Et le ton, bourré d’humour et de références, se tourne même vers Tex Avery, de la course-poursuite grand-guignolesque à cette voiture qui se renverse et retombe sur ses quatre roues dans un nuage de fumée cartoonesque. Du second degré à la pelle qui n’empêche en rien Barbie, entre deux crises de larmes, de mener sa quête identitaire et d’estime de soi, que l’on pourra ramener à Descartes et son fameux «je pense donc je suis».

Moins ringarde, elle continuera malgré tout, à l’avenir, d’alimenter les discussions entre son nouveau statut d’égérie du «girl power» et l’ancien qui la voit toujours comme une alliée du sexisme. Mattel y travaille et, pour ce projet, a développé plus d’une centaine de licences à travers le monde (notamment dans la mode et les produits de beauté). Oui, c’est aussi ça le cinéma !

Barbie de Greta Gerwig. Avec Margot Robbie, Ryan Gosling, America Ferrera… Durée 1 h 55. Genre comédie

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