Certains votent par devoir civique ou pour soutenir Bachar al-Assad tandis que d’autres rejettent un scrutin «illégitime»: les Syriens étaient appelés mercredi aux urnes pour des élections législatives organisées par le régime mais vilipendées par l’opposition.
Les bureaux de vote ont ouvert à 07H00 (04H00 GMT) dans les régions sous contrôle gouvernemental, soit un tiers du territoire où vit environ 60% de la population. «Nous avons rempli notre devoir national et maintenant c’est aux élus de tenir leurs promesses», explique Samer Isssa, un chauffeur de 58 ans, après avoir déposé son bulletin dans le bureau de vote du gouvernorat de Damas.
Devant la porte, les représentants des candidats distribuent leur liste en essayant de convaincre les électeurs. Pour ce second scrutin depuis le début de la guerre en 2011, 3 500 candidats âgés de plus de 25 ans briguent les 250 sièges de député, selon le président du Comité juridique suprême des élections, le juge Hicham al-Chaar.
Sans surprise, les résultats devraient être semblables à ceux des législatives de mai 2012, selon les experts. Le parti Baas, qui dirige le pays d’une main de fer depuis plus d’un demi-siècle, avait alors obtenu la majorité des sièges même si plusieurs autres formations avaient été autorisées à y participer. Ce sont «les élections de la résistance», proclame un calicot du Baas flottant au sommet d’un immeuble plus haut que les autres.
Accompagné de son épouse, le président Assad a voté dans la matinée dans un bureau installé dans la bibliothèque nationale, place des Ommeyades. C’est avant tout sur leurs lieux de travail, notamment dans les administrations ou les écoles, que la majorité des électeurs se rendent derrière l’isoloir. «J’ai voté car ce scrutin doit décider de l’avenir du pays. J’espère que les élus seront honnêtes envers la patrie avant de l’être envers les électeurs», témoigne Yamine al-Homsi, un fonctionnaire de 37 ans.
« Un combat »
En revanche, Mayssoun n’ira pas voter. «La plupart des candidats sont des richards, vivant à l’étranger et qui nous servent des balivernes», critique cette serveuse de 45 ans. «J’avais un appartement à Yarmouk que j’ai quitté à cause des combats, et maintenant je déménage d’un endroit à l’autre». La guerre a été au cœur de la campagne, les candidats rivalisant de slogans patriotiques. «Nous sommes pour la sécurité», «Pour nos enfants qui sont morts, continuons», proclament des affiches, tandis qu’un aspirant député se présente comme la voix des «martyrs de notre armée héroïque».
Le journal du parti Baas a présenté le scrutin «comme un combat pour prouver la solidité des institutions de l’État».
Cette élection se tient après plusieurs semaines de calme relatif lié au cessez-le-feu conclu sous les auspices des Américains et des Russes. Mais cette trève menace d’éclater et la guerre de reprendre de plus belle entre les forces du régime, les rebelles modérés et islamistes ainsi que les deux frères ennemis du jihadisme, le groupe Etat islamique (EI) et le Front Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda.
Cette dégradation de la situation pourrait peser sur la nouvelle session de négociations indirectes entre le régime et l’opposition qui doit s’ouvrir mercredi sous la houlette de l’ONU à Genève. A Palmyre, d’où l’armée a chassé les jihadistes de l’EI le 27 mars, quatre bureaux de vote ont été installés, dont un à l’entrée du musée archéologique dévasté. Des habitants sont revenus pour l’occasion et pour visiter leur maison. «Je n’ai pas eu peur de venir aujourd’hui pour voter», a affirmé l’un d’entre eux à un photographe.
« Je n’y crois pas »
A Alep, la deuxième ville du pays, le scrutin se tient seulement dans les quartiers contrôlés par le régime. Ailleurs, dans la partie rebelle, les habitants affichent sans détour leur hostilité. «Bien entendu, ces élections sont illégitimes parce que la grande majorité du peuple a déjà renversé le régime et ne le reconnaît pas», déclare Alaa Karman, une enseignante. «Il s’agit d’une farce. Je ne crois pas à ces élections. Il (Assad) veut juste montrer qu’il possède un Etat, un peuple et un régime solide», renchérit Mohamed Zobeidiyyé, un mécanicien.
Le scrutin est également dénoncé par les opposants de l’extérieur, ainsi que par les pays occidentaux. L’ONU plaide de son côté pour la tenue d’élections générales courant 2017. Selon la commission électorale, l’élection se déroule «partout sauf dans les provinces de Raqa et Idleb» aux mains de l’EI et du Front Al-Nosra, ainsi que «dans les régions qui connaissent des problèmes de sécurité», en référence aux zones tenues par les rebelles. Mais «les électeurs originaires de ces régions peuvent voter dans les secteurs tenus par l’armée», selon elle.
Le Quotidien/AFP