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[À table avec…] François Bausch, l’homme pressé


«Aucun parti n'est assuré d'être au gouvernement, c'est ça la démocratie», dit-il. Une chose est sûre, il veut en être. (photos Hervé Montaigu)

À l’occasion des élections législatives, Le Quotidien passe à table à l’heure du petit-déjeuner avec les têtes de liste ou les candidats emblématiques. Pour un échange libre et dépourvu de langue de bois.

David KIEFFERIl a déjà descendu un café, installé chez Oberweis, au premier étage du très couru salon de thé de la Grand-Rue. François Bausch (déi gréng) avait une belle avance, justifiée par un rendez-vous médical qui a nécessité moins d’attente que d’ordinaire, et achevait un échange de courriels avec Carole Dieschbourg. Une image du ministre en action, de l’homme pressé qui vous explique que l’humanité «dispose d’une petite fenêtre de 25 ans» pour sauver ce qui peut encore l’être du climat.

Nicolas Hulot, ministre français de la Transition écologique démissionnaire, répétait inlassablement cette même mise en garde. En vain. «Sa démission ne m’a pas surpris. Je l’aime beaucoup, c’est un homme très engagé, mais il vivait dans l’illusion de pouvoir mener tout seul sa politique, je veux dire sans aucun parti derrière lui, pas un seul député pour le soutenir», constate amèrement François Bausch.

L’action plutôt que les études

Le candidat tête de liste du Centre aux prochaines législatives aux côtés de Sam Tanson offre ainsi une démonstration supplémentaire de l’utilité d’un parti écologiste. Tout le monde a pris le virage écolo et intégré le principe de développement durable et du coup le parti de François Bausch n’a plus rien d’autre à proposer qui n’existe déjà ailleurs, dans les professions de foi des partis dits plus traditionnels.

N’en déplaise à ses détracteurs, le parti déi gréng, avec François Bausch en première ligne, a profité des cinq dernières années pour prouver son efficacité à piloter les opérations. Le regretté Camille Gira avait essuyé les plâtres à Beckerich avant de devenir une référence en matière de commune écoresponsable. Au ministère du Développement durable, les fonctionnaires des Bâtiments publics, des Transports et de l’Environnement ont été réveillés en sursaut et, selon François Bausch, ils n’attendaient que ça. «Au début, j’étais sceptique parce que je m’attendais à affronter la lourdeur administrative telle que l’on peut se l’imaginer. J’ai inversement trouvé des collaborateurs hyper-motivés de passer enfin à l’action. Des ministres qui ne font que des études, c’est frustrant», envoie-t-il à l’intention de son prédécesseur, Claude Wiseler, sans le nommer.

La valse-hésitation, ce n’est pas son truc, surtout quand il n’est pas assuré de tenir au-delà de cinq ans dans l’exécutif. «C’était une expérience très positive durant laquelle nous avons mis en place des tas de chantiers, des nouveaux moyens de transport et une nouvelle approche de la mobilité avec le MoDu 2.0 que la Chambre des métiers aimerait voir calquée sur la politique du logement. C’est plutôt flatteur», estime-t-il.

François Bausch est lancé et rien ne l’arrête quand il s’agit de défendre le bilan des verts au Développement durable. Il ne tarit pas d’éloges sur Carole Dieschbourg, «cette jeune génération montante», qui a su prendre les choses en main en même temps que le relais. Les zones naturelles ont été démultipliées, de nombreux dossiers en matière d’énergies renouvelables ont été débloqués grâce au travail de Carole Dieschbourg et de Camille Gira.

« Marre de manger cette m…! »

Le candidat en appelle au bon sens : «Il ne faut pas arrêter cette énorme dynamique que nous avons générée», se plaît-il à répéter. Les verts espèrent qu’elle va leur donner des ailes pour aller décrocher deux sièges supplémentaires. Le bilan qu’ils présentent avec seulement six députés à la Chambre des députés est déjà éloquent, avec huit, ils promettent des merveilles pour l’écosystème, «qui est à la base de notre économie», précise François Bausch. Il est fermement décidé à profiter de cette «fenêtre de 25 ans» pour agir et changer les politiques trop peu concernées par la menace qui plane.

Le candidat reconnaît aussi les ratés, toutes ces fois où les verts ont eu les ailes coupées et se sont retrouvés le bec dans l’eau. C’est le cas de la réforme fiscale, qui leur a complètement échappé. L’opposition s’est d’ailleurs gaussée de ce revers en cherchant à la loupe l’empreinte écolo dans le nouveau texte. «L’opposition a raison de nous critiquer, mais nous sommes entrés au gouvernement avec six sièges seulement», se rattrape-t-il.

Les verts n’ont pas pesé lourd non plus dans le secteur agricole, regrettant que le gouvernement soit passé à côté de «cette opportunité énorme pour l’agriculture» que promet un changement dans les modes de production alimentaire. «Les gens en ont marre de manger cette m…! Nous sommes dépendants à 90% des produits alimentaires alors que nos agriculteurs pourraient changer les choses, se diversifier et profiter de cette demande de qualité qu’exige le consommateur», analyse François Bausch.

Il regrette de passer pour l’ennemi des agriculteurs, lui et tout son parti, alors qu’au contraire il se dit être «leur plus fort allié». Il cite l’exemple de la très conservatrice et rurale Bavière où les Verts commencent à séduire les électeurs au point de leur prédire un bel avenir. Eux aussi ont des élections régionales le 14 octobre et les sondages leur offrent pour l’heure une belle seconde place derrière le CSU.

L’image d’un fonceur

Personne ne sait encore si les verts auront la même force de conviction. En attendant, ils tentent de séduire avec un programme qui contient quelques mesures radicales et pas seulement en termes de protection de l’environnement. La politique du logement en a besoin aussi. «Le CSV a compris que sa politique du logement des trente dernières années a échoué», observe François Bausch. Il ne reconnaît pas l’échec de ce gouvernement en la matière. «Il y a des failles, bien sûr», avoue-t-il quand même en citant deux grands responsables : le manque d’emprises et l’effet «Not in my backyard» ou plus simplement «nimby», qui signifie «pas dans mon arrière-cour». Faites passer l’autoroute chez le voisin, mais pas chez moi.

«Nous devons construire un lycée pour la Nordstad, mais nous ne trouvons pas de terrains, sinon à des prix dingues. Nous devons mettre une utilité publique pour un bâtiment, c’est du jamais vu!», s’exclame le ministre du Développement durable. Il propose un système de taxation pour les grands promoteurs qui font la pluie et le beau temps sur le marché sans jamais être inquiétés. Il prend l’exemple de la place de l’Étoile à Luxembourg et du promoteur qui s’est moqué pendant 30 ans des autorités publiques. «J’ai fait débloquer la place de l’Étoile en forçant la construction du tram et du pôle d’échanges», se vante-t-il.

Il faut savoir forcer la main. Une taxation nationale ferait déjà l’affaire comme en Suisse où le promoteur privé dispose de cinq ans pour réaliser son projet, sinon il s’expose à une lourde taxe.

Cette image de fonceur ne lui fait pas peur. Il veut s’en servir au contraire pour recomposer la même équipe qui incarne le dynamisme à ne pas rompre. Les sondages ont eu beau dire que les gens penchent pour le CSV à 62% et pour les verts à 59%, François Bausch n’évoque pas d’autres coalitions que celle qui a bouleversé la vie politique il y a cinq ans.

«Aucun parti n’est assuré d’être au gouvernement, c’est ça la démocratie», dit-il. Une chose est sûre, il veut en être.

Geneviève Montaigu

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