Fans du gentil Winnie, préparez-vous à verser de chaudes larmes sur vos illusions perdues : l’amateur de miel se transforme… en tueur sanguinaire dans un film d’horreur !
Loin de la naïveté des contes de son créateur, le Britannique Alan Alexander Milne, ou du glouton mignon popularisé par Disney, le personnage s’affiche désormais en dangereux psychopathe dans Winnie the Pooh : Blood and Honey. Véritable ovni, cette production à petit budget en salle aujourd’hui promet de tester les limites du droit d’auteur et de celui des marques. Et suscite déjà l’ire de nombreux fans, outrés par cette réinvention choquante. «C’est de la folie», confie son réalisateur, Rhys Frake-Waterfield. «J’ai reçu des pétitions pour l’arrêter. J’ai reçu des menaces de mort. Des gens m’ont dit qu’ils avaient appelé la police.»
Si les aventures de Winnie et de ses compagnons Porcinet, Bourriquet et Tigrou font l’objet d’une licence détenue par Disney depuis des décennies, la protection légale des premiers livres de Milne, sortis dès 1926, a désormais expiré. Le personnage original est donc tombé dans le domaine public, permettant cette adaptation cauchemardesque. Les premières images du film, où de sinistres Winnie et Porcinet rôdent dans l’obscurité derrière une jeune femme tranquillement allongée dans un jacuzzi, ont rapidement enflammé internet l’an dernier.
Initialement promise à une diffusion en salle très modeste, cette production gore, réalisée avec un budget minime de 250 000 dollars, s’est transformée en phénomène bénéficiant d’une sortie mondiale. Au Mexique, il a récolté plus d’un million de dollars en deux semaines. Selon certains experts, Winnie the Pooh : Blood and Honey pourrait devenir l’un des films les plus rentables de l’histoire du cinéma. Son réalisateur espère détrôner le phénomène Paranormal Activity, sorti en 2009 grâce à un investissement de 15 000 dollars, et qui a lancé une saga capable d’engranger plus d’un milliard de recettes au box-office. «Je croyais vraiment en cette idée. D’autres n’y croyaient pas (…) et maintenant ça marche plutôt bien», sourit Rhys Frake-Waterfield.
L’expiration des droits qui a permis cette refonte malsaine n’autorise pas pour autant toutes les extravagances. Car le personnage de Winnie a évolué au fil du temps et seule sa toute première version est dans le domaine public. Impossible donc d’affubler l’ourson glouton de la tunique rouge qu’il porte dans les films de Disney. De même, Tigrou, apparu seulement plus tard dans les livres, ne figure pas dans le film.
Je veux m’éloigner (de Disney) le plus possible. Je ne veux pas (que Winnie) soit petit, câlin et mignon
Mais au-delà des droits d’auteur, qui empêchent la copie sans licence d’une œuvre créative mais sont limités dans le temps, le long métrage se joue du droit des marques. La licence détenue par Disney, renouvelable indéfiniment, interdit à quiconque de sortir un produit lié à Winnie et qui pourrait être confondu avec l’original. «On ne peut pas suggérer que (…) le produit est promu par Disney ou qu’il lui est affilié ou associé de quelque façon que ce soit, car Disney bénéficie toujours d’une solide protection des marques», explique l’avocat spécialisé Aaron Moss. Dans ce cas précis, la production semble protégée par l’idée absurde de transformer Winnie en méchant de film d’horreur.
«Pas familial du tout», le long métrage «ne représente rien de ce à quoi (les spectateurs) pourraient s’attendre de la part de Disney», estime le conseil, et rend tout éventuel recours du géant américain «beaucoup plus difficile à faire valoir». «Je veux m’éloigner d’eux le plus possible», confirme Rhys Frake-Waterfield. Le réalisateur souhaite «que Winnie l’Ourson soit grand, menaçant, effrayant, intimidant et horrifiant. Je ne veux pas qu’il soit petit, câlin et mignon.»
Le film propose donc un scénario sombre. Abandonnés par leur ami Jean-Christophe, devenu adulte, Winnie et Porcinet ont été livrés à eux-mêmes et sont retournés à l’état sauvage. Au point de se lancer dans une folie meurtrière.
Revendiqué, ce mauvais goût semble néanmoins faire des déçus. Lors d’une projection à Mexico, beaucoup de spectateurs n’ont pas apprécié le film. La réception par le public n’a pourtant déjà plus grande importance. Le battage médiatique est tel que son réalisateur prépare déjà une suite, ainsi que d’autres films d’horreur inspirés de Bambi et Peter Pan.