Rik Van Looy, décédé mercredi à l’âge de 90 ans, fut l’un des plus grands coureurs de classiques de l’histoire, surnommé l’Empereur d’Herentals et adoré par la Belgique du cyclisme au début des années 1960 avant l’ère Eddy Merckx.
Deux fois champion du monde, Rik II, surnommé ainsi par référence à son glorieux aîné Rik Van Steenbergen, a gagné les cinq monuments de son sport : Milan-Sanremo, Tour des Flandres par deux fois, Paris-Roubaix par trois fois, Liège-Bastogne-Liège, Tour de Lombardie.
Passé professionnel dès l’âge de 20 ans (fin 1953) sous les ordres de Guillaume Driessens, le Flamand d’Herentals imposa un style moderne de routier-sprinteur, entouré de rouleurs (Armand Desmet, Joseph Planckaert, Edgard Sorgeloos, Edward Sels, etc…) totalement dévoués à sa cause.
À la tête de cette « garde rouge », la couleur du maillot de son équipe Solo Superia, Van Looy, homme de granit, gabarit trapu et cuisses d’acier, accumula les succès. Au bilan, 371 victoires chez les professionnels, dont 7 étapes du Tour de France dans lequel il débuta tardivement, à 28 ans, et buta régulièrement sur la haute montagne.
La trahison de Renaix
« Je considérais chaque étape comme une classique. Si j’avais participé au Tour plus tôt, je l’aurais peut-être gagné un jour », expliqua-t-il ensuite, fort de ses places d’honneur dans les autres grands tours (4e du Giro 1959, 3e de la Vuelta 1959 et 1965).
Son « doublé » au championnat du monde, au Sachsenring (Allemagne) en 1960 puis à Berne l’année suivante, manqua de peu de se transformer en triplé. Mais, en 1963, devant son public de Renaix, Van Looy dut s’incliner face à l’un de ses coéquipiers, Benoni Beheyt.
Piégé par un autre de ses compatriotes, Gilbert Desmet, qui lui lança le sprint de très loin, le Flandrien fut débordé par Beheyt, qui était censé travailler pour lui. Ses supporters crièrent à la trahison et Beheyt, ostracisé, dut arrêter prématurément sa carrière deux ans plus tard.
À la sortie d’un ouvrage qui lui fut consacré en 2013, l’ancien livreur de journaux (né le 20 décembre 1933) avait raconté humblement ses débuts à vélo. Sa première course en 1948, dans le petit village de Herenthout, et son premier résultat: 62e et dernier, après avoir été doublé cinq fois par le peloton.
« J’ai dû affronter trois générations, soulignait le Campinois. Dans les années 1950, c’était celle de Van Steenbergen, de Coppi, de Bartali. Puis j’ai connu ma propre ascension avec Anquetil qui était au sommet. Puis est arrivé Merckx ».
La rivalité avec Merckx
Van Looy, alors tout-puissant (1965), vit arriver en effet dans sa propre formation le tout jeune Merckx. La cohabitation ne dura qu’une saison.
« Van Looy avait un clan autour de lui. Des mecs qui se moquaient des autres et surtout des jeunes. Dans cette équipe, j’étais un souffre-douleur », a raconté le « Cannibale » au journal belge Le Soir.
Le match fut très vite déséquilibré. « J’avais douze ans de plus qu’Eddy et, au plus fort de notre rivalité, mes meilleurs jours étaient dans le rétroviseur. Même quand j’étais dans un jour exceptionnel, il me battait », reconnaissait l’aîné.
« Il s’est battu jusqu’au dernier moment pour conserver sa notoriété », a confirmé Merckx. « Il y avait une grosse rivalité, la même que j’ai connue plus tard avec Maertens. Mais c’était sain, il y avait du respect ».
Après une carrière professionnelle très fournie (entre 150 et 200 jours de course par an, disait-il, en tenant compte des Six Jours hivernaux) qui se termina en 1970, Van Looy resta dans le sport, notamment en tant que président du club de foot d’Herentals. Il devint aussi propriétaire d’un manège et dirigea une école (sport-études) flamande de cyclisme.
La Belgique ne l’avait pas oublié. Au vote des journalistes de sport de son pays, il décrocha la cinquième place dans le classement des sportifs belges du XXe siècle (derrière Merckx, Roelants, Van Himst et Ickx).