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Saype, «land artist» au chevet de la planète bleue


Délivrer son «message» humaniste ou écologiste en «captant l’attention» : c’est le credo de Saype, «land artist» français connu pour ses fresques éphémères dessinées dans le paysage, qui expose pour la première fois les dessous de son art à Paris.

Aux murs de la galerie parisienne Danysz, jusqu’au 15 juin, des photos de ses gigantesques mains entrelacées à Paris, Berlin, Ouagadougou ou Istanbul, ses enfants interrogateurs et autres motifs peints en nuances de gris, blanc et noir, sur des milliers de mètres carrés, avec leurs esquisses préparatoires et les croquis quadrillés qui lui permettent de les réaliser sur pelouse, sable ou neige. Ces immenses dessins d’un réalisme bluffant à une telle échelle, ainsi qu’une série de vitres embuées réalisées à la peinture, attestent de la maîtrise technique de Saype, artiste autodidacte de 35 ans, qui a peu à peu abandonné la profession d’infirmier.

Ce «gigantisme», c’est «pour essayer de capter l’attention qui, à mon avis, est la première porte d’entrée pour délivrer un message, une esthétique, des émotions», explique Guillaume Legros, alias Saype, qui a grandi à Belfort et vit en Suisse. «Ce qui m’a toujours animé dans l’art, c’est la possibilité d’exprimer des choses et de faire réagir le spectateur», ajoute-t-il. Nature menacée par l’humain, migrants en péril, racisme… «Je ne sépare pas les questions, j’aime la nuance.»

Ce qui m’a toujours animé dans l’art, c’est la possibilité d’exprimer des choses (…) Je ne sépare pas les questions, j’aime la nuance

Une bouteille d’eau en plastique géante abandonnée dans un paysage idyllique des Vosges, une fillette qui semble crier sa solitude face à une vallée. «Ce que je raconte va induire le lieu où je vais le réaliser», poursuit Saype, qui se dit fasciné par «l’émotion hyperpuissante» du peintre anglais William Turner (1775-1851).

«Je suis un outsider complet. Enfant, je ne suis jamais allé dans un musée ou dans une galerie. Je me suis passionné pour le graffiti à 14 ans et j’ai fait beaucoup de travail en atelier», retrace-t-il. «Je vivais à la campagne chez mes parents et on était entourés de huit hectares de terrain. Je n’avais jamais vu quelqu’un peindre sur l’herbe.» L’arrivée des drones lui a permis de photographier ces œuvres vues du ciel.

Dans «une démarche écoresponsable», il passe «trois ans» à mettre au point une peinture «inoffensive» pour l’environnement, à base de craie et de charbon, et un pulvérisateur ad hoc. Sa première réalisation, en 2015 est le portrait de sa femme en montagne. Suivie du projet mondial «Beyond Walls» («Au-delà des murs»), collection de photographies de mains entrelacées «qui se tendent, se serrent et s’unissent, dans un effort commun par-delà tous ces murs qui séparent les humains et les enferment dans un espace mental ou géographique», décrit Saype.

«Il s’approprie les problématiques humaines et écologiques en essayant de faire bouger les mentalités de manière subtile. C’est un travail très réfléchi qui se nourrit sans cesse de ses rencontres et de ses échanges», explique son ami et ancien professeur de philosophie de terminale, Aurélien Aramini, «mentor» avec lequel Saype assure être «constamment en lien». Aurélien Aramini décrit «un élève qui a toujours été très curieux et s’est beaucoup questionné sur tous les courants de pensée, explorant de nombreuses voies».

En 2019, Saype soutient l’association d’aide aux migrants SOS Méditerranée. Son «premier projet autofinancé», dit-il, intarissable sur ceux qui ont fondé l’association et la font vivre. Cette semaine, il avait rendez-vous à Zurich pour un nouveau projet en faveur de SOS Méditerranée, avant d’aller en Égypte, vingtième étape de «Beyond Walls».

Une de ses dernières réalisations représente un enfant qui soulève une bâche en plastique dans les immenses serres de la région agricole ultraproductive d’Almería, en Espagne. La galerie Danysz expose la photo d’un détail de cette fresque où manquent des morceaux peints, reproduits sur des feuilles de papier exposées à part. Lorsqu’on en scanne le QR code, on se retrouve dans la fresque en cours de réalisation, comme si l’artiste abolissait les frontières de l’espace et du temps.