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Attaque au spray au poivre : le prévenu conteste être une personne


«J’espère que vous ne nous prenez pas pour des idiots? Le seul livre qui compte ici s’appelle le code pénal», répond la juge. (Photo : archives lq)

Le raisonnement de Rémy est tiré par les cheveux. Il affirme ne pas pouvoir être jugé parce qu’il n’est pas une personne. Le parquet a requis une expertise psychiatrique du jeune homme.

Un drôle de loustic a comparu jeudi matin face à la 18e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Son comportement à la barre était tellement étrange que le parquet a demandé qu’il soit soumis à une expertise psychiatrique pour s’assurer qu’il soit en capacité d’être jugé pénalement.

Rémy, 27 ans, est accusé de coups et blessures volontaires envers trois personnes ainsi que de menaces par gestes envers une d’entre elles, mais il remet en cause la compétence du tribunal à le juger et s’agace quand la juge lui demande de s’exprimer dans une des trois langues nationales alors qu’il avait préparé sa défense en anglais. «Je peux m’exprimer en français, en luxembourgeois, en allemand et en anglais. Yes!», confirme-t-il.

Blouson aux motifs de flamants roses et casque audio autour du cou, il s’avance avec une pile de livres et interroge la juge sur des points de droit commercial avant de produire un ouvrage de génétique «écrit par un grand spécialiste des nucléoles et des eucaryotes».

«J’espère que vous ne nous prenez pas pour des idiots ? Le seul livre qui compte ici s’appelle le code pénal», répond la juge avant de lui demander une nouvelle fois s’il a compris ce qui lui est reproché. «Je n’ai pas à être ici. Pourquoi ? Why ?», interroge Rémy qui continue de mélanger le luxembourgeois et l’anglais. «Avez-vous compris oui ou non?», s’impatiente la magistrate. «Naturellement, sinon je ne serais pas ici.»

Attaqués avec du spray au poivre

L’ambiance est lunaire dans la salle d’audience. Rémy est accusé d’avoir attaqué trois personnes avec du spray au poivre à Pétange. Le 11 janvier 2021, «un homme noir qui avait un couteau à la main, est arrivé vers nous en chantant. Il m’a aspergé de spray», raconte Gino, 88 ans. «Mais ce n’était pas le jeune homme assis ici.» La représentante du ministère public lui tend des photographies de Rémy prises après les faits, mais le vieil homme ne reconnaît toujours pas son agresseur, contrairement à Serge et Vanessa, ses autres victimes présumées.

«Nous étions devant chez nous en train de fixer la remorque à notre voiture quand il est arrivé vers nous en chantant. Il nous a aspergés avec un liquide et a continué sa route en nous lançant ce qui ressemblait à des insultes dans différentes langues», se souvient Vanessa. Ses yeux et ceux de son compagnon ont commencé à brûler un peu. «Il est revenu une dizaine de minutes plus tard et nous a aspergés directement le visage cette fois. Nous n’y voyions plus rien. Cela nous brûlait les yeux et la gorge.» Serge confirme le récit de sa compagne. «C’est bien lui ! Je reconnais son attitude.»

Rémy écoute les différents témoignages assis sur le banc des prévenus en toute décontraction, comme s’il était à la terrasse d’un café. Il enroule ses dreadlocks autour de ses doigts, écarte les bras sur le dossier ou fixe le plafond d’un air détaché. Invité par la juge à poser des questions aux témoins comme il assure lui-même sa défense, il l’accuse d’«essayer de s’imposer» et recommence à mettre en doute la compétence du tribunal.

«Ni coupable ni non coupable»

Rémy agace. Il refuse de répondre aux accusations, en revient sans cesse à son livre de génétique, demande à la juge si elle connaît les «civil rights». «Ils sont destinés aux humains qui sont des animaux parce qu’ils ont des poils», affirme-t-il en brandissant l’ouvrage de génétique. «Je n’ai pas de poils, donc je ne suis pas un civil, donc je n’ai pas à être ici.» CQFD ou l’art du sophisme poussé à l’extrême. «Vous contestez être une personne ?», lui demande la juge de plus en plus éberluée. «Je ne suis pas un civil. J’en connais la définition», assure Rémy le plus sérieusement du monde.

Il est interrompu par la représentante du ministère public qui exprime tout haut ce que certains pensaient tout bas : «Le prévenu est-il apte à être jugé?» «Je me demande si Monsieur n’a pas des problèmes psychiatriques et s’il ne faudrait pas demander une expertise.»

«Je ne comprends pas ce qui cloche avec mon comportement. Pouvez-vous être plus spécifique?», s’étonne le prévenu. «Vous affirmez ne pas être une personne. Nous nous demandons donc si vous êtes sérieux ou pas», lui explique la juge.

Les capacités de discernement du jeune homme sont sérieusement mises en doute. Cependant, la représentante du ministère public a rappelé à la juge qu’il avait expliqué aux policiers à l’époque des faits avoir acheté le spray au poivre et avoir voulu le tester.

En attendant les résultats de l’expertise psychiatrique, elle a retenu trois faits de coups et blessures volontaires à son encontre et requis douze mois de prison. À cette annonce, Rémy a sauté sur place et commenté : «Ça me paraît bien !», avant de conclure d’un énigmatique : «Je ne suis ni coupable ni non coupable.»

Le prononcé est fixé au 20 décembre.

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