À la peine dans les sondages à quelques mois des élections, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a créé la surprise lundi en rappelant au gouvernement son prédécesseur David Cameron, l’homme du référendum du Brexit, comme chef de la diplomatie.
Attendu depuis des mois, un changement du gouvernement conservateur semblait inéluctable pour renvoyer la très à droite ministre de l’Intérieur Suella Braverman, dont les critiques formulées à l’encontre de la police la semaine dernière ont constitué la provocation de trop.
Mais personne n’avait vu venir le retour au premier plan, à 57 ans, de David Cameron, qui avait convoqué le référendum du Brexit et milité pour le maintien dans l’Union européenne, son échec plongeant son parti et le Royaume-Uni dans plusieurs années de déchirements.
Celui qui a été Premier ministre de 2010 à 2016 a dit vouloir mettre son expérience au service des « défis vitaux » du moment, citant « la guerre en Ukraine et la crise au Moyen-Orient ».
« J’ai été en désaccord avec certaines décisions particulières mais la politique est un travail d’équipe (…) et je pense que Rishi Sunak est un bon Premier ministre qui fait un travail difficile dans une période difficile », a-t-il justifié sur les télévisions.
Recentrage ?
Arrivé à Downing Street depuis un peu plus d’un an, après les scandales de l’ère Boris Johnson puis l’éphémère Liz Truss, Rishi Sunak, un ex-banquier d’affaires de 43 ans, avait besoin de marquer les esprits pour tenter de se relancer.
À l’approche des législatives prévues au plus tard en janvier 2025, son parti, au pouvoir depuis près de 14 ans, est très largement distancé dans les sondages par les travaillistes, dans un contexte économique morose.
Le renvoi de Suella Braverman, figure de l’aile droite de la majorité aux ambitions politiques affichées, risque cependant de renforcer les divisions internes au sein de la majorité. Et ce d’autant plus que le retour de David Cameron semble marquer un rencentrage, tranchant avec certaines prises de position récentes de Rishi Sunak en direction des ultraconservateurs et sa tentative d’incarner le changement.
David Cameron « a de l’expérience (…) mais je ne pense pas que ce soit le meilleur choix pour l’opinion publique », estime Alice Kristiansen, 24 ans, interrogée dans les rues de Londres. « Il représente trop le passé et il n’a pas laissé une bonne situation pour les Tories ». « C’est une personnalité sûre pour un travail temporaire », tranche Matt Evans, 50 ans. « Je ne pense pas que quiconque estime réaliste que (les conservateurs) restent au pouvoir après les prochaines élections. »
Avec David Cameron, Rishi Sunak « veut quelqu’un avec une certaine influence sur la scène internationale », relève Tim Bale, politologue à la Queen Mary University de Londres. Cet expert y voit une tentative de « distraction » de la crise entourant Suella Braverman et de séduire l’électorat centriste mais se dit « très sceptique » quant au succès de la manœuvre : « Cela semble désespéré. »
Politique controversée
Les événements se sont précipités la semaine dernière lorsque Suella Braverman, connue pour ses déclarations outrancières, a critiqué la police de Londres dans une tribune au Times, lui reprochant d’autoriser la marche pro-palestinienne qui s’est tenue samedi et l’accusant de partialité.
L’article n’avait pas reçu le feu vert de Downing Street, contrairement aux règles habituelles.
Ces déclarations controversées s’ajoutaient à une série de polémiques ces derniers mois: elle a qualifié les arrivées de réfugiés d' »invasion » et avait plus récemment estimé que certains sans-abri dormaient dans des tentes conformément à un « mode de vie choisi ».
Son départ a lancé un grand jeu de chaises musicales supplémentaire, après des années d’instabilité constante au pouvoir. Ont changé les ministres de l’Environnement ou encore de la Santé.
Au Home Office, Suella Braverman est remplacée par l’ex-chef de la diplomatie James Cleverly, qui lui-même a cédé sa place à David Cameron.
Il s’agit d’un poste crucial alors que le gouvernement de Rishi Sunak a érigé en priorité la lutte contre les arrivées de migrants par la Manche sur des embarcations de fortune.
James Cleverly devra assumer une politique très restrictive sur le droit d’asile ainsi que le projet britannique critiqué par l’ONU de renvoyer les migrants illégaux, peu importe d’où ils viennent, vers le Rwanda. Cette mesure va connaître un test clé mercredi lorsque la Cour suprême se prononcera sur sa validité.
Etre le premier vassal des USA n’est pas facile. Sunak n’est qu’un Macron anglophone.