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Accident à Lausdorn : «Je n’ai rien pu faire»


Le choc entre les deux véhicules de police a été d’une telle violence que le bloc moteur a été éjecté à une centaine de mètres du lieu de la collision. (Photo : archives LQ/Fabrizio Pizzolante)

Steve R. a fait tout ce qu’il a pu pour éviter l’accident, mais n’y est pas parvenu. Est-il pour autant responsable de la mort de son collègue policier lors d’une poursuite ?

Un policier est mort et sa coéquipière a été gravement blessée dans la nuit du 13 au 14 avril 2018 lors d’une collision entre deux véhicules de police à Lausdorn, près de Weiswampach. Une voiture de patrouille et un fourgon recherchaient un automobiliste qui s’était soustrait à un contrôle quand le fourgon a percuté la voiture.

Le procès de Steve R., le policier qui conduisait le fourgon, et de Steve S., l’automobiliste en fuite, s’est ouvert lundi au tribunal d’arrondissement de Diekirch. Il a repris jeudi matin, après deux jours d’interruption. La chambre criminelle doit déterminer à qui incombe la responsabilité de l’accident.

Le policier doit répondre seul d’homicide involontaire, ce chef d’inculpation ayant été abandonné contre l’automobiliste qui comparaît quant à lui pour conduite en état d’ivresse.

«Plein d’explications possibles»

Steve S. a conscience que son refus d’obtempérer a déclenché une suite de réactions qui ont conduit à l’accident, mais, il le dit à la barre : «Je ne suis pas responsable de l’accident.» Il reconnaît avoir roulé trop vite, paniqué, agi sous le coup de l’adrénaline ou d’une pulsion, voire d’avoir trop bu, sans pour autant avoir ressenti les effets de l’alcool et rejette implicitement la faute de l’accident sur les deux policiers au volant des deux véhicules.

L’un d’entre eux n’est plus là pour expliquer pourquoi il a décidé de faire demi-tour sur la route avec sa voiture de patrouille alors que le fourgon approchait, gyrophares allumés. L’autre s’écroule à la barre, incapable de nommer un responsable. «Pour moi, c’est mon collègue…»

«Est-il le seul responsable de vos destins ?», l’interroge le président de la chambre criminelle. «Je ne peux pas répondre… On pourrait dire que si le contrôle n’avait pas eu lieu, si Steve S. n’avait pas fui, si on avait eu une meilleure communication entre nous… Il y a plein d’explications possibles.» Steve R. est formel : «Je n’ai rien pu faire.»

«Qu’est-ce que tu fais ?»

Avec des si, on éviterait les accidents. Les faits sont là. Le fourgon a percuté la voiture de patrouille. «J’avais vu la voiture de patrouille. J’ai freiné. Au loin, on a vu les feux arrière d’une voiture. J’ai voulu aller contrôler s’il s’agissait de la voiture que nous recherchions. J’ai accéléré et puis…», explique le jeune homme en uniforme. «Ce n’était qu’une question de secondes.»

Steve R. dit avoir voulu agir «de manière professionnelle» et suivre «sa nature de policier».

À cet instant, il ne savait pas encore que la conductrice de la voiture arrêtée en désespoir de cause au bord de la route par le policier décédé lui avait assuré ne pas avoir été dépassée par une autre voiture et que, par conséquent, les feux arrière aperçus au loin ne pouvaient être ceux de l’Audi A5 Sportback du fuyard. Un expert a expliqué jeudi que l’accident aurait pu être évité si le fourgon avait circulé à une vitesse inférieure à 85 km/h.

Avant l’impact, «Steve a crié : Qu’est-ce que tu fais ?» à l’adresse du policier décédé, se souvient la policière assise avec lui à l’avant du fourgon. «Moi, j’ai fermé les yeux.» Malgré l’issue fatale de la course poursuite, la décision de poursuivre Steve S. était la bonne, selon elle également. «Nous ne pouvons pas savoir pourquoi une personne évite un contrôle, mais nous partons du principe du pire : un enfant enlevé, un passage de drogue…»

Elle ajoute : «Nous ne sommes pas formés à la course poursuite. C’était ma première.» La jeune femme s’est portée partie civile et réclame l’euro symbolique contre l’automobiliste.

Une question de secondes

La cause de l’accident est humaine, selon un expert. Le tout n’a été qu’une question de secondes. Le fourgon a approché le lieu de l’accident à une vitesse de 158 km/h. «1,6 seconde ou 70 mètres avant l’impact, le fourgon a été manœuvré vers la gauche.

1 seconde ou 38 mètres avant l’impact, le fourgon a freiné», explique l’expert. «Le fourgon avançait, gyrophares allumés, à 137 km/h au moment de l’impact.» Son aile droite a percuté l’aile gauche de la voiture.

Le temps de réaction de Steve R. a été normal. Il n’aurait pu voir la voiture de patrouille que 5 secondes avant le choc étant donné l’absence de clignotant et la position de départ de la voiture qui faisait demi-tour sur la N7. Le prévenu a «tenté toutes les manœuvres d’évitement possibles», note l’expert. «Passer par la gauche dans les conditions de l’accident était la seule option logique.»

Un ancien enquêteur de la police technique confirme : Steve R. n’a pas pu éviter l’accident, mais a tout tenté pour limiter les dégâts. L’ancien enquêteur conclut : «Il a été surpris par la manœuvre de la voiture.»

Le procès se poursuit ce matin avec notamment le réquisitoire du parquet.

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