Accueil | A la Une | Accident de Lausdorn : le procureur «ne demande pas de peine»

Accident de Lausdorn : le procureur «ne demande pas de peine»


Quelques heures après l’accident, les premières constations sont réalisées et on cherche à comprendre ce qui s’est passé. Quatre ans plus tard, on a encore du mal à comprendre. (Photo : archives LQ/Fabrizio Pizzolante)

La peine endurée par Steve R. est incommensurable. Le procureur n’a pas souhaité en rajouter et a requis la suspension du prononcé, même s’il estime le policier responsable.

Le policier décédé est le principal responsable de l’accident qui lui a coûté la vie dans la nuit du 13 au 14 avril 2018 à Lausdorn près de Weiswampach, a conclu le procureur vendredi matin au tribunal d’arrondissement de Diekirch. Le magistrat estime toutefois que l’erreur de la victime n’exclut pas la responsabilité de Steve R. qui a pris «des risques inconsidérés» : «Je ne demande pas de peine, mais une suspension du prononcé.»

Si le fait reproché n’entraîne pas une peine d’emprisonnement supérieure à deux ans, le tribunal peut décider de suspendre le prononcé pour une durée de un à cinq ans. Si pendant ce délai, le prévenu commet une infraction, la mesure est révoquée.

Les audiences précédentes

La justice tente de comprendre
«Je n’ai rien pu faire»

Un policier est mort et sa coéquipière a été gravement blessée dans une collision entre deux véhicules de police. Une voiture de patrouille et un fourgon conduit par Steve R. recherchaient un automobiliste qui s’était soustrait à un contrôle quand le fourgon a percuté la voiture.

«Risques inconsidérés»

La collision était peut-être inévitable et la manœuvre inattendue, mais «une erreur même légère suffit» pour être condamné. Cette erreur, c’est la vitesse élevée à laquelle le fourgon de police circulait. 137 km/h au moment de l’impact.

Les regrets immenses, la culpabilité et la douleur que Steve R. portera à vie sont des peines apparemment suffisantes pour le procureur, qui a mis en avant les excellents états de service du policier.

Steve S. porte, lui aussi, une part de responsabilité. Il a, par «les risques inconsidérés» qu’il a pris, déclenché une réaction en chaîne qui a mené à l’accident. Ainsi, selon le procureur, «il porte lui aussi une terrible responsabilité morale et doit être sanctionné».

Il a circulé en état d’ivresse – moins que ce que l’on pensait au départ –, refusé d’obtempérer à une injonction de la police et dépassé la vitesse réglementaire par deux fois en tentant d’échapper aux forces de l’ordre, mais il n’est pas responsable de l’accident mortel qui a découlé de cette série d’infractions. En mars dernier, la chambre du conseil avait prononcé un non-lieu des chefs d’inculpation d’homicide involontaire et de coups et blessures involontaires.

Une manœuvre imprévisible selon l’avocate 

Décision que n’a pas remise en question le procureur qui, après avoir demandé la requalification de la conduite en état d’ivresse en conduite sous l’influence de l’alcool, a requis deux amendes de 500 euros et deux fois douze mois d’interdiction de conduire à son encontre. «S’il s’était comporté comme un citoyen normal et s’il avait assumé ses responsabilités, nous ne serions pas ici aujourd’hui», a indiqué le procureur après avoir résumé les débats des deux derniers jours.

Après avoir demandé ce «que nous dirait le policier décédé s’il était là», Me Trixi Lanners, l’avocate de Steve R., a plaidé en faveur de l’acquittement de ce dernier. Elle insiste sur le fait «qu’à l’impossible, nul n’est tenu» surtout quand on ne dispose que de 1,8 seconde pour réagir à une manœuvre imprévisible.

Pour l’avocate, «la cause déterminante du décès du policier n’est pas la vitesse, mais la manœuvre» : «Peu importe la vitesse à laquelle Steve R. arrivait, sans manœuvre pour faire demi-tour, le fourgon passait sans encombre» à côté des deux voitures garées au bord de la N7 à Lausdorn. Pour appuyer ses dires, elle cite des jurisprudences. «L’imprévisibilité devrait être une cause d’exonération pénale.»

«Un cas de force majeure»

«Steve R. n’a pas commis la faute la plus légère», insiste-t-elle. «Et si vous estimez le contraire, le cas de force majeure justifie la vitesse.» Me Lanners renvoie au code de la route qui accorde certaines libertés aux forces de l’ordre et ajoute qu’à part une ancienne brochure, les policiers ne disposent pas de réelles recommandations sur la manière de procéder à une course poursuite. Or «une faute la plus légère ne s’apprécie pas sur la base d’une brochure». Et qu’est-ce que la faute la plus légère quand la fin justifie les moyens?

Me Michel Baulisch, l’avocat de Steve S., a, quant à lui, soulevé l’incompétence de la chambre criminelle à juger des infractions qui relèvent du tribunal de police, ainsi que la prescription des infractions. La chambre criminelle n’a plus à se prononcer en matière de délits, mais devra juger de contraventions uniquement.

Il rappelle que son client n’a pas, au moment de prendre la fuite face au contrôle de police, envisagé les terribles conséquences que son geste aurait. «Paralysé», il a été «incapable de gérer la situation» après avoir appris le «tragique accident» dans les médias le lendemain. Incapable d’en parler avec son épouse, il a été soulagé quand la police est venue l’arrêter.

Le procès se poursuit lundi avec les répliques du parquet et les parties civiles.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.