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Cessez-le-feu en Syrie : un calme sans précédent dans les villes


photo AFP

Les armes se sont tues dans la majorité des principales villes de Syrie samedi, au premier jour de l’entrée en vigueur d’une trêve d’une ampleur sans précédent depuis le début de la guerre entre régime et rebelles, il y a cinq ans.

Seul incident notable, la chute d’une dizaine d’obus près de la place des Abbassides à Damas, à la lisière du quartier de Jobar où s’affrontent depuis trois ans soldats et insurgés, selon une source militaire qui n’a cependant pas parlé de violation de la trêve.

L’accord de cessation des hostilités appliqué à partir de minuit en heure locale et initié par Washington et Moscou, deux acteurs majeurs dans le conflit, a reçu le soutien du Conseil de sécurité de l’ONU qui a adopté vendredi à l’unanimité une résolution « l’approuvant pleinement ».

Cet accord ne concerne que les zones de combat entre les forces du régime appuyées par l’aviation de l’allié russe et les rebelles syriens, alors que les groupes jihadistes Etat islamique et Front al-Nosra (branche syrienne d’Al-Qaïda) qui contrôlent plus de 50% du territoire, en sont exclus.

Malgré l’espoir que suscite l’accord, la complexité de la mise en application de la trêve, notamment en raison de l’alliance des rebelles avec le Front Al-Nosra dans plusieurs régions, rend sceptiques les analystes. C’est « un jour et une nuit exceptionnels pour les Syriens », a affirmé le médiateur l’envoyé spécial de l’ONU Staffan de Mistura qui a néanmoins affirmé que la journée de samedi sera « critique ».

Pour soutenir l’accord et empêcher toute erreur de bombardement, l’armée de l’air russe a annoncé la suspension, pour la journée, de toutes les sorties de son aviation au-dessus de la Syrie où elle bombardait depuis fin septembre zones rebelles et jihadistes.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) et des militants, un calme précaire régnait dans les provinces centrales de Homs et Hama, dans celle de Damas et dans la région d’Alep (nord). Aucun raid aérien n’était signalé contre les régions rebelles.

« Alors, la guerre est finie ? »

Une journaliste de l’AFP, qui s’est rendue aux abords de la capitale Damas, a constaté une quiétude inhabituelle et n’a vu aucune colonne de fumée s’élever de fiefs rebelles comme Jobar et la Ghouta orientale, contrairement aux jours précédents.

Une source militaire syrienne a indiqué qu’un « petit nombre de terroristes à Douma et Jobar (des secteurs à l’est de Damas) ont tiré des obus contre des quartiers résidentiels de la capitale », sans qualifier toutefois l’incident de violation de la trêve et sans faire état de victimes. Un habitant a confirmé la chute d’obus sur le quartier des Abbassides.

Dans la ville d’Alep, qui depuis juillet 2012 est un champ de bataille entre régime et insurgés, deux personnes ont été tuées et quatre blessées dans le quartier kurde de Cheikh Maqsoud, par des obus tirés par le Front al-Nosra, selon l’OSDH.

Mais ces incidents sont extrêmement mineurs par rapport au déluge de feu qui marquait le quotidien des habitants dans l’ensemble du pays avant l’entrée en vigueur de la trêve.

Ainsi les « Casques blancs » qui sauvent des décombres les victimes dans les régions rebelles après les bombardements du régime ont résumé avec humour l’ambiance sur twitter: « Fermé pour cause de cessez-le-feu ».

« J’espère que la trêve durera (…) pour goûter à nouveau, même partiellement, à ce que nous avons vécu avant la guerre », confie Abou Nadim, 40 ans, père de 4 enfants, dans le quartier rebelle de Boustan al-Qasr, à Alep.

« Aujourd’hui je suis plus optimiste. Mes amis et moi sommes contents. C’est la première fois que je me réveille sans le son de l’artillerie. Damas est tellement plus belle sans la guerre », dit Ammar al-Rai, un étudiant en médecine de 22 ans et habitant la capitale. Il confie qu’un de ses amis, exilé en Allemagne l’a appelé et lui a dit: « Alors la guerre est finie? Je peux rentrer ».

Si la cessation des hostilités tient et l’aide humanitaire continue d’être acheminée dans les zones assiégées, M. de Mistura compte convoquer de nouveaux pourparlers intersyriens le 7 mars à Genève après l’échec des précédentes discussions.

Pour l’Union européenne, cette « première cessation des hostilités en cinq ans de conflit ne doit pas être gâchée », alors que le conflit dévastateur a fait plus de 270.000 morts, déplacé plus de la moitié de la population et déstabilisé le Moyen-Orient et l’Europe avec son lot de réfugiés.

Mais François Heisbourg, président de l’International Institute for Stategic Studies (IISS, Londres) s’est dit « extrêmement sceptique sur la possibilité pour ce cessez-le-feu de tenir, compte-tenu de l’intrication entre les groupes rebelles considérés comme terroristes par les Russes et ceux qui échappent à ce label ».

Le Quotidien / AFP