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Ajaccio : une salle de prière musulmane ravagée par un incendie


La salle de prière musulmane ravagée le 29 avril 2016 à Ajaccio par un incendie très probablement d'origine criminelle. (Photo : AFP)

Une salle de prière musulmane d’Ajaccio a été ravagée très tôt samedi matin par un incendie très probablement d’origine criminelle, quelques mois après les débordements racistes et antimusulmans qui avaient émaillé des manifestations dans un quartier populaire de la ville.

Le sinistre s’est déclenché vers 04h30 et a été découvert vers 05h00 dans cette salle de prière située à l’entrée d’Ajaccio, dans le quartier de Mezzavia, l’une des deux plus importantes de la commune. Les pompiers ont pu rapidement maîtriser l’incendie. Les murs noircis de l’édifice situé derrière le stade de football de l’équipe du Gazélec Ajaccio tenaient encore debout samedi en milieu de matinée, a constaté une correspondante, mais l’ensemble était très fortement endommagé.

Les agents de la police scientifique s’affairaient toujours en milieu de matinée dans et aux abords du bâtiment, tandis qu’un hélicoptère de la gendarmerie survolait les lieux. L’enquête ouverte pour dégradation par incendie a été confiée à la police judiciaire et aux enquêteurs de la sécurité publique.

Très tôt, le procureur de la République d’Ajaccio, Eric Bouillard, a indiqué que la piste criminelle était privilégiée, ce qu’a confirmé, sur place, le préfet de Corse Christophe Mirmand, évoquant «des traces d’hydrocarbures» découvert lors des premiers relevés. Les enquêteurs corses attendaient dans l’après-midi le renfort d’une équipe technique spécialisée de Marseille pour mener des investigations supplémentaires.

Dans un communiqué, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a fait part de sa «solidarité aux musulmans de Corse». «Si l’origine criminelle est confirmée elle donnera lieu à la recherche active des auteurs, qui devront répondre de cet acte inacceptable devant la justice. Le ministre de l’Intérieur rappelle la détermination du gouvernement à assurer la protection de tous les lieux de culte, et à assurer la liberté de culte partout sur le territoire», a-t-il ajouté.

Appel au calme

«Les dégâts sont très, très importants», a déploré Abdallah Zekri, le président de l’Observatoire contre l’islamophobie, qui «condamne avec force cet acte vil et odieux». M. Zekri demande aux autorités «en qui (il a) toute confiance» de «faire toute la lumière sur cet évènement afin d’éviter l’escalade de la violence». «Il y a des gens qui veulent à tout prix mettre en péril le vivre-ensemble», a-t-il regretté, tout en appelant au calme.

Les dirigeants de l’île, le président autonomiste de l’exécutif Gilles Simeoni et le président indépendantiste de l’Assemblée territoriale Jean-Guy Talamoni, ont fait part dans un communiqué commun de leur «consternation».

«S’en prendre à un lieu de culte est un acte incompréhensible et inaccceptable, contraire aux valeurs fondamentales du peuple corse, et notamment à la tradition multiséculaire de tolérance religieuse héritée de Pasquale Paoli (philosophe et homme politique considéré comme le père de l’identité corse, ndlr)», ont-ils ajouté.

Ce sinistre survient quelques mois après les débordements racistes et antimusulmans qui avaient accompagné les manifestations ayant suivi l’agression de pompiers attirés dans un guet-apens dans le quartier populaire des Jardins de l’Empereur le soir de Noël à Ajaccio.

Une salle de prière musulmane, située à proximité des Jardins de l’Empereur, avait notamment été saccagée et des exemplaires du Coran partiellement brûlés. Des slogans comme «Arabi fora» (les Arabes dehors, ndlr) ou «On est chez nous» avaient été scandés au cours de ces défilés dans le quartier populaire.

Après ces incidents, quelques actes antimusulmans ou racistes avaient encore été enregistrés dans les semaines suivantes, notamment le dépôt d’une dépouille de sanglier devant une salle de prière musulmane, et des graffitis «les Arabes dehors» au bord des routes. «Il y avait eu une accalmie depuis la fin de l’année, malheureusement, certaines personnes mal intentionnées veulent mettre le feu», a estimé M. Zekri.

Dans un communiqué distinct, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a de son côté condamné «avec la plus grande vigueur ces actes intolérables qui visent des lieux de culte, lieux de prière et de sérénité». Le CFCM s’est dit «profondément choqué par cette nouvelle attaque qui intervient quatre mois après le saccage d’une autre mosquée à Ajaccio au mois de décembre dernier» et «exprime son total soutien aux responsables et aux fidèles de la mosquée d’Ajaccio».

Le Quotidien/AFP