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Luxembourg : les eurodéputés font leur rentrée


Marc Angel (LSAP), Charles Goerens (DP), Fernand Kartheiser (ADR) et Tilly Metz (déi gréng) avaient rendez-vous dans l’après-midi à Strasbourg pour leur deuxième séance plénière. (Photo : hervé montaigu)

Quatre des six eurodéputés luxembourgeois étaient au Foyer européen pour présenter leurs priorités et les premiers dossiers sur lesquels ils souhaitent travailler.

Il y avait comme un air de rentrée des classes au Foyer européen. Quelques heures avant la deuxième réunion plénière du Parlement à Strasbourg, les eurodéputés luxembourgeois étaient réunis dans la capitale pour livrer les grandes lignes de leurs débuts de mandature. «Généralement, on organise cette réunion juste avant ou juste après l’été, précise Christoph Schröder, chef du bureau de liaison du Parlement européen au Grand-Duché. Nous sommes 100 jours après les élections européennes.»

Un scrutin qui n’a pas particulièrement rebattu les cartes puisque cinq des six députés sortants ont été confirmés dans leur fauteuil. Seul nouveau dans la promotion : Fernand Kartheiser de l’ADR. L’ancien élu de la Chambre des députés a ravi le deuxième siège que le DP avait obtenu en 2019, occupé jusqu’alors par Monica Semedo. Il rejoint ainsi Marc Angel (LSAP), Tilly Metz (déi gréng), Charles Goerens (DP) et les deux élus du CSV, Isabel Wiseler-Lima et Christophe Hansen.

Désaccords sur le commissaire européen

Ces deux derniers étaient d’ailleurs absents de cette rentrée, la première ayant dû décliner l’invitation pour des raisons personnelles alors que le second était occupé par sa future nomination au poste de commissaire européen. Au-delà des premières mesures qu’ils souhaitent mettent en œuvre et de l’actualité européenne, le choix du commissaire luxembourgeois a d’ailleurs beaucoup fait parler durant cette matinée.

Depuis plusieurs mois, CSV et LSAP sont en désaccord sur le choix du candidat, les socialistes souhaitant reconduire Nicolas Schmit (LSAP) alors que Christophe Hansen a la préférence du gouvernement. En attendant, les députés ont déjà fort à faire entre les débats sur le Green Deal, la fermeture de la frontière allemande ou la défense des consommateurs…

Marc Angel (LSAP) : «Une transition climatique et digitale socialement juste»

(Photo Hervé Montaigu)

Réélu pour un deuxième mandat, l’eurodéputé LSAP souhaite poursuivre le travail qu’il a commencé en 2019. «Notre priorité, c’est d’améliorer le niveau de vie des gens d’un point de vue social.» L’élu socialiste pense notamment aux conditions de travail et aux nouvelles technologies. «Je souhaite intervenir sur les directions que prend l’intelligence artificielle au travail.» Les derniers développements pourraient en effet, à terme, priver certaines personnes de leur travail en les remplaçant par une IA.

«Nous voulons aussi une transition climatique et numérique socialement juste.» La gauche européenne veulent donc à tout prix préserver le Green Deal. Présenté en 2019, ce plan a pour objectif de permettre à l’Europe d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Mais face aux craintes sur la compétitivité, l’aile libérale du Parlement européen tente de le détricoter. «Mais nous devons aussi miser sur la réindustrialisation», reconnaît l’élu. Membre de la commission du Marché intérieur et de la Protection des consommateurs, il souhaite également continuer à améliorer le Digital Services Act pour protéger les Européens des pratiques commerciales douteuses sur internet. L’addictive design qui manipule les clients afin de les retenir sur un site fait partie des cibles de l’eurodéputé.

Enfin, le choix de Christophe Hansen, au détriment de Nicolas Schmit, pour le poste de commissaire européen continue d’irriter la gauche. «Le groupe socialiste représente 20 % des voix. Nous avons cinq Premiers ministres et seulement quatre commissaires, il faut trouver un meilleur équilibre. Madame Van der Leyen tente de se débarrasser des candidats forts comme Nicolas Schmit ou Thierry Breton

Tilly Metz (déi gréng) : «Nous devons faire des alliances»

(Photo Hervé Montaigu)

Fidèle à son poste d’eurodéputée, qu’elle tient depuis juin 2018, Tilly Metz est déterminée à entretenir ses résolutions. Au sein du groupe des Verts/ALE, le premier axe reste le climat. Pour déi gréng, cela passe d’abord par «une transition écologique socialement juste» et des investissements dans l’industrie ou l’agriculture qui permettent de préserver la nature, «car sans celle-ci, l’avenir de ces secteurs est inenvisageable», explique l’eurodéputée. Cette vision concerne aussi l’agroalimentaire avec la question du bien-être animal. Le candidat CSV au poste de commissaire, Christophe Hansen, est d’ailleurs attendu sur ces enjeux de maltraitance.

L’élue vaut aussi établir un rapport transparent entre l’industrie pharmaceutique et les consommateurs, notamment avec davantage de clarté sur la recherche et les coût de production. «Les médicaments et les vaccins doivent être accessibles à tous, en quantité comme en prix.» L’autre cheval de bataille de Tilly Metz est la décarbonation. Elle soutient le transport ferroviaire européen. «Face aux géants de l’aviation et du transport routier, la compétition est encore rude. Il faut nous pencher dessus.» Un élément clé, souligne-t-elle, du rapport Draghi. Publié le 9 septembre, ce dernier recommande des centaines de milliards d’euros d’investissements pour sauver l’Europe.

Dans ce Parlement qui se teint aux couleurs de l’extrême droite, l’esprit de coalition se renforce. Aux yeux de l’eurodéputée, tout se joue dans l’écoute et la communication. «Nous devons nous allier à des partis progressistes et à tous ceux qui voudront faire de l’écologie un vrai enjeu.»

Fernand Kartheiser (ADR) : «Porter une parole conservatrice»

(Photo Julien Garroy)

Nouveau venu au Parlement, Fernand Kartheiser siège au sein du groupe des Conservateurs et réformistes européens. «Nous sommes pro-européens car nous avons besoin de l’UE, mais nous voulons une coopération d’États souverains et pas une fédération.»

Membre de la commission de l’Industrie et de celle des Affaires économiques, il veut profiter de cette position pour améliorer la coopération entre les entreprises luxembourgeoises et l’Europe. «Je défends aussi la place du luxembourgeois de façon non coûteuse et pragmatique. Nous voulons pouvoir nous exprimer en luxembourgeois au Parlement à partir du moment où l’on fournit à l’avance notre texte en français ou en anglais aux autres députés.» Fernand Kartheiser a déjà rencontré la présidente du Parlement, Roberta Metsola, pour évoquer le sujet avec elle.

«L’ADR porte une parole conservatrice, ce qui est une tout autre approche des autres partis. L’UE doit devenir pragmatique au niveau économique et abandonner toute idéologie.» Il s’oppose donc au Green Deal et à la fin de la vente de véhicules à moteur thermique d’ici 2035. «Nous ne sommes pas contre les voitures électriques, mais nous voulons laisser le choix aux gens.»

Enfin sur l’Ukraine, l’ADR prône une solution négociée pour tenter de mettre fin rapidement à la guerre. «Nous sommes pour la paix en Europe. Les prises de position actuelles n’ont aucune chance d’aboutir.» Et quand on lui demande si, au-delà des idées, il pourrait s’entendre avec les autres députés luxembourgeois pour défendre le Grand-Duché, Fernand Kartheiser émet de sérieux doutes. «Je ne vois pas sur quoi nous pourrions tomber d’accord.»

Charles Goerens (DP) : «Le rapport de force n’a pas changé»

(Photo Hervé Montaigu)

Élu pour la première fois au Parlement européen en 1982, Charles Goerens y est aujourd’hui le seul représentant du DP, «plumé» d’un siège par rapport à 2019, au bénéfice de l’ADR. L’eurodéputé, qui peut faire état de mandats européens s’étalant sur cinq décennies, reste malgré tout déterminé à faire passer ses idées. «À l’intérieur de Renew Europe, la solidarité persiste et c’est notre atout. Le rapport de force n’a pas changé, la majorité durable est même plus forte qu’avant.»

Attaché à l’esprit d’unité de l’Union européenne, il souhaite en renforcer la cohésion. «Il y a un sentiment de décrochage économique face à des superpuissances comme les États-Unis et la Chine. Pour assurer notre place, et celle du Luxembourg, il faut renforcer les liens existants et en créer de nouveaux.» Ce qui amène le DP à l’idée d’une Union européenne élargie. Les candidats à l’adhésion pourraient être entendus lors de l’adoption de traités, afin de commencer leur intégration, «car l’UE n’est pas prête pour un élargissement de sitôt».

Concernant les contrôles aux frontières, à l’instar de l’Allemagne récemment, l’eurodéputé reste dubitatif. «Même si nos voisins réagissent à un problème existant, comme le terrorisme, il est déjà dans le pays. C’est aux autorités intérieures de l’Allemagne de trouver une solution. Ces scénarios de fermeture doivent être adoptés à titre exceptionnel. Ce n’est pas viable dans la durée.»

De nos journalistes Simon Iung et Jérémie Nadé

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