Accueil | A la Une | [Cinéma] Les vieux loups de Wolfs

[Cinéma] Les vieux loups de Wolfs


Jusque-là, au cinéma, on ne connaissait qu’un seul nettoyeur du nom de Wolfe : un certain Winston, incarné par Harvey Keitel dans Pulp Fiction (1994).

Costard impeccable et nœud papillon, décontracté en toute circonstance, c’est lui que l’on vient chercher pour «résoudre les problèmes» (un slogan qui s’affiche aujourd’hui sur des tasses et t-shirts). Il en a fait son métier, et apparemment, a aussi suscité des vocations. Car désormais, il y a d’autres «loups» dans la ville, si l’on en croit le réalisateur Jon Watts. Et pas n’importe lesquels : Brad Pitt et George Clooney, sexagénaires les plus cools d’Hollywood. Comme le sémillant mafieux de Quentin Tarantino, référence évidente de cette réunion – ce qui justifierait la faute de grammaire dans le titre (en anglais, au pluriel, loup s’écrit «wolves») – les deux acteurs incarnent à leur tour des hommes de ménage, ceux que l’on appelle quand on a, non pas un mort sur la conscience, mais un cadavre sur les bras.

On est sur le déclin!

Sélectionné hors compétition lors de la dernière Mostra de Venise en septembre, Wolfs a excité le festival par la seule présence de ce tandem iconique, bien qu’un peu flétri avec le temps. Le premier a 63 ans et, depuis des années, est plus souvent derrière la caméra (en tant que producteur ou réalisateur) que devant. Le second, 60 tout rond, n’est pas non plus très présent sur les écrans, mais a le mérite d’avoir le nez fin pour choisir des films qui marchent – Once Upon a Time… in Hollywood (1998), Babylon et Bullet Train (2022). C’est donc en vieux briscards qu’ils ont fait le show sur le Lido et fait marrer la presse. «On est sur le déclin!», a ainsi ironisé George Clooney quand on lui a demandé pourquoi un film, porté par de telles stars, soit (quasi) privé de sortie en salle, directement mis en ligne sur Apple TV+. Un sens de l’autodérision qui les suit jusque dans cette dernière collaboration, après avoir seulement partagé l’affiche dans la trilogie Ocean’s (2001-2007) et Burn After Reading des frères Coen (2008).

En effet, ici, leurs personnages ont eux aussi roulé leur bosse. Deux hors-la-loi solitaires chargés de nettoyer toute trace de crime pour leurs clients, et ce, «quoi qu’il en coûte». Avec les années, chacun à sa manière d’opérer, même si la profession a ses règles : être méthodique, efficace et invisible aux yeux des autres. Or, les voilà mandatés (involontairement?) pour le même travail : sortir d’un «merdier intersidéral» une magistrate influente en se débarrassant du corps d’un jeune garçon (joué par Austin Abrams) retrouvé dans sa chambre d’hôtel. En dehors d’un problème éthique (celui de toujours travailler seul) et égocentrique (l’un veut prouver à l’autre qu’il est le meilleur), la soirée se corse quand le mort ne l’est pas vraiment et, pire, qu’il transporte avec lui un sac à dos rempli de cocaïne appartenant à un vague cartel issu des pays de l’Est. Oui, «la nuit va être longue»…

Si Jon Watts (à la réalisation de la franchise Spider-Man avec Tom Holland) donne à Wolfs les airs d’un film d’auteur avec ses jolis travellings de New York la nuit, ce soin apporté à l’image ne cache pas ce qu’il est véritablement : un mélange entre le thriller d’action et la comédie. Le premier est assuré par, d’abord, une opération menée en toute discrétion (un principe «monacal» dans le métier), avant qu’ensuite, les armes ne soient sorties et tirent à tout-va. La seconde, elle, est surtout permise par l’amitié entre Brad Pitt et George Clooney, amis à la vie comme au cinéma. La complicité entre les deux stars se ressent. Ils ne s’en cachent pas d’ailleurs, qualifiant, d’une même voix, ce long métrage de «buddy movie» (pour film de potes). Dans celui-ci, l’un est nonchalant, l’autre discipliné. Et entre les deux, évidemment, ça fait des étincelles, prétexte qui leur permet de se chamailler et de se balancer des piques sur leurs âges avancés.

Car comme leurs modèles, ils sont également sur le déclin : ils doivent porter des lunettes pour lire sur un bipeur (objet très années 1990 d’ailleurs), trimbalent un affreux mal de dos et, quand il s’agit de courser en plein hiver un jeune homme en slip-chaussettes, ils s’essoufflent plus vite… Avec leur style «old school» (veste en cuir noire, gants en latex bleu) et leur façon de s’invectiver, Brad Pitt et George Clooney ne «font finalement qu’un», comme le dit un Austin Abrams ressuscité. Lui n’a même pas 30 ans, et sûrement une longue carrière à vivre. Eux sont d’une autre génération et acceptent volontiers de se moquer de leur image, de leur réputation. Un sympathique sens du fair-play qui ne gâche en rien le plaisir de les voir jouer ensemble. Car les bons acteurs ne déposent jamais les armes si facilement. Ce n’est pas là qu’une figure de style : une suite est déjà sur la table.

Wolfs

de Jon Watts

avec Brad Pitt, George Clooney, Austin Abrams…

Genre action/comédie

Durée 1 h 48

Apple TV+

 

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.