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[Musique] The Kiffness, sacré animal


Avec ses remix faits maison, ses animaux à poils qui chantent, son militantisme et ses élans caritatifs, The Kiffness cartonne sur internet. Portrait d’une drôle de bête avant sa venue à l’Atelier la semaine prochaine.

The Kiffness est clairement un garçon de son temps : il maîtrise à la perfection les réseaux sociaux, a compris tout le potentiel qu’offre YouTube, et plus rare, a su tirer profit de la crise sanitaire pour se transformer radicalement, lui et sa musique.

Résultat : en un rien de temps, il est passé du statut d’artiste-producteur respecté dans son Afrique du Sud natale à celui de phénomène populaire d’internet aux jolis scores d’audience et aux abonnés toujours plus nombreux. Un rang qui ne risque pas de changer avec sa dernière vidéo, qui a enregistré en quatre jours autant de millions de vues.

Dessus, sur un écran divisé en deux, on y voit, à gauche, Donald Trump qui, à l’occasion du dernier débat pour la présidentielle américaine face à sa rivale démocrate Kamala Harris, lançait sans honte à ses électeurs que les migrants haïtiens de Springfield (en Ohio) volaient des chiens et des chats pour en faire leur repas.

«Ils mangent les animaux de compagnie de ceux qui habitent là», affirmait l’ex-président aux formules-choc et populistes. De l’autre côté, David Scott (de son vrai nom), 36 ans, cheveux longs et bonne bouille, lui répond en mettant ironiquement ses propos en musique, avec sa fidèle boîte à rythmes et son synthétiseur.

Collaborateurs et droits d’auteur

Au micro, comme dans un duo improvisé avec le représentant républicain, il clame, faussement sérieux : «Habitants de Springfield, ne mangez pas mon chat, s’il vous plaît. Pourquoi feriez-vous cela ? Mangez autre chose», proposant au passage et à l’image une liste d’aliments plus comestibles. À la fin du clip, il précise que l’argent récolté grâce aux vues sera versé à un refuge pour animaux de Springfield, la Clark County SPCA.

En deux petites minutes, on a là un juste résumé de ce qu’est The Kiffness : un musicien qui aime les mélodies électroniques (simples et entêtantes), les boucles et les collages, l’humour pince-sans-rire, sans oublier le sens du partage, lui qui à l’époque s’était embrouillé avec la South African Broadcasting Corporation pour des problèmes de redistribution.

Si son projet est né en 2011, et qu’il a pris au fil du temps la forme classique d’un groupe, c’est seulement lors du confinement, privé de scène, qu’il s’est amusé en solo à sortir des clips parodiques sur l’épidémie de Covid-19.

Une initiative qui va lui donner une solide base de fans, qu’il va satisfaire et faire grandir avec un nouveau projet : les «collaborations», soit des enregistrements, un brin folkloriques et franchement amateurs, qu’il déniche sur internet et qu’il remixe à sa sauce, dégainant parfois la trompette et les percussions, et invitant même à l’occasion d’autres musiciens, à distance et par écrans interposés, dans l’affaire. Avec, en outre, ce souci, viscéral chez lui, de retrouver ces associés éphémères (et involontaires) pour partager avec eux les droits d’auteur.

Des chats en pagaille

Sa plus belle pêche, et celle qui va définitivement le lancer : une vidéo où l’on voit un certain Bilal Göregen jouant de la dabourka et chantant dans un parc public en Turquie. Aujourd’hui, le morceau Ievan Polkka culmine à près de 66 millions de vues.

Il aura d’autres belles réussites à mettre à son actif, comme la poignante Three Little Birds, reprise de Bob Marley interprétée par Rylyn, jeune garçon atteint de la maladie de Lyme (qu’il appuiera financièrement dans le cadre d’une campagne GoFundMe), ou celle mettant en scène Andriy Khlyvnyuk, chanteur qui a interrompu son activité artistique pour défendre son pays contre l’invasion de la Russie. Une coopération qui permettra à The Kiffness de collecter 100 000 dollars pour l’aide humanitaire en Ukraine.

Activiste et gentil révolté, David Scott l’est assurément, même s’il a vite appris à calmer ses ardeurs militantes. Quand à l’époque, il se moquait du gouvernement sud-africain, pointant notamment la violence d’un racisme systémique et la cruauté des inégalités sociales, il remarquait en effet que ses chansons divisaient : «C’est tout l’opposé de ce que je veux faire !», constatait-il.

Il va alors se trouver un allié de poids, fédérateur à plus d’un titre : le chat, dont la présence ne quitte plus ses différentes productions. Après un premier essai en 2021 à la suite de la demande d’une abonnée de remixer les complaintes de son animal, il va sortir l’année suivante un album entier crée à partir… de miaulements.

Concerts à guichets fermés

Cat Jams va alors enregistrer plusieurs millions d’écoutes sur les plateformes de streaming, et la moitié de ses recettes sera généreusement reversée pour les besoins de la cause animale. Depuis, son tour de force ne se dément pas.

vec plus de 2,5 millions d’abonnés sur YouTube, 3 millions de followers sur Facebook et un million d’auditeurs mensuels sur Spotify, il est devenu l’un des principaux créateurs en ligne d’Afrique du Sud, mais surtout un artiste qui compte et qui, loin des algorithmes, tourne pour de vrai en Europe, où ses «Internet Collabs» s’apprécient à guichets fermés, comme ce fut le cas en Allemagne en novembre 2022.

Lundi prochain, ce sera au tour de l’Atelier, à Luxembourg, d’accueillir le drôle de phénomène avec un spectacle mélangeant «comédie et électronique», comme le précise la salle sur son site. Le résultat, loin d’être ronronnant, pourrait en surprendre plus d’un. C’est déjà arrivé : lors d’un concert, un spectateur a filmé un agent de sécurité cherchant à réprimer un fou rire, éberlué par ce drôle d’animal qui fait chanter chats, chiens et public. C’est aussi ça, la patte The Kiffness.

Le 23 septembre à 20 h 30. Atelier – Luxembourg.

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