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Abus de faiblesse envers un veuf : une trentenaire à la barre


«C'est sur son ordre que j'ai retiré l'argent avec sa carte!», s'est défendue la prévenue, vendredi matin, à la barre. (Photo : F. A.)

Poursuivie pour avoir profité de l’état de faiblesse d’un homme, âgé aujourd’hui de 87 ans, une femme de 38 ans comparaît depuis vendredi devant le tribunal correctionnel de Luxembourg. La partie civile lui réclame autour de 265 000 euros de dommages et intérêts.

«Ce qu’on me reproche n’est pas vrai!» Au début de l’audience, vendredi matin, la prévenue de 38 ans a fermement contesté avoir profité de l’octogénaire en état de faiblesse. «C’est sur son ordre que j’ai retiré l’argent avec sa carte!», s’est-elle défendue.

La police était intervenue en septembre 2015. « L’intérieur de la maison était infect. » Le policier n’est pas près d’oublier ce qu’il a découvert. «Je n’ai pas pu rester plus de deux minutes à l’intérieur. Cela ressemblait à un véritable dépôt d’ordures.»

Ce sont les enfants de l’octogénaire qui avaient appelé la police. La prévenue leur empêchait d’accéder à la maison. Lors de l’analyse des extraits de banque qu’on lui avait remis, le policier s’était rendu compte qu’il y avait eu des retraits d’argent presque tous les jours. Voyant qu’ils dépassaient les 50 000 euros au total, il avait informé le procureur d’État. Un juge d’instruction avait alors ordonné une enquête.

Les faits pour lesquels la prévenue, âgée aujourd’hui de 38 ans, est convoquée depuis vendredi devant la 13e chambre correctionnelle remontent aux années 2008 à 2015. En 2003, elle était venue habiter chez la victime. À l’époque, disait-elle, elle n’avait pas de logement. Une relation amoureuse avait vu le jour. Au fil du temps, elle s’était toutefois dégradée. Et elle n’aurait plus vraiment pris soin de lui. Toujours d’après l’enquêteur, l’octogénaire aurait complètement perdu le contrôle sur ses finances. «Je ne quitterai plus cette maison», lui aurait ainsi lancé sa colocataire quand il lui avait réclamé sa carte bancaire. Les enquêteurs ont relevé près de 2 000 opérations bancaires depuis 2008, pour un montant total de 299 000 euros.

« Il se trouvait clairement dans une situation de faiblesse en raison de son âge, son isolement, la détérioration de sa santé et son incapacité à se déplacer seul », conclut le premier expert qui a rencontré la victime, âgée aujourd’hui de 87 ans. «La prévenue a clairement abusé de son état de faiblesse.» Après une chute en 2009, la dépendance de l’octogénaire se serait accrue. Ne pouvant plus bouger, il était cloîtré chez lui. «Il était dans une forme de dépendance, car elle était son seul contact vers l’extérieur», confirme le second psychiatre.

Une barre de Milky Way pour le petit-déjeuner

De l’enquête, il ressort en effet que l’octogénaire vivait sans téléphone. Il possédait bien un portable, mais sans carte SIM. Cet état de dépendance, on le retrouve également au niveau de ses repas : le matin, il recevait juste une barre de chocolat Milky Way et une bonne partie des repas venaient de la station-service.

«Elle l’a juste gardé en vie, mais pas soigné», avait dit à la police l’un de ses voisins. Ces derniers, à la différence des enfants de l’octogénaire, avaient l’occasion d’observer les mouvements du ménage. «On avait toujours beaucoup de contacts avec notre père après la mort de notre mère», se souvient sa fille. Et puis il y a eu la fameuse rencontre fin 2002. «Notre père est venu nous voir moins souvent. Quand on l’appelait, on tombait surtout sur le répondeur.» «Nous n’avions plus le droit d’entrer dans sa maison», poursuit-elle en évoquant un changement de serrure. Enfin, en 2013, son père lui retira la procuration qu’elle avait sur son compte bancaire.

« On pensait rencontrer des rats au sous-sol »

Jusqu’en 2015, l’octogénaire n’a plus eu de contacts avec ses enfants. Lors d’un enterrement, ces derniers revirent leur père dans un très mauvais état. Il leur raconta qu’il vivait sans eau chaude ni chauffage. Quelques jours plus tard, il leur confia tout.

Avec l’aide de la police, ils avaient pu pénétrer dans sa maison et vu dans quel état désolant il vivait. «On pensait rencontrer des rats au sous-sol. Mais je crois que les rats eux-mêmes avaient peur de rentrer là-dedans.» Et d’ajouter : «On a sorti 30 mètres cubes d’ordures de la maison. Dans le réfrigérateur, on a trouvé de la viande qui était périmée depuis un an.»

Le procès se poursuit mardi matin. Avant l’audition de la prévenue seront entendus les six derniers témoins. Vendredi, Me Annick Wurth, représentant la victime et ses deux enfants, s’est d’ores et déjà constituée partie civile. Elle réclame autour de 265 000 euros de dommages et intérêts.

Fabienne Armborst

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