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[Bande dessinée] Adrien Yeung met le feu ! 


(Photo : éditions même pas mal )

Le jeune auteur de 27 ans s’est fait un nom sur Instagram avec ses strips doux, drôles et dingues, désormais réunis sur papier sous le nom inquiétant de Tout brûle comme prévu. Cartésien, passez votre chemin!

D’abord, une précision : il faut savoir lâcher prise, ou avoir un minimum d’appétence pour l’absurde ou le grand-guignolesque pour entrer dans les histoires drôles et les drôles d’histoires d’Adrien Yeung. Car avec lui, tout semble possible : un «battle» hip-hop entre animaux ou avec des banquiers, un expert de la séduction plongé en milieu extrême, un lecteur de Nicolas Sarkozy coincé dans un TGV en partance «pour le kif», un blaireau qui paie vos factures, sans oublier une intrusion dans une émission de téléréalité, au cœur d’une villa aux hôtes décérébrés… «Avec un crayon, on peut faire n’importe quoi!», soutient l’auteur dans un rire.

Voilà déjà quatre ans que son univers, peuplé d’enfants corrompus, d’adultes immatures et de bestioles terriblement humaines, font un carton sur Instagram, plateforme que le jeune homme, âgé de 27 ans, voit comme un «laboratoire de création». «Il s’agissait d’abord de se faire la main, de fonctionner à l’envie, d’expérimenter dans toutes les directions», commente-t-il depuis Strasbourg où il s’est installé. Au rythme d’un strip doux-dingue par semaine, il attire dans ses filets plus de 15 000 suiveurs, fans de son dessin naïf et de sa propension à viser large.

Avec un crayon, on peut faire n’importe quoi!

L’application «sociale» agit comme un «tremplin» pour lui et toute une génération d’auteurs, cherchant la sacro-sainte visibilité. «Moi, ça a validé mon entrée dans le « game » de la BD», lâche-t-il, satisfait que son travail soit autant apprécié par les lecteurs alors qu’en parallèle, ses projets plus «sérieux» se perdent inexorablement sur les bureaux des gros éditeurs… Un seul, bien plus modeste, sera finalement sensible à cette «belle carte de visite» : les éditions Même pas mal, situées à Marseille, qui lui proposent alors de réunir ses différents mini-récits (ou «stories» pour être dans le ton) : ce sera Tout brûle comme prévu, dont les deux tomes sont sortis en 2021 et 2022.

Une appellation inquiétante qui méritait bien une précision : «C’était un objet difficile à nommer, car c’est une compilation d’histoires qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Disons que c’est un titre coup-de-poing, qui fait écho avec l’actualité. C’est toute ma stratégie de communication!» Car derrière le rire facile et cette extravagance à fleur de peau, cet «écolo-anxieux» glisse quelques références politiques, quand ce ne sont pas des élans poétiques. «L’absurdité est une notion qui enveloppe beaucoup de choses. Mais c’est d’abord un jeu d’écriture, avec cette question centrale : jusqu’où peut-on aller? J’aime surprendre, sans choquer. Moi le premier!»

Une démarche artistique qui le rapproche, dans le fond, de Pierre La Police, Antoine Marchalot, Daniel Goossens ou encore, moins connu, de l’illustrateur Glen Baxter. Et dans la forme, de toute une brochette d’auteur(e)s, la plupart jeunes et novices, qui s’illustrent à l’envi sur Instagram. «Il y a une vraie émulsion!», s’enthousiasme-t-il. Histoire d’appuyer la vague, il convie différents invités à s’emparer de ses fameux horoscopes, à la rigueur douteuse (Élodie Shanta, Félix Auvard…). «Un clin d’œil» que lui renverra, sympathique, Anouk Ricard (prix du jury il y a une semaine à Angoulême pour Animan), qui signe en effet la préface du second tome.

Après plusieurs années à vivoter de petits jobs, comme tout auteur «indépendant» qui se respecte, Adrien Yeung avoue que l’horizon se dégage pour lui, grâce à différents projets (commandes de la part de journaux, collaboration à un jeu de société…). Au point que cette année, il reconnaît «vouloir se frotter à nouveau au monde de l’édition», avec succès ce coup-ci. «J’ai plus de temps pour me consacrer à l’écriture. Oui, ça ne fait qu’aller de mieux en mieux», souffle-t-il. Mais que les fans soient rassurés : il continuera d’alimenter son compte de fables zinzins et autres figures toquées. Et de voir, à travers ses jumelles distordantes, les aberrations et dysfonctionnements de notre société. Oui, Adrien Yeung n’a pas fini de faire rire et d’étonner. L’horoscope est formel!

Tout brûle comme prévu
(t. 1 et t. 2), d’Adrien Yeung.
Éditions Même pas mal.